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25/03/2025 | FRANCE | N°495571

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 25 mars 2025, 495571


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 juin 2024 et le 25 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération française des services à la personne et de proximité (FEDESAP) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-2 du 2 janvier 2024 relatif au montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux contre

ce décret ;



2°) d'enjoindre au Premier ministre d'adopter un nouveau dé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 juin 2024 et le 25 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération française des services à la personne et de proximité (FEDESAP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-2 du 2 janvier 2024 relatif au montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux contre ce décret ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'adopter un nouveau décret, dans le délai de deux mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 ;

- la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 ;

- le décret n° 2021-1932 du 30 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Laude, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2025, présentée par la fédération française des services à la personne et de proximité ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, créé par l'article 44 de la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 : " Les services autonomie à domicile mentionnés à l'article L. 313-1-3 sont financés selon les modalités suivantes. / I. - Au titre de l'activité d'aide et d'accompagnement à domicile : / 1o Pour les services habilités sur le fondement de l'article L. 313-6 à recevoir des personnes bénéficiant de l'aide sociale, les tarifs horaires arrêtés par le président du conseil départemental en application du II de l'article L. 314-1 ne peuvent être inférieurs à un montant fixé par décret par référence au montant de la majoration pour aide constante d'une tierce personne mentionnée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale ; / 2o Pour les services mentionnés à l'article L. 347-1, le montant de l'allocation mentionnée à l'article L. 232-1 ou de la prestation mentionnée à l'article L. 245-1, destinées à couvrir tout ou partie du prix facturé par le service, ne peut être inférieur au montant résultant de l'application du montant minimal mentionné au 1o du présent I ; / 3o Pour les services mentionnés aux 1o et 2o du présent I, sous réserve d'avoir conclu avec le président du conseil départemental le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens mentionné à l'article L. 313-11-1 comportant les mentions prévues au 13o du même article L. 313-11-1, une dotation finance des actions améliorant la qualité du service rendu à l'usager. / II. - Au titre de l'activité de soins mentionnée au 1o de l'article L. 313-1-3, le directeur général de l'agence régionale de santé verse chaque année une dotation globale de soins (...). / La dotation globale de soins peut inclure des financements complémentaires définis dans le contrat prévu au IV ter de l'article L. 313-12 ou à l'article L. 313-12-2. / Un décret en Conseil d'Etat détermine la nature des financements complémentaires mentionnés à l'avant-dernier alinéa du présent II ainsi que la périodicité de révision des différents éléments de la dotation globale de soins ". Sur ce fondement, le décret du 2 janvier 2024 relatif au montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles définit ce montant minimal, prévoit sa revalorisation au 1er janvier de chaque année et modifie les dispositions de l'article R. 232-10 du code de l'action sociale et des familles pour relever en conséquence les plafonds des plans d'aide de l'allocation personnalisée d'autonomie. La fédération française des services à la personne et de proximité demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

2. En premier lieu, d'une part, le 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction citée ci-dessus, issue de la loi du 23 décembre 2022 et applicable à la date du décret attaqué, ne prévoit la détermination par décret en Conseil d'État que de certains éléments du II de cet article, se rapportant au financement des services autonomie à domicile au titre de leur activité de soins, et renvoie en revanche à un décret la fixation du montant minimal, par référence au montant de la majoration pour aide constante d'une tierce personne, des tarifs horaires, devant être arrêtés par le président du conseil départemental, selon lequel sont, en vertu du I du même article, financés les services autonomie à domicile au titre de l'activité d'aide et d'accompagnement à domicile. Par suite, et alors même que le décret du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure issue de l'article 44 de la loi du 23 décembre 2021, avait été soumis à la consultation du Conseil d'Etat, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué, qui fixe ce montant minimal en insérant au code de l'action sociale et des familles un article D. 314-130-1, aurait dû lui aussi être soumis à la consultation du Conseil d'Etat. Si, par ailleurs, le décret attaqué modifie l'article R. 232-10 de ce code pour relever les plafonds des plans d'aide de l'allocation personnalisée d'autonomie en conséquence du montant minimal ainsi fixé, la définition de ce plafond relève, de même, en application de l'article L. 232-3-1 du code de l'action sociale et des familles, d'un décret, de sorte que le décret attaqué n'avait pas davantage, à ce titre, à être soumis à la consultation du Conseil d'Etat.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale : " Le conseil ou les conseils d'administration (...) de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (...) sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence (...) ". Aux termes de l'article R. 200-3 du même code : " (...) l'avis doit être notifié au ministre chargé de la sécurité sociale dans le délai de vingt et un jours à compter de la date de réception du projet de mesure législative ou réglementaire. Toutefois, en cas d'urgence, dûment invoquée dans la lettre de saisine, ce délai est réduit à onze jours. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sur le projet de décret a été rendu le 2 janvier 2024, au terme du délai d'urgence de onze jours, prévu par l'article R. 200-3 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la communication à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie d'une fiche d'impact à l'appui de la demande d'avis et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'aurait pas disposé des éléments lui permettant d'émettre son avis en toute connaissance de cause. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret en litige aurait, pour ces différents motifs, été pris à la suite d'une procédure irrégulière.

5. En troisième lieu, l'article D. 314-130-1 du code de l'action sociale et des familles créé par le décret attaqué prévoit que : " Le montant du tarif minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 est égal à 0,01941 fois le montant de la majoration pour aide constante d'une tierce personne mentionnée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale applicable au 1er janvier de l'année au titre de laquelle ce montant minimal est déterminé. / Il est revalorisé au 1er janvier de chaque année. " Le 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles imposant seulement au pouvoir réglementaire de fixer le montant minimal des tarifs horaires de l'activité d'aide et d'accompagnement à domicile exercée par les services autonomie à domicile par référence au montant de la majoration pour aide constante d'une tierce personne, ce qu'il a d'ailleurs fait en déterminant ce montant minimal par application d'un coefficient au montant de la majoration pour aide constante d'une tierce personne et en précisant que sa revalorisation interviendrait au 1er janvier de chaque année, la fédération requérante ne peut utilement soutenir que le décret aurait méconnu " la lettre de la loi " ou serait entaché de détournement de pouvoir au motif qu'il aurait, à des fins " de sauvegarde des finances publiques " que la loi ne prévoirait pas, fixé ce montant minimal à un niveau inférieur à celui qui aurait été attendu.

6. En dernier lieu, si l'article 1er du code civil dispose que : " (...) lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. ", le second alinéa de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration que : " Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement (...) " et l'article L. 221-3 de ce code que : " Lorsque les actes mentionnés à l'article L. 221-2 sont publiés au Journal officiel de la République française, ils entrent en vigueur, dans les conditions prévues à l'article 1er du code civil, à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. (...) ", le II de l'article 71 de la loi du 23 décembre 2022 prévoit que les dispositions relatives aux modifications de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles s'appliquent " à compter de la fixation du tarif minimal mentionné à l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles pour l'année 2024 ". Il en résulte qu'alors même que le décret attaqué n'a été publié au Journal officiel de la République française que le 2 janvier 2024, il n'est entaché d'aucune rétroactivité illégale en ce que son article 2 prévoit son entrée en vigueur au 1er janvier 2024, date d'effet du montant du tarif minimal fixé pour l'année 2024.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque, non plus, par suite, que du rejet de son recours gracieux. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la fédération française des services à la personne et de proximité est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération française des services à la personne et de proximité et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Anne Laude, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 25 mars 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Laude

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 495571
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2025, n° 495571
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Laude
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:495571.20250325
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