Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du conseil départemental de la Haute-Garonne révélée le 19 août 2024 mettant fin à la prise en charge financière de son hébergement hôtelier à compter du 20 août 2024, d'autre part d'enjoindre au conseil départemental de la reprendre en charge avec ses enfants sans délai. Par une ordonnance n° 2405294 du 13 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 septembre 2024, 14 octobre 2024 et 5 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Haute-Garonne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de la Haute-Garonne et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que, par une décision révélée le 19 août 2024, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a mis fin à la prise en charge financière de l'hébergement hôtelier de Mme B... et de ses deux enfants mineurs à compter du 20 août 2024. Le département de la Haute-Garonne se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 13 septembre 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de cette décision et enjoint au président du conseil départemental de rétablir cette prise en charge financière.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 134-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le contentieux relevant du présent chapitre comprend les litiges relatifs aux décisions du président du conseil départemental et du représentant de l'Etat dans le département en matière de prestations légales d'aide sociale prévues par le présent code ", ce qui inclut les décisions prises par le président du conseil départemental d'admission à l'aide sociale à l'enfance sur le fondement de l'article L. 222-5 du même code. Aux termes de l'article 134-2 du même code : " Les recours contentieux formés contre les décisions mentionnées à l'article L. 134-1 sont précédés d'un recours administratif préalable exercé devant l'auteur de la décision contestée ".
3. L'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur. Une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que la demande de suspension de la décision du conseil départemental dont il était saisi par Mme B... ait été accompagnée d'une copie du recours administratif préalable exercé devant l'auteur de cette décision en application des dispositions précitées de l'article L. 134-2 du code de l'action sociale et des familles. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en suspendant l'exécution de la décision du conseil départemental sans relever d'office l'irrecevabilité de la demande dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit. Dès lors, son ordonnance doit être annulée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'a pas justifié, pour demander la suspension, en application des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de la décision du président du conseil départemental de la Haute-Garonne mettant fin à la prise en charge financière de son hébergement hôtelier, avoir engagé, en produisant une copie de ce recours, les démarches nécessaires auprès du conseil départemental, en application des dispositions précitées de l'article L. 134-2 du code de l'action sociale et des familles, pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que sa demande de suspension ne peut, dans ces conditions, qu'être rejetée, de même que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 13 septembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de la Haute-Garonne et à Mme A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 2 avril 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 30 avril 2025.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
La rapporteure :
Signé : Mme Ariane Piana-Rogez
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly