Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 et 27 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 3 mars 2025 par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, ne l'a pas autorisée à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire, session 2025 ;
2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice de l'autoriser provisoirement, avant le 2 avril 2025, à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire, session 2025, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, elle est privée de la possibilité de se présenter à l'épreuve d'admissibilité qui se déroulera le 2 avril 2025 et, d'autre part, elle fait obstacle à son intégration dans la promotion de la session 2025 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée est entachée d'insuffisance de motivation dès lors qu'elle est stéréotypée et n'est pas circonstanciée au regard de sa situation ;
- elle est entachée d'une inexactitude matérielle dès lors que les justificatifs de ses activités professionnelles ont tous été produits à l'appui de sa candidature ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, en premier lieu, sont invoquées à l'appui de sa candidature des fonctions d'assistante juridique après d'un avocat pendant cinq ans, de clerc d'avocat pendant trois ans et deux mois, de clerc cadre pendant un an et sept jours et de juriste assistante pendant deux ans et vingt-huit jours, de sorte qu'elle a exercé des fonctions variées, nécessitant des compétences juridiques techniques et travaillé de manière autonome, en deuxième lieu, la circonstance qu'elle n'a pas exercé certaines fonctions à un niveau " cadre " ne peut être retenue pour fonder le refus qui lui est opposé et, en dernier lieu, elle a déjà été admise à participer au même concours à la session précédente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A..., et d'autre part, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 mars 2025, à 15 heures :
- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... ;
- les représentants du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 31 mars 2025 à 13 heures, puis le même jour à 17h ;
Vu les mémoires après audience, enregistrés le 31 mars 2025, présentés par Mme A... ;
Vu le mémoire après audience, enregistré le 31 mars 2025, présenté par le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;
- l'arrêté du 7 juillet 2024 fixant les modalités d'inscription des candidats au concours professionnel prévu par l'article 22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- l'arrêté du 18 octobre 2024 portant ouverture au titre de l'année 2025 du concours professionnel prévu par l'article 22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Un concours professionnel est ouvert pour le recrutement de magistrats des second et premier grades de la hiérarchie judiciaire. / (...) Les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article et aux articles 23 et 24 sont remplies au plus tard à la date de la première épreuve du concours. (...) ". Aux termes de l'article 23 de la même ordonnance : " Le concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire prévu à l'article 22 est ouvert : 1° Aux personnes remplissant la condition prévue au 1° de l'article 17 et justifiant d'au moins sept années d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ".
3. Par une décision du 3 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser Mme A... à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire, session 2025, au motif qu'elle ne justifiait pas d'au moins sept années d'activités professionnelles dans le domaine juridique, administratif, économique ou social la qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. Mme A... demande la suspension de l'exécution de cette décision.
4. Il résulte de l'instruction et des échanges à l'audience que, pour retenir ce motif, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prendre en compte dans sa totalité l'expérience de Mme A... en qualité d'assistante juridique, de 2011 à 2016, puis de clerc de 2016 à 2019, auprès d'un avocat, estimant que le contenu de ces fonctions ne se caractérisait pas, dès leurs premières années d'exercice, par une autonomie et une technicité juridique la qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires, contrairement à celles dont elle faisait état à compter du 1er septembre 2021. En l'état de l'instruction et eu égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose le ministre, le moyen tiré de ce qu'il aurait ainsi commis une erreur matérielle, une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit n'apparaît pas propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. Il en va de même du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de Mme A... doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Fait à Paris, le 1er avril 2025
Signé : Philippe Ranquet