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04/04/2025 | FRANCE | N°474714

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04 avril 2025, 474714


Vu la procédure suivante :



La Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne (Fédération ALLURE) a demandé à la cour administrative d'appel de Paris l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 23 janvier 2022 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles (IDCC n° 1483). Par un arrêt n° 22PA01645 du

13 avril 2023, rectifié par une ordonnance n° 22PA01645 du 21 avril 2023, l...

Vu la procédure suivante :

La Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne (Fédération ALLURE) a demandé à la cour administrative d'appel de Paris l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 23 janvier 2022 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles (IDCC n° 1483). Par un arrêt n° 22PA01645 du 13 avril 2023, rectifié par une ordonnance n° 22PA01645 du 21 avril 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 juin et 21 août 2023 et le 14 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération ALLURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- l'arrêté du 29 juillet 2020 relatif aux modalités de candidature des organisations professionnelles d'employeurs dans le cadre de l'établissement de leur représentativité en 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugo Bevort, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne (Fédération ALLURE) et au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la Fédération nationale de l'habillement ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 janvier 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a reconnu la fédération nationale de l'habillement (FNH) et la confédération nationale des détaillants en lingerie (CNDL) comme organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles (IDCC n°1483) et fixé le poids respectif de ces organisations. Par un arrêt du 13 avril 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la demande de la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne (ALLURE) tendant à l'annulation de cet arrêté qui ne la mentionne pas parmi les organisations professionnelles représentatives dans ce champ. La Fédération ALLURE se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En premier lieu, faute pour la Fédération ALLURE d'avoir soutenu devant la cour que le Haut Conseil du dialogue social aurait délibéré le 19 janvier 2022 dans une composition comportant un nombre de représentants de l'Etat supérieur à celui prévu par l'article R. 2122-1 du code du travail, elle ne peut utilement soutenir en cassation, en se fondant pour la première fois sur une telle argumentation, que la cour a entaché son arrêt de dénaturation en retenant, pour se prononcer sur le moyen qui était alors présenté et au vu des pièces du dossier qui lui était soumis, qu'il ne ressortait pas du projet de procès-verbal de la séance du 19 janvier 2022 du Haut Conseil du dialogue social que cette instance aurait été irrégulièrement composée.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " I.- La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : (...) / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4 ". Aux termes de l'article L. 2152-1 du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs : / 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ; / 2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 2151-1 du code du travail : " Pour l'application du 4° au 6° de l'article L. 2151-1, une organisation professionnelle d'employeurs issue du regroupement d'organisations professionnelles d'employeurs préexistantes peut se prévaloir de l'ensemble des éléments démontrant l'audience et l'influence de ces dernières, ainsi que de l'ancienneté acquise antérieurement au regroupement par la plus ancienne de ces dernières dans le champ professionnel et géographique correspondant au niveau pour lequel la représentativité est demandée ". Selon l'article R. 2152-3 du même code : " Le nombre d'entreprises adhérentes est apprécié au 31 décembre de l'année précédant l'année de la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5. "

5. Aux termes de l'article R. 2152-8 du même code : " I.- Pour la mesure de l'audience d'une organisation professionnelle d'employeurs prévue au 3° de l'article L. 2152-1, sont prises en compte les entreprises relevant de la branche professionnelle concernée et adhérentes à cette organisation professionnelle à ce niveau ou à une structure territoriale statutaire de cette organisation. / II.- Sont également considérées comme adhérentes à une organisation professionnelle d'employeurs candidate à la représentativité dans une branche professionnelle les entreprises relevant de cette branche professionnelle et adhérant à une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs ou à l'une de leurs structures territoriales statutaires dès lors que cette organisation : / 1° A rendu publique son adhésion à l'organisation candidate par tout moyen avant le 31 décembre de l'année précédant l'année de la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5 ; / 2° Atteste ne pas être candidate à la représentativité dans la branche concernée ; / 3° Verse une cotisation conformément aux règles fixées par l'organe compétent de l'organisation à laquelle elle adhère, et selon des modalités assurant l'information des entreprises adhérentes quant à l'organisation destinataire de la cotisation. Cette condition est également regardée comme satisfaite lorsque l'organisation concernée produit des comptes combinés avec l'organisation à laquelle elle adhère (...) ".

