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09/04/2025 | FRANCE | N°490911

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 09 avril 2025, 490911


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 janvier, 15 avril, 13 septembre et 10 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ost développement demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 novembre 2023 du Comité économique des produits de santé fixant les tarifs de responsabilité et les prix limites de vente au public (PLV) en euros TTC des greffons o

sseux viro-inactivés Ostéopure de la société Ost développement, inscrits sur la liste prévu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 janvier, 15 avril, 13 septembre et 10 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ost développement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 novembre 2023 du Comité économique des produits de santé fixant les tarifs de responsabilité et les prix limites de vente au public (PLV) en euros TTC des greffons osseux viro-inactivés Ostéopure de la société Ost développement, inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre au Comité économique des produits de santé de fixer les tarifs de responsabilité et les prix limite de vente au public des greffons osseux viro-inactivés Ostéopure de la société Ost développement aux montants dont ils bénéficiaient antérieurement à la décision litigieuse, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 19 avril 2019 portant modification des conditions de prise en charge des greffons osseux viro-inactivés des sociétés BIOBANK, Etablissement français du sang, OST DEVELOPPEMENT, TBF Génie Tissulaire, NOVOMEDICS France et inscription des greffons osseux viro-inactivés C+T BA ALLOTEC de la société NOVOMEDICS France au titre III de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de la société Ost développement ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Ost développement exploite le dispositif médical Ostéopure, allogreffes osseuses viro-inactivées, pour des applications orthopédiques et dentaires. Par un arrêté du 25 mai 2005, ce dispositif a été inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Par un arrêté du 5 août 2020, cette inscription a été renouvelée jusqu'au 15 juin 2025 et une convention a été conclue le 29 mai 2020 entre le Comité économique des produits de santé et la société Ost-développement pour la fixation des tarifs de responsabilité et prix limites de vente au public de ces produits. Par une décision du 8 novembre 2023, publiée au Journal officiel de la République française du 22 novembre 2023, prise à la suite du refus de la société de modifier en ce sens la convention, ce comité a décidé de baisser les tarifs de responsabilité et les prix limites de vente au public des greffons osseux viro-inactivés qu'elle exploite, par deux décotes successives de 2,5 % au 1er janvier 2024 et 1er janvier 2025. La société Ost développement demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article D. 162-2-1 du code de la sécurité sociale : " Le comité économique des produits de santé institué par l'article L. 162-17-3 est composé des membres suivants : / 1° Un président et deux vice-présidents, l'un chargé du médicament, l'autre des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 (...) ; / 2° Le directeur de la sécurité sociale ou son représentant ; / 3° Le directeur général de la santé ou son représentant ; / 4° Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou son représentant ; / 5° Le directeur général des entreprises ou son représentant ; / 6° Trois représentants des organismes nationaux d'assurance maladie (...) ; / 7° Un représentant désigné par le conseil de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire. (...) Assistent aux réunions du comité, avec voix consultative, le directeur général de l'offre de soins ou son représentant et un représentant du ministre chargé de la recherche. / En fonction de l'ordre du jour, le président peut associer le directeur général de la cohésion sociale ou son représentant, un représentant du ministre chargé du budget, un représentant du ministre chargé de l'agriculture, un représentant du ministre chargé des petites et moyennes entreprises ou un représentant du ministre chargé des anciens combattants aux travaux du comité et de ses sections, avec voix consultative. (...) ". L'article D. 162-2-3 du même code prévoit que : " (...) II. - Lorsqu'il exerce les missions définies aux articles L. 165-2, L. 165-3 et L. 165-4, le comité économique des produits de santé se réunit en section des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ; le vice-président qui siège est celui en charge des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article D. 162-2-5 du même code : " (...) Les délibérations du comité économique des produits de santé ne sont valables que si au moins six de ses membres ayant voix délibérative sont présents. (...) ". En l'absence d'un texte fixant une règle de quorum ou exigeant la présence de certains membres, les décisions du Comité économique des produits de santé sont régulières dès lors que la majorité de ses membres a siégé.

