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15/05/2025 | FRANCE | N°498250

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 15 mai 2025, 498250


Vu la procédure suivante :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la procédure de promotion interne pour l'accès au corps des professeurs des universités organisée par l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au titre de la 6ème section du Conseil national des universités ayant abouti à la nomination dans ce corps, par un décret du 7 mars 2023 du Président de la République, de Mme B... E... à compter du 1er septembre 2021 et de M. F... C... à compter du 1er septembre 2022. Par une ordonnance nos 2307

916, 2417503 du 4 octobre 2024, le président du tribunal administratif a tra...

Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la procédure de promotion interne pour l'accès au corps des professeurs des universités organisée par l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au titre de la 6ème section du Conseil national des universités ayant abouti à la nomination dans ce corps, par un décret du 7 mars 2023 du Président de la République, de Mme B... E... à compter du 1er septembre 2021 et de M. F... C... à compter du 1er septembre 2022. Par une ordonnance nos 2307916, 2417503 du 4 octobre 2024, le président du tribunal administratif a transmis, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, cette requête au Conseil d'Etat.

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 6 avril 2023 et les 5 janvier et 11 mars 2024 au greffe du tribunal administratif de Paris, et trois mémoires, enregistrés les 23 novembre, 9 et 28 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 7 mars 2023 en tant qu'il nomme dans le corps des professeurs des universités, au titre de la 6ème section du Conseil national des universités, Mme B... E... à compter du 1er septembre 2021 et M. F... C... à compter du 1er septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 ;

- l'arrêté du 7 février 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation fixant certaines modalités de la procédure de promotion interne prévue par le décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a bénéficié, au titre des années 2021 et 2022, de l'ouverture de six postes de professeurs des universités pour promouvoir en interne six maîtres de conférences titulaires de l'habilitation à diriger des recherches, conformément aux dispositions du décret du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés au titre des années 2021 à 2025. Par délibération du 10 mars 2022, son conseil d'administration a décidé d'ouvrir un de ces postes au sein de la 6ème section du Conseil national des universités (CNU) " Sciences de gestion et du management " pour l'année 2021 et un autre au sein de la même section pour l'année 2022. M. D..., maître de conférences en sciences de gestion et du management au sein de cette université et relevant de cette section, a postulé à cette promotion interne. Par un courrier du 22 novembre 2022, l'université l'a informé qu'il n'avait pas été retenu parmi les candidats à auditionner par le comité d'audition. Par un décret du 7 mars 2023, le Président de la République a nommé dans le corps des professeurs des universités au titre de la 6ème section du CNU, sur proposition de la présidente de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Mme E... à compter du 1er septembre 2021 et M. F... C... à compter du 1er septembre 2022. M. D... a formé, par un courrier du 23 janvier 2023, un recours gracieux tendant à l'annulation de cette procédure de promotion interne auprès de la présidente de l'université, qui l'a implicitement rejeté. Dans le dernier état de ses écritures, M. D... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du Président de la République du 7 mars 2023 en tant qu'il nomme dans le corps des professeurs des universités, au titre de la 6ème section du Conseil national des universités, Mme B... E... à compter du 1er septembre 2021 et M. F... C... à compter du 1er septembre 2022.

2. Aux termes de l'article L. 523-1 du code général de la fonction publique : " Afin de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent, outre l'accès par concours interne, une proportion de postes qui peuvent être proposés aux fonctionnaires ou aux agents des organisations internationales intergouvernementales pour une nomination suivant l'une des modalités ci-après : (...) / 2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des candidats. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité chargée d'établir la liste d'aptitude tient compte des lignes directrices de gestion prévues au chapitre III du titre 1er du livre IV (...) "