6. La cour administrative d'appel a souverainement constaté que la Fédération ALLURE a été formée le 2 février 2021 par le regroupement de trois structures territoriales statutaires antérieurement membres de la Fédération nationale de l'habillement, à savoir la chambre syndicale des commerces de l'habillement, textiles, nouveautés et accessoires de Paris et d'Ile-de-France, la chambre syndicale régionale du commerce de l'habillement et accessoires de Bourgogne-Franche-Comté et la chambre syndicale Rhône-Alpes des détaillants en prêt à porter, et que ses statuts ont été déposés le 3 février suivant. Alors que la cour retenait, par des motifs qui ne sont pas contestés, que l'audience des organisations devait en l'espèce être mesurée, pour apprécier leur représentativité, à la date du 31 décembre 2019, elle a constaté qu'à cette date, au titre du I de l'article R. 2152-8 du code du travail, aucune entreprise relevant de la branche professionnelle concernée ne pouvait être adhérente de la Fédération ALLURE à ce niveau ou à une de ses structures territoriales statutaires, dès lors que cette fédération n'a été créée qu'ultérieurement. La cour a, de même, relevé, au titre du II de l'article R. 2152 8 du code du travail, que ni la chambre syndicale des commerces de l'habillement, textiles, nouveautés et accessoires de Paris et d'Ile-de-France, ni la chambre syndicale régionale du commerce de l'habillement et accessoires de Bourgogne-Franche-Comté ne pouvaient à cette date avoir rendu publique leur adhésion à la Fédération ALLURE. En déduisant de ces constats que la fédération ALLURE ne pouvait se prévaloir d'aucune audience à la date du 31 décembre 2019, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Si la fédération requérante invoque les dispositions de l'article R. 2151-1 du code du travail, citées au point 4, selon lesquelles, pour l'application du 4° au 6° de l'article L. 2151-1, une organisation professionnelle d'employeurs " issue du regroupement d'organisations professionnelles d'employeurs préexistantes " peut se prévaloir de l'ensemble des éléments démontrant l'audience et l'influence de ces organisations préexistantes, ces dispositions sont sans application en l'espèce, alors que la Fédération ALLURE n'est issue du regroupement que de certaines structures qui étaient précédemment membres d'une organisation professionnelle nationale d'employeurs et qui s'en sont détachées en vue de la création d'une nouvelle organisation professionnelle nationale d'employeurs concurrente. Par suite, en écartant l'invocation de ces dispositions de l'article R. 2151-1 du code du travail, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la fédération ALLURE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la fédération nationale de l'habillement au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la Fédération ALLURE est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la Fédération nationale de l'habillement présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne, à la Fédération nationale de l'habillement, à la confédération nationale des détaillants en lingerie et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 474714
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 TRAVAIL ET EMPLOI. - SYNDICATS. - REPRÉSENTATIVITÉ. - ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES D'EMPLOYEURS – FACULTÉ, POUR UNE ORGANISATION CONCURRENTE ISSUE DU REGROUPEMENT DE STRUCTURES S’ÉTANT DÉTACHÉES D’UNE ORGANISATION PRÉEXISTANTE, DE SE PRÉVALOIR DES ÉLÉMENTS RELATIFS À L’AUDIENCE, L’INFLUENCE ET L’ANCIENNETÉ DE CETTE DERNIÈRE (ART. R. 2151-1 DU CODE DU TRAVAIL) – ABSENCE.

66-05-01 Les dispositions de l’article R. 2151-1 du code du travail ne sont pas applicables à une organisation professionnelle d'employeurs issue du regroupement de certaines structures qui étaient précédemment membres d’une autre organisation professionnelle d’employeurs et qui s’en sont détachées en vue de la création d’une nouvelle organisation concurrente.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2025, n° 474714
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hugo Bevort
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:474714.20250404
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