3. Il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du 8 novembre 2023 au cours de laquelle la décision en litige a été adoptée, étaient présents le président et le vice-président du Comité économique des produits de santé ainsi qu'une majorité des membres de son collège, valablement représentés, s'agissant de trois des quatre directeurs d'administration centrale, du représentant du conseil de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire et des trois représentants de l'union nationale des caisses d'assurance maladie. La seule circonstance que deux représentants supplémentaires du directeur de la sécurité sociale aient participé à cette réunion, alors qu'il ne ressort pas de la feuille d'émargement, qui précise qu'un seul représentant de chacune des directions d'administration centrale représentée dispose d'une voix délibérative, qu'ils aient participé au vote, et alors d'ailleurs que la décision a été prise à l'unanimité, ne constitue pas une méconnaissance des dispositions des articles D. 162-261, D. 162-2-3 et D. 162-2-5 du code de la sécurité sociale.

4. D'autre part, en se bornant à faire valoir qu'il ne ressort pas de ses mentions que le Comité économique des produits de santé a été régulièrement convoqué et que les membres ayant un intérêt direct ou indirect à la question examinée se sont abstenus de siéger lors de la séance au cours de laquelle elle a été prise, la requérante n'assortit pas les autres moyens par lesquels elle soutient que la décision contestée a été prise aux termes d'une procédure irrégulière de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.

5. En deuxième lieu, l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux actes réglementaires en vertu de l'article L. 200-1 du même code, prévoit que : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". S'agissant d'un organisme collégial, il est satisfait aux exigences découlant des prescriptions de cet article, dès lors que la décision prise comporte la signature de son président, accompagnée des mentions prévues par cet article.

6. D'une part, si le nom patronymique du signataire de la décision litigieuse est précédé de la seule initiale de son prénom sur la décision du 8 novembre 2023 publiée au Journal officiel de la République française et sur l'ampliation de celle-ci telle qu'elle a été adressée à la requérante, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors que son auteur peut être identifié sans ambiguïté.

7. D'autre part, ni les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ni aucun autre texte ou aucun principe n'imposent que, lorsqu'une telle décision fait l'objet d'une publication, la signature de son auteur figure sur le document tel qu'il est publié. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait irrégulière faute que, telle qu'elle a été publiée au Journal officiel de la République française, elle comporte la signature manuscrite du président du Comité économique des produits de santé et alors en outre que l'original de cette décision comporte bien une telle signature.

8. Enfin, et en tout état de cause, l'ampliation de la décision attaquée n'avait pas à être revêtue de la signature de son auteur. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut, par suite, qu'être écarté.

9. En troisième lieu, l'article R. 165-16 du code de la sécurité sociale prévoit que les décisions portant refus de modification du prix d'un dispositif médical sont communiquées à l'entreprise avec la mention de leurs motifs. Il en va de même des décisions par lesquelles le Comité économique des produits de santé revoit à la baisse le prix de vente d'un dispositif médical en application du II de l'article L. 165-2 du même code.

10. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 8 novembre 2023, qui renvoie notamment dans ses visas aux nombreux échanges de courriers entre le Comité économique des produits de santé et la société Ost développement, préalables à la décision en litige, et ayant permis la formulation de plusieurs propositions et contre-propositions, expose avec une précision suffisante les éléments de fait et de droit motivant cette décision de baisse des tarifs de responsabilité et des prix limites de vente au public des greffons osseux viro-inactivés Ostéopure de la société Ost développement. Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, le Comité économique des produits de santé, qui n'était pas tenu de répondre à l'argumentation de la société Ost développement, alors en outre que la décision en litige n'a pas été prise à sa demande, a satisfait aux exigences de motivation qui s'imposaient à lui.

