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17/04/2025 | FRANCE | N°499656

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17 avril 2025, 499656


Vu la procédure suivante :



La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, le 12 décembre 2024, saisi le Conseil d'Etat en application de l'article L. 52-15 du code électoral sur le fondement de sa décision du 21 octobre 2024 rejetant le compte de campagne de M. A... B..., candidat tête de liste " Free Palestine " à l'élection des représentants français au Parlement européen, qui s'est tenue les 8 et 9 juin 2024.



Cette saisine a été transmise à M. B... et au ministre d'Etat, ministre de l'i

ntérieur, qui n'ont pas produit de mémoire.





Vu les autres pièces ...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, le 12 décembre 2024, saisi le Conseil d'Etat en application de l'article L. 52-15 du code électoral sur le fondement de sa décision du 21 octobre 2024 rejetant le compte de campagne de M. A... B..., candidat tête de liste " Free Palestine " à l'élection des représentants français au Parlement européen, qui s'est tenue les 8 et 9 juin 2024.

Cette saisine a été transmise à M. B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ;

- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, rendu applicable comme les autres dispositions du titre Ier du livre Ier de ce code, à l'élection des représentants au Parlement européen par l'article 2 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts (...) ". Eu égard à l'objet de la législation relative, d'une part, à la transparence financière de la vie politique, d'autre part, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assignée un but politique ne peut être regardée comme un "parti ou groupement politique" au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi, qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

2. Selon l'article L. 52-12 du code électoral : " I. - Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. / Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du présent code, le compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par le candidat ou le candidat tête de liste ou pour son compte, à l'exclusion des dépenses de la campagne officielle. (...) ". Aux termes de l'article 19-2 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen : " L'obligation de dépôt du compte de campagne s'impose à toutes les listes de candidats (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans un délai de six mois à compter de l'expiration du délai fixé au II de l'article L. 52-12. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) ".

4. Enfin, selon l'article L. 118-3 de ce code : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : (...) / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision (...) ". En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne prononce l'inéligibilité d'un candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

5. Il résulte de l'instruction que M. B..., candidat tête de liste " Free Palestine ", dont le compte de campagne, déposé le 21 juillet 2024, ne faisait apparaître aucune recette et aucune dépense, a bénéficié de la part de l'association " Union des démocrates musulmans français " d'un financement d'un montant de 3 644 euros, incluant notamment la location d'un véhicule et les frais de déplacement d'un porte-parole. Dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté que cette association, qui ne relève pas des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, ne s'est pas soumise aux règles fixées par ses articles 11 à 11-7, les concours qu'elle a apportés à la liste conduite par M. B... constituent un financement prohibé par les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral. De plus, il résulte également de l'instruction que ces opérations financières n'ont pas été retracées dans le compte de campagne, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral.

6. En l'absence de tout élément de nature à justifier de tels manquements à des règles substantielles du financement des campagnes électorales, il y a lieu, en application de l'article L. 118-3 du code électoral, de déclarer M. B... inéligible pour une durée de dix-huit mois à compter de la date de la présente décision.

D E C I D E :

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Article 1er : M. B... est déclaré inéligible à toutes les élections pour une durée de dix-huit mois à compter de la présente décision.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 499656
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 2025, n° 499656
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Denieul
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:499656.20250417
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