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06/05/2025 | FRANCE | N°493730

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 06 mai 2025, 493730


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juin 2021 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance, en vue de faire usage professionnel du titre de psychologue en France, du diplôme étranger de psychologie qui lui a été délivré par la société Sigmund Freud University Paris (SFU Paris). Par un jugement n° 2102887 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a fai

t droit à sa demande et a enjoint à l'administration de délivrer à Mme B......

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juin 2021 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance, en vue de faire usage professionnel du titre de psychologue en France, du diplôme étranger de psychologie qui lui a été délivré par la société Sigmund Freud University Paris (SFU Paris). Par un jugement n° 2102887 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint à l'administration de délivrer à Mme B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, l'autorisation sollicitée.

Par un arrêt n° 23DA01721 du 20 février 2024, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 ;

- le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 ;

- l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme A... B... et de la société Sigmund Freud University Paris (SFU Paris) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... B... a obtenu, le 6 septembre 2018, un master en sciences, mention " Psychologie clinique et psychothérapie : psychanalyse, psychopathologie et psychothérapie interculturelle ", délivré par la société Sigmund Freud Université Paris (SFU Paris), qui est une succursale de la Sigmund Freud University, établissement d'enseignement supérieur privé situé à Vienne (République d'Autriche). Par un courrier du 17 septembre 2018, Mme B... a demandé à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation la reconnaissance de son diplôme étranger afin de pouvoir faire usage professionnel, en France, du titre de psychologue conformément aux dispositions de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social. Par une décision du 18 avril 2019, la ministre a rejeté sa demande. Mme B... a formé le 14 juin 2019 un recours gracieux à l'encontre de cette décision, qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 12 août suivant. Par un premier jugement du 4 janvier 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen, après avoir annulé la décision du 18 avril 2019 et, par voie de conséquence, celle du 12 août 2019, a enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de réexaminer la demande de Mme B.... Par une décision du 29 juin 2021, prise en exécution de l'injonction prononcée par le tribunal, l'autorité administrative a, de nouveau, refusé de faire droit à la demande de Mme B... au motif qu'elle ne remplit ni les conditions prévues au 1° du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 qui institue au bénéfice des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, un régime d'accès simplifié à la profession de psychologue, ni celles du I de ce même article qui permet aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés de faire usage professionnel du titre de psychologue, la formation dispensée par la SFU Paris n'offrant pas les garanties exigées dans le système universitaire français pour pouvoir faire usage du titre professionnel de psychologue en ce qui concerne, notamment, la réalisation des stages. Par un second jugement du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision et enjoint à la ministre chargée de l'enseignement supérieur de délivrer à Mme B... l'autorisation sollicitée. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 février 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

2. Aux termes du premier alinéa du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social : " I - L'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés. " Aux termes de l'article 1er du décret du 22 mars 1990, pris pour l'application de ces dispositions, fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue : " Ont le droit en application du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée de faire usage professionnel du titre de psychologue en le faisant suivre, le cas échéant, d'un qualificatif les titulaires : / 1° De la licence et de la maîtrise en psychologie qui justifient, en outre, de l'obtention : / a) Soit d'un diplôme d'études supérieures spécialisées en psychologie ; / b) Soit d'un diplôme d'études approfondies en psychologie comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ; / c) Soit de l'un des diplômes dont la liste figure en annexe. / 2° De la licence visée au 1° et d'un master mention psychologie comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ; / 3° D'une licence mention psychologie et d'un master mention psychologie comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. (...) / 5° De diplômes étrangers reconnus équivalents aux diplômes mentionnés au 1°, au 2° et au 3° par le ministre chargé de l'enseignement supérieur après avis d'une commission dont la composition est fixée par arrêté de ce ministre. (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret du 22 mars 1990 énonce que le stage prévu à l'article 1er de ce décret " vise à conforter les capacités d'autonomie de l'étudiant en le plaçant dans une situation ou des situations professionnelles réelles relevant de l'exercice professionnel des praticiens titulaires du titre de psychologue. / (...) / Le stage est proposé soit par l'étudiant, soit par l'équipe enseignante du master. Il est agréé par le responsable de la mention psychologie du master (...) ". L'article 2 de ce même arrêté précise que " Le stage professionnel est d'une durée minimale de 500 heures. Il est accompli de façon continue ou par périodes fractionnées et doit être achevé, au plus tard un an après la formation théorique dispensée dans le cadre du master. "

3. Il résulte de ces dispositions que le droit de faire usage professionnel en France du titre de psychologue est accordé, sur le fondement du I de l'article 44 de la loi du 24 juillet 1985, aux étudiants ayant obtenu, à l'issue d'une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle, un diplôme ou un certificat de droit national figurant sur la liste annexée au décret du 22 mars 1990 cité au point précédent, ainsi qu'aux titulaires de diplômes étrangers reconnus équivalents à ces diplômes nationaux par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. La reconnaissance de cette équivalence, sur le fondement du 5° de l'article 1er de ce décret est notamment subordonnée, par référence aux dispositions des 2° et 3° de ce même article et de celles des articles 1er et 2 de l'arrêté de 2006 citées ci-dessus, à l'accomplissement, au cours du master et, le cas échéant, de l'année qui suit la formation théorique dispensée dans le cadre du master, d'un stage professionnel d'une durée minimale de 500 heures.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le diplôme délivré à Mme B... par la société SFU Paris est équivalent aux diplômes délivrés par les universités françaises permettant de faire usage professionnel en France du titre de psychologue et qu'elle remplissait ainsi les conditions prévues par le I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985, la cour a relevé que Mme B... avait obtenu son diplôme en ayant accompli un stage professionnel de 500 heures dès lors qu'elle avait effectué 200 heures de stage en licence, 150 heures en master 1 et 308 heures en master 2. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, pour apprécier l'équivalence entre un diplôme étranger et une licence suivie d'un master en psychologie inscrit sur la liste annexée au décret du 22 mars 1990, seuls peuvent être pris en compte les stages professionnels accomplis pendant le cycle de formation en master et l'année qui suit celle-ci, à l'exclusion de ceux accomplis antérieurement, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent la société Sigmund Freud University Paris et Mme B... au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 20 février 2024 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Sigmund Freud University Paris et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à la société Sigmund Freud University Paris et à Mme A... B....


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 493730
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2025, n° 493730
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Fischer-Hirtz
Rapporteur public ?: M. Cyrille Beaufils
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:493730.20250506
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