11. En quatrième lieu, aux termes du III de l'article R. 165-15 du code de la sécurité sociale : " Lorsque la modification du tarif ou du prix est effectuée à l'initiative du comité économique des produits de santé ou à la demande des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'économie ou de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, les fabricants ou les distributeurs des produits ou des prestations en sont informés par une notification, adressée à chacun d'eux ou par un avis publié au Journal officiel. Ils peuvent présenter des observations écrites ou demander à être entendus par le comité dans les vingt jours suivant la réception de la notification ou la publication de l'avis. Dans ce cas, l'audition a lieu à une date fixée par le comité, au plus tard trente-cinq jours après la réception de la demande ". Ces dispositions n'imposent pas à l'administration d'informer les fabricants ou les distributeurs des produits ou des prestations mentionnés à l'article L. 165-1 de leur faculté de présenter des observations orales. Par suite, en se bornant à inviter la société Ost développement à présenter ses observations, le Comité économique des produits de santé n'a pas méconnu la procédure prévue par les dispositions du III de l'article R. 165-15 du code de la sécurité sociale.

12. En cinquième lieu, aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article D. 162-2-6 du code de la sécurité sociale : " Le comité économique des produits de santé élabore son règlement intérieur. Le secrétariat du comité est placé auprès de la direction de la sécurité sociale ". Le règlement intérieur du Comité économique des produits de santé, publié le 20 janvier 2016, précise qu'il " porte exclusivement sur les activités du Comité économique des produits de santé relatives aux médicaments et qu'il sera donc révisé pour prendre en compte les missions nouvellement confiées par la loi au comité dans le domaine des dispositifs médicaux ".

13. D'une part, la société Ost développement ne peut utilement se prévaloir de l'absence de modification du règlement intérieur du Comité économique des produits de santé pour prendre en compte ses missions dans le domaine des dispositifs médicaux, dès lors qu'elle n'établit ni même n'allègue que ce comité ne pourrait, en l'absence de cette modification, exercer de telles missions. D'autre part, elle ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ce règlement intérieur, qui n'est pas applicable aux décisions du Comité économique des produits de santé fixant les tarifs de responsabilité et les prix limites de vente au public d'un dispositif médical.

14. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du Comité économique des produits de santé n'auraient pas bénéficié des informations suffisantes pour prendre la décision en litige.

15. En septième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la société Ost développement, que la décision en litige n'aurait pas été adopté par le Comité économique des produits de santé lors de la séance du 8 novembre 2023.

Sur la légalité interne :

16. En vertu de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel est subordonné à leur inscription, effectuée, soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial, sur une liste établie après avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la Haute Autorité de santé. En vertu de l'article L. 165-3 du même code, les prix des dispositifs médicaux remboursés par l'assurance maladie sous forme de marque ou de nom commercial sont établis par convention entre le fabricant ou le distributeur du produit concerné et le Comité économique des produits de santé ou, à défaut, par décision de ce comité " dans les conditions prévues au I de l'article L. 165-2. Ils peuvent être fixés à un niveau inférieur ou baissés dans les conditions prévues au II du même article L. 165-2 ". Le I de l'article L. 165-2 de ce code dispose que : " Les tarifs de responsabilité de chacun des produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 inscrits sous forme de nom de marque ou de nom commercial sont établis par convention entre l'exploitant ou le distributeur au détail du produit ou de la prestation concerné et le Comité économique des produits de santé dans les mêmes conditions que les conventions visées à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé. / (...) La fixation de ce tarif tient compte principalement de l'amélioration éventuelle du service attendu ou rendu, le cas échéant, des résultats de l'évaluation médico-économique des tarifs des produits ou prestations comparables, des volumes de vente prévus ou constatés, des montants remboursés par l'assurance maladie obligatoire prévus ou constatés et des conditions prévisibles et réelles d'utilisation. Elle peut également tenir compte, à la demande des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, de l'appartenance aux classes définies en application du deuxième alinéa de l'article L. 165-1. Pour les produits ou prestations inscrits sous forme de nom de marque ou de nom commercial, la fixation de ce tarif peut également tenir compte de la sécurité d'approvisionnement du marché français que garantit l'implantation des sites de production. Elle ne peut tenir compte des fonctions de télésurveillance, lorsqu'elles existent ". Aux termes du II du même code : " Le tarif de responsabilité mentionné au I peut être fixé à un niveau inférieur ou baissé, par convention ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé, au regard d'au moins l'un des critères suivants : / 1° L'ancienneté de l'inscription du produit ou de la prestation associée, ou d'un ensemble de produits et de prestations comparables, sur la liste prévue à l'article L. 165-1 ; / 2° Les tarifs des produits et prestations comparables et les remises applicables au produit ou à la prestation et à ceux comparables recouvrées dans les conditions prévues à l'article L. 165-4 au bénéfice de la Caisse nationale de l'assurance maladie ; / 3° Le prix d'achat des produits et prestations constaté par les établissements de santé ou les distributeurs de gros ou de détail, compte tenu des remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature consentis, y compris les rémunérations de services prévues à l'article L. 441-3 du code de commerce ; / 4° Le coût net de remises pour l'assurance maladie obligatoire du produit ou de la prestation concernés et des autres produits ou prestations utilisés concomitamment ou séquentiellement avec ce produit ou cette prestation, notamment par rapport au coût net de remises de produits ou de prestations comparables utilisés seuls ou, le cas échéant, en association concomitamment ou séquentiellement ; / 5° L'existence de tarifs, de prix ou de coûts de traitement inférieurs, déduction faite des différentes remises ou taxes en vigueur, dans d'autres pays européens présentant une taille totale de marché comparable et dont la liste est fixée par décret ; / 6° Les volumes de vente prévus ou constatés des produits ou prestations ; / 7° Les montants des produits ou prestations remboursés par l'assurance maladie obligatoire prévus ou constatés ; / 8° L'appartenance du produit ou de la prestation à une classe autre que les classes à prise en charge renforcée définies en application du deuxième alinéa de l'article L. 165-1 du présent code ; / 9° Le caractère remis en bon état d'usage, dans les conditions prévues à l'article L. 5212-1-1 du code de la santé publique, du produit pris en charge. / Les tarifs d'une catégorie de produits et prestations comparables peuvent être baissés simultanément. L'application d'un taux de baisse uniforme est possible lorsqu'au moins l'un des critères précédents est considéré pour l'ensemble de la catégorie de produits et prestations comparables ".