3. Aux termes des I à III de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés, dans leur rédaction applicable au litige : " I. - (...) / Les candidats déposent leur candidature auprès du chef de l'établissement, accompagnée d'une lettre de motivation et du rapport d'activité mentionné à l'article 7-1 du décret du 6 juin 1984 susvisé, selon un calendrier et des modalités définis par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. / Pour chaque candidat, le conseil académique (...) désigne deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé dont l'un au moins est choisi parmi les spécialistes de la discipline du candidat. Les noms de ces rapporteurs sont rendus publics. / Au vu de leur rapport, le conseil académique délibère en formation restreinte sur l'ensemble des activités des candidats pour apprécier, d'une part, leur aptitude professionnelle et, d'autre part, les acquis de leur expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, leur investissement pédagogique, la qualité de leur activité scientifique et leur investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. / Les avis du conseil académique en formation restreinte et les rapports d'activité précités sont ensuite adressés par le président de l'établissement à la section compétente du Conseil national des universités (...)/ II. - Après avoir entendu deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé désignés par le bureau de la section compétente, le collège compétent pour le corps des professeurs des universités ou des corps assimilés rend un avis sur le dossier du candidat. Cet avis porte, d'une part, sur l'aptitude professionnelle et d'autre part, sur les acquis de son expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, son investissement pédagogique, la qualité de son activité scientifique et son investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. En l'absence d'avis dans un délai fixé par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur, celui-ci est réputé rendu. / Les avis consultatifs des instances mentionnées aux I et II du présent article sont recueillis selon des modalités et un dispositif de cotation fixés par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. / III. - Les dossiers ainsi complétés par l'avis du collège compétent sont adressés au chef de l'établissement d'affectation de l'agent. / Dans la limite de quatre candidats par emploi ouvert dans la discipline concernée à cette voie d'accès par promotion interne, les candidats ayant reçu les avis les plus favorables par les instances consultatives mentionnées au troisième alinéa du I et au II du présent article sont entendus par un comité d'audition. Celui-ci est composé du chef de l'établissement ou de son représentant et de trois membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé, désignés par le chef de l'établissement ou par son représentant, dont deux au moins choisis parmi les spécialistes de la discipline concernée. / En cas d'ex aequo entre plus de quatre candidats, le chef de l'établissement en retient quatre pour l'audition en se fondant sur les critères fixés par les lignes directrices de gestion relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par l'autorité compétente de l'établissement d'affectation. Si ces critères ne permettent pas d'arrêter la liste des candidats à auditionner, le chef de l'établissement fait usage de son pouvoir d'appréciation en vertu des dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / L'audition a pour objet d'éclairer la décision du chef de l'établissement sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités ou des corps assimilés. " Il est ensuite prévu, par les dispositions du IV de cet article, qu'" A l'issue des auditions le chef de l'établissement établit la liste des candidats dont la nomination est proposée. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, il tient compte des trois avis consultatifs émis en application du quatrième alinéa du I, du II et du III, respectivement, par le conseil académique, par la section compétente et par le comité d'audition ainsi que des lignes directrices de gestion relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'établissement d'affectation. / Les motifs pour lesquels leur candidature n'a pas été retenue sont communiqués aux candidats qui en font la demande. / Les lauréats sont ensuite nommés dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er par décret du Président de la République. / La nomination prend effet au 1er septembre de l'année au titre de laquelle elle est prononcée. " Le V de ce même article précise, enfin, que " Cette procédure de promotion met en œuvre les principes et critères édictés par les lignes directrices de gestion en application de l'article 12 du décret du 29 novembre 2019 susvisé, notamment en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, en tenant compte de la part respective des femmes et des hommes dans les disciplines concernées (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, dans le cadre de la procédure de promotion interne de maîtres de conférences dans le corps des professeurs des universités résultant du décret du 20 décembre 2021 dans sa rédaction applicable au litige, le conseil académique de l'université en formation restreinte à ceux de ses membres relevant du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé, éclairé par les rapports de deux rapporteurs, puis la section compétente du Conseil national des universités, après avoir entendu deux rapporteurs, apprécient chacun, successivement, pour chacun des dossiers des candidats, leur aptitude professionnelle et les acquis de leur expérience professionnelle, en émettant un avis, dans chacun de ces deux volets, sur les trois critères relatifs à l'investissement pédagogique, à la qualité de l'activité scientifique et à l'investissement dans des tâches d'intérêt collectif. Les six avis ainsi rendus pour chaque candidat par chacune de ces deux instances donnent lieu, en application d'un arrêté du 7 février 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation fixant certaines modalités de cette procédure de promotion interne, dans sa rédaction applicable au litige, à des notes A, B ou C, correspondant à un avis respectivement, très favorable, favorable ou réservé. A l'issue de ces consultations, le chef d'établissement sélectionne, conformément au III de l'article 3 de l'arrêté précité, au maximum quatre candidats parmi ceux qui ont reçu les avis les plus favorables en vue de leur audition par le comité d'audition. Dans l'hypothèse où plus de quatre candidats se trouveraient ex aequo dans l'obtention des avis les plus favorables, il lui appartient, en application de l'avant dernier alinéa du III de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021, de ne retenir, parmi ces candidats, que quatre d'entre eux en se fondant sur les critères fixés par les lignes directrices de gestion établies par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et les autorités compétentes de l'université en matière de promotion interne des enseignants-chercheurs et, le cas échéant, si l'application de ces critères ne permet pas de retenir seulement quatre candidats, en exerçant son pouvoir d'appréciation. Le comité d'audition, après avoir entendu les candidats ainsi sélectionnés, afin d'éclairer leur motivation et leur aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités, émet, conformément au premier alinéa du IV de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 dans sa rédaction applicable au litige, un avis sur chaque candidat et l'adresse au chef d'établissement. Celui-ci dresse ensuite la liste des candidats dont il entend proposer la nomination dans le corps des professeurs des universités, au vu des avis consultatifs émis par le conseil académique en formation restreinte, la section compétente du CNU et le comité d'audition et en tenant compte, sans pour autant renoncer à son pouvoir d'appréciation, des principes et critères fixés par les lignes directrices de gestion édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'université, le principe d'indépendance des enseignants-chercheurs s'opposant toutefois à ce qu'il use de ce pouvoir d'appréciation en se fondant sur des motifs étrangers à l'administration de l'université tels, en particulier, la qualification scientifique des candidats telle qu'évaluée par les trois instances consultatives susmentionnées. Enfin, la nomination intervient par décret du Président de la République.

5. En premier lieu, l'appréciation souveraine portée par le conseil académique en formation restreinte sur les mérites d'un candidat au regard des critères fixés par le décret du 20 décembre 2021 susvisé est insusceptible d'être contrôlée par le juge de l'excès de pouvoir. Dès lors, M. D... ne peut utilement soutenir que l'appréciation par le conseil académique en formation restreinte de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne de son investissement dans des tâches d'intérêt général au titre de l'évