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13/05/2025 | FRANCE | N°504096

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 mai 2025, 504096


Vu la procédure suivante :



M. A... B... et Mme D... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Isère de les orienter vers une structure d'hébergement d'urgence à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2502975 du 20 mars 2025, le juge des rÃ

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... et Mme D... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Isère de les orienter vers une structure d'hébergement d'urgence à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2502975 du 20 mars 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, admis M. B... et Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... et Mme C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 mars 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Isère de les orienter vers une structure d'hébergement d'urgence ou toute solution équivalente à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, ils ne disposent d'aucune solution d'hébergement pérenne malgré leurs appels au 115 depuis le mois de janvier 2025, en deuxième lieu, l'état de santé de leurs trois filles mineures, la dernière étant un nourrisson, est incompatible avec des nuitées dans la rue et, en dernier lieu, la famille se trouve dans une situation d'insécurité permanente et de très grande précarité ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à l'hébergement d'urgence ;

- c'est à tort que le juge des référés n'a pas pris en compte leur précarité extrême, l'insécurité à laquelle ils sont confrontés et la santé fragile de leurs trois filles mineures ;

- il n'est pas démontré que leur situation n'apparaît pas comme étant plus dégradée que celles d'autres personnes en attente d'un hébergement d'urgence depuis plus longtemps y compris avec des enfants de moins de trois ans, ce motif reprenant une affirmation de la préfète de l'Isère qui n'était assortie d'aucun élément de preuve ;

- c'est à tort que le juge des référés a retenu que les moyens dont l'administration dispose et les diligences qu'elle a accomplies permettent d'écarter sa carence dès lors que, d'une part, il n'est pas démontré que l'Etat et le département de l'Isère ont effectivement agrandi le parc d'hébergement d'urgence depuis 2017 et déployé des efforts concrets pour l'agrandir davantage, ni qu'il existe une très forte pression en matière d'hébergement d'urgence et, d'autre part, il n'est fait état d'aucune appréciation précise et circonstanciée des diligences accomplies par l'administration, la décision contestée n'examinant pas si toutes les solutions susceptibles de venir en aide aux personnes en situation de détresse ont été envisagées ;

- la saisine de la commission de la médiation n'est pas de nature à faire échec à leur recours, alors qu'au surplus, cette instance ne s'est pas encore prononcée sur leur dossier.

Par une décision du 22 avril 2025 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Conseil d'Etat, M. B... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. M. B... et Mme C... relèvent appel de l'ordonnance du 20 mars 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Isère de les orienter vers une structure d'hébergement d'urgence avec leurs trois enfants mineurs. Pour rejeter cette demande, le juge des référés a retenu que la demande d'asile présentée par les requérants, ressortissants arméniens entrés en France accompagnés de deux enfants nés en 2009 et 2012, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 octobre 2024, et que, s'ils font valoir être sans solution d'hébergement avec deux enfants souffrant de pathologies nécessitant des soins médicaux réguliers et un troisième enfant en très bas âge, né en France le 20 novembre 2024, ils ont pu bénéficier en tant que demandeurs d'asile d'un hébergement jusqu'au 30 janvier 2025, disposant ainsi du temps nécessaire à la préparation de leur retour en Arménie à la suite de l'arrêté du 30 octobre 2024 pris le préfet de la Drôme et portant obligation de quitter le territoire français. Le juge des référés de première instance a également relevé que, si la préfète de l'Isère ne conteste pas la précarité de la situation dans laquelle se trouvent les intéressés, les demandes d'hébergement d'urgence dans le département de l'Isère sont en constante augmentation, aboutissant à une saturation des moyens dont dispose l'administration, en dépit de l'accroissement très sensible du parc de logement depuis 2017. Ainsi, au cours de la semaine du 10 mars 2025, le " 115 " a enregistré 842 demandes d'hébergement concernant 439 ménages, dont 87 enfants mineurs et 65 enfants de moins de trois ans. Parmi ces demandes, 1 seule famille a pu bénéficier d'une place hébergement et 21 ont été orientées vers un accueil bénévole. Eu égard à ces circonstances, aux moyens dont dispose l'administration et aux diligences qu'elle a d'ores et déjà accomplies, le juge des référés de première instance a retenu que le refus de la préfète de l'Isère de procurer un hébergement d'urgence à M. B... et Mme C... et à leurs enfants ne porte pas, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des nombreuses demandes émanant d'autres familles aussi vulnérables et dans un contexte de saturation des hébergements d'urgence, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Si les requérants font état de la santé fragile de leurs enfants, en particulier de leur nourrisson et des risques encourus par eux en termes de sécurité, ils ne produisent en appel aucune pièce ou élément nouveau de nature à remettre en cause les appréciations retenues par le premier juge. Il y a, par suite, lieu de rejeter leur requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et Mme D... C....

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Fait à Paris, le 13 mai 2025

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 504096
Date de la décision : 13/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 2025, n° 504096
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SOCIETE DREUZY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:504096.20250513
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