17. Il ressort des pièces du dossier que le Comité économique des produits de santé a décidé de la baisse des tarifs de responsabilité et prix limites de vente au public des greffons osseux viro-inactivés exploités par la société Ost développement par une décision du 8 novembre 2023, prévoyant deux décotes successives de 2,5 % au 1er janvier 2024 et au 1er janvier 2025, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, en retenant les critères tirés de l'ancienneté d'inscription, de l'absence d'amélioration du service rendu par rapport aux autres allogreffes osseuses viro-inactivées inscrites sur la liste visée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, du montant des dépenses remboursées, de la croissance des dépenses remboursées et enfin des conditions tarifaires inférieures des comparateurs inscrits sur la liste visée à l'article L. 165-1 du même code.

18. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la réunion du Comité économique des produits de santé du 8 novembre 2023 au cours de laquelle la décision en litige a été prise, qu'à cette date le Comité économique des produits de santé avait engagé la procédure de modification à la baisse des tarifs de responsabilité et prix limite de vente au public des produits des sociétés Biobank et Novomedics, dont il ressort de l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé du 5 mai 2020 qu'ils constituent bien des comparateurs cliniquement pertinents des greffons osseux viro-inactivés Ostéopure, ce qui s'est au demeurant traduit par une convention, établie entre le Comité économique des produits de santé et les sociétés Biobank et Novomedics, qui a été publiée le 22 novembre 2023, soit le même jour que la décision en litige. Par suite, la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions du 2° du II de l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle retient le critère tiré des conditions tarifaires inférieures des comparateurs inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables, la circonstance qu'elle les désigne comme étant " à même visée thérapeutique " plutôt que " comparables " étant sans incidence sur son bien-fondé.

19. En deuxième lieu, le Comité économique des produits de santé, qui n'était pas tenu de prendre en compte le seul montant des dépenses pour le remboursement des produits de la marque Ostéopure et de la croissance de ces dépenses et pouvait légalement tenir compte de l'ensemble des dépenses pour le remboursement des produits comparables, ainsi que de la croissance de ces dépenses, n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 165-2 et L. 165-3 du code de la sécurité sociale en retenant le critère tiré des montants des produits ou prestations remboursés par l'assurance maladie obligatoire prévus ou constatés.

