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17/04/2025 | FRANCE | N°488708

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 17 avril 2025, 488708


Vu la procédure suivante :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la délibération du 30 juin 2020 par laquelle la commission permanente du conseil départemental de Mayotte a décidé de retirer sa délibération du 19 avril 2019 en tant qu'elle concerne sa demande de régularisation foncière et de cession d'une parcelle de terrain sur le territoire de la commune de Bandrélé. Par un jugement n° 2000721 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Mayotte a fait droit à sa demande.



Par un arrêt n

° 21BX03399 du 4 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'ap...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la délibération du 30 juin 2020 par laquelle la commission permanente du conseil départemental de Mayotte a décidé de retirer sa délibération du 19 avril 2019 en tant qu'elle concerne sa demande de régularisation foncière et de cession d'une parcelle de terrain sur le territoire de la commune de Bandrélé. Par un jugement n° 2000721 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Mayotte a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 21BX03399 du 4 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme D... A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 octobre 2023 et 4 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. C... B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-1086 du 23 octobre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de Mme D... A... et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. C... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance du 28 juillet 2005 portant adaptation de diverses dispositions relatives à la propriété immobilière à Mayotte et modifiant le livre IV du code civil : " la propriété peut être acquise par la délivrance gratuite par la collectivité départementale de Mayotte de titres définitifs de propriété aux titulaires de droits coutumiers individuels établis à Mayotte qui ont mis individuellement en valeur et durablement des terrains appartenant au domaine de cette collectivité ou présumés lui appartenir, sur lesquels ils ne sont fondés à se prévaloir d'aucun droit de propriété ". Aux termes de l'article 12 de la même ordonnance : " La personne, physique ou morale, titulaire d'une décision d'attribution de terrain prévue à l'article 11, approuvée dans les conditions fixées par les articles L. 221-13 à L. 221-18 du code du domaine de l'Etat et des collectivités publiques applicable à Mayotte, est tenue de requérir son immatriculation dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision d'attribution devient caduque si son bénéficiaire n'a pas satisfait, dans ce délai, à cette obligation ". Pour l'application de ces dispositions, les articles 122 et 123 du décret du 23 octobre 2008 relatif à l'immatriculation et à l'inscription des droits en matière immobilière à Mayotte disposent, respectivement, que " l'organisme chargé de la mise en œuvre de la politique foncière définie par le Département de Mayotte constate, en application de l'article 11 de l'ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005 susvisée, l'appropriation de la parcelle sujette à occupation coutumière après l'avoir délimitée et avoir identifié son exploitant. Le levé de la parcelle n'a lieu qu'après une procédure contradictoire réunissant les voisins de l'exploitant et, le cas échéant, le comité de village ou les agents communaux, dont la teneur figure dans un procès-verbal " et que " le procès-verbal de levé de parcelle et l'acte de reconnaissance par le Département de Mayotte de la propriété définitive au titulaire qu'il désigne sont remis ensemble au service de la conservation de la propriété immobilière pour immatriculation (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de sa séance du 29 octobre 2018, la commission du patrimoine et du foncier du conseil départemental de Mayotte a donné un avis favorable à la demande de M. B... tendant, d'une part, à la délivrance d'un titre définitif de propriété sur une partie, d'une superficie de 600 m², de la parcelle 135 située sur le territoire de la commune de Bandrélé, dans le cadre des opérations de régularisation foncière menées par le Département de Mayotte, d'autre part, à la vente par cette même collectivité à son profit d'une autre partie de cette parcelle, pour une superficie de 166 m². Par une délibération du 19 avril 2019, la commission permanente du conseil départemental de Mayotte a décidé de " valider les dossiers présentés en commission du patrimoine et du foncier du 29 octobre 2018 et ayant reçu un avis favorable " et " d'autoriser le président [du conseil départemental] à signer tous les actes et documents administratifs s'y rapportant ". Mme A... a notifié le 26 juin 2019 au département son opposition à cette opération et, par une délibération du 30 juin 2020, la commission permanente du conseil départemental a retiré sa délibération du 19 avril 2019 en tant qu'elle concerne la demande de M. B.... Celui-ci a alors demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler cette délibération du 30 juin 2020. Par un jugement du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Mayotte a fait droit à sa demande. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 juillet 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre ce jugement.

3. La délibération du conseil départemental de Mayotte qui, dans le cours de la procédure pouvant conduire, sur le fondement des articles 11 et 12 de l'ordonnance du 28 juillet 2005, à la délivrance gratuite par le Département de Mayotte de titres définitifs de propriété aux titulaires de droits coutumiers individuels établis à Mayotte qui ont mis individuellement en valeur et durablement des terrains appartenant au domaine de cette collectivité ou présumés lui appartenir, se borne à valider le dossier du titulaire de droits coutumiers individuels et à autoriser son président à signer les actes s'y rapportant ne présente pas le caractère d'une décision créatrice de droits qui ne pourrait être abrogée ou retirée que dans les conditions posées par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration.

4. Ainsi, en jugeant que la délibération de la commission permanente du conseil départemental de Mayotte du 19 avril 2019, qui validait le dossier de M. B... dans le cadre de la procédure de régularisation foncière instituée par l'ordonnance du 28 juillet 2005, portant sur l'essentiel de la parcelle 135, la vente de la partie restante de cette parcelle ne constituant que l'accessoire de l'attribution de terrain prévue dans le cadre de cette régularisation, était créatrice de droits au profit de M. B... et ne pouvait être retirée que dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, la cour administrative d'appel de Bordeaux a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Mme A... est, par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à verser à Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. B... soient mises à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : M. B... versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme D... A..., à M. C... B... et au Département de Mayotte.

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre des outre-mer, au ministre d'Etat, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 avril 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.

Rendu le 17 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Paul Levasseur

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488708
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 2025, n° 488708
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Levasseur
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:488708.20250417
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