Vu la procédure suivante :
Mme F... A..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'une part, d'annuler la décision du 24 mars 2022 par laquelle le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a rejeté sa demande d'indemnisation présentée en sa qualité d'ayant-droit de sa mère, Mme G... C..., épouse A..., et, d'autre part, de condamner l'Etat à réparer ses préjudices. Par un jugement n° 2200202 du 8 novembre 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 23PA00063 du 26 avril 2024, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 16 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;
- le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Goyet, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme G... C..., épouse A..., née en 1937 à Amanu (archipel des Tuamotu), a résidé dans cette localité jusqu'en 1952, puis à Marokau (archipel des Tuamotu) entre 1952 et 1965 et à Pirae entre 1965 et 1998, date de son décès. Mme A... épouse D..., sa fille a présenté, le 28 mai 2021, une demande d'indemnisation en sa qualité d'ayant-droit de sa mère décédée, devant le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Cette demande a été rejetée par une décision du 24 mars 2022, au motif que l'intéressée avait été exposée à des doses efficaces inférieures au seuil de 1 millisievert par an (mSv/an). Par un jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie français a rejeté la demande présentée par Mme A... tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnisation demandée. Par un arrêt du 26 avril 2024 contre lequel Mme A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " I. Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. / II. Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit. Si elle est décédée avant la promulgation de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, la demande doit être présentée par l'ayant droit avant le 31 décembre 2027 (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : / (...) entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même loi : " I. Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui se prononce par une décision motivée (...) / V. - Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique. (...) ". En vertu des dispositions des articles L.1333-2 et R.1333-11 du code de la santé publique, cette limite est fixée à 1 mSv par an.
3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 millisievert (mSv). Si, pour le calcul de cette dose, l'administration peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé. En l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à l'administration de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires. Si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 mSv.
4. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme C..., épouse A..., qui a séjourné dans des lieux et pendant une période définis par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 et dont la pathologie figure sur la liste annexée au décret du 15 septembre 2014, bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenue de sa maladie résultant des dispositions précédemment citées.
5. Toutefois, la cour administrative d'appel de Paris a retenu qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis et, notamment, de l'étude par laquelle le commissariat à l'énergie atomique a procédé en 2006 à la reconstitution des doses reçues par la population lors des essais nucléaires atmosphériques effectués de 1966 à 1974, dont la méthodologie a été approuvée par l'Agence internationale de l'énergie atomique dans son rapport de 2009-2010 relatif à l'exposition du public aux radiations en Polynésie française suite aux essais atmosphériques nucléaires français, que la dose reconstituée maximale pour une personne résidant à Pirae (Tahiti) et placée dans une situation comparable à celle de Mme C..., épouse A..., était de 0,57 mSV en 1974, et n'a cessé de décroître par la suite, jusqu'à l'année de son décès en 1998. En jugeant que le CIVEN devait être regardé comme établissant que la mère de la requérante a reçu une dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français inférieure à la limite de 1 mSv par an et comme ayant ainsi renversé la présomption mentionnée au point 4, la cour, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments de la requérante, a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas dénaturé les pièces du dossier.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme F... A..., épouse D..., et au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Copie en sera adressée au ministre des armées.
Signé : M. E... B...