20. En troisième lieu, la société Ost développement ne peut utilement soutenir que la décision qu'elle attaque, qui ne fixe pas un prix de cession maximal aux distributeurs en détail, méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale régissant la fixation d'un tel prix.

21. En quatrième lieu, le I de l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale ouvrant seulement la faculté au Comité économique des produits de santé de tenir compte, lors de la fixation du tarif de responsabilité, de la sécurité d'approvisionnement du marché français que garantit l'implantation des sites de production, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait illégale faute de s'être fondée sur ce critère.

22. En cinquième lieu, les dispositions du 1° du II de l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale ne distinguent pas, s'agissant du critère de l'ancienneté de la première inscription sur la liste des produits et prestations responsables, selon que les produits ou les prestations considérés y ont été inscrits sous description générique ou en nom de marque. Elles permettent également de prendre en considération, outre l'ancienneté de l'inscription du produit ou de la prestation en cause, celle d'un ensemble de produits et prestations comparables. Elles portent enfin sur la première inscription sur la liste des produits et prestations remboursables. Par suite, le Comité économique des produits de santé a pu légalement apprécier l'ancienneté de l'inscription des produits en litige sur cette liste en prenant en considération l'inscription sur celle-ci, par l'arrêté du 19 avril 2019, des greffons de quatre sociétés distinctes, dont la société requérante, nonobstant le renouvellement de cette inscription par un arrêté plus récent du 5 août 2020.

23. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale citées au point 16 ne faisaient pas obstacle à ce que le Comité économique des produits de santé tienne compte dans sa décision de l'absence d'amélioration du service rendu par les allogreffes Ostéopure par rapport aux autres allogreffes osseuses.

24. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que les dépenses remboursées par l'assurance maladie, dans la catégorie des greffons osseux, qui s'élevaient à 17,92 millions d'euros en 2019, ont atteint 20,47 millions en 2022, soit une augmentation de 14,2 % en trois ans qui ne peut être imputée au seul report d'opérations non urgentes lié à la crise sanitaire, et que deux autres exploitants d'allogreffes osseuses viro-inactivées inscrites sur la liste visée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale qui constituent, aux termes de l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé du 5 mai 2020, des comparateurs cliniquement pertinents des greffons Ostéopure, avaient accepté une baisse des tarifs et prix de ces dispositifs. La décision contestée, qui n'est pas entachée d'erreur de fait s'agissant tant du montant des dépenses remboursées que de la croissance de ces dépenses et qui se fonde sur l'inscription sur la liste visée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale de produits qui constituent des comparateurs cliniquement pertinents des greffons Ostéopure, n'est pas, au vu de l'ensemble de ces éléments, entachée d'erreur manifeste d'appréciation ni ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit des prestataires de dispositifs médicaux au respect de leurs biens, pas plus qu'à leur liberté d'entreprendre.

25. En huitième et dernier lieu, si la société Ost développement fait valoir que ses charges de production ne sont pas les mêmes que celles des sociétés installées à l'étranger, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, son moyen tiré de la méconnaissance des principes d'égalité et de libre concurrence ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ost développement n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Ost développement est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Ost développement et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 mars 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Édouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 9 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Redondo

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490911
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-04-01-05 SANTÉ PUBLIQUE. - PHARMACIE. - PRODUITS PHARMACEUTIQUES. - DISPOSITIFS MÉDICAUX. - BAISSE DU TARIF D’UN DISPOSITIF MÉDICAL (ART. L. 165-3 DU CSS) – CRITÈRES POUVANT LÉGALEMENT ÊTRE PRIS EN COMPTE PAR LE CEPS – INCLUSION – ABSENCE D’AMÉLIORATION DU SERVICE RENDU.

61-04-01-05 L’article L. 165-2 du code de la sécurité sociale (CSS) ne fait pas obstacle à ce que le Comité économique des produits de santé (CEPS) tienne compte, pour baisser les tarifs de responsabilité et prix limites de vente au public d’un dispositif médical, de l’absence d’amélioration du service rendu par le dispositif médical en cause par rapport aux autres dispositifs médicaux comparables inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 2025, n° 490911
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Redondo
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490911.20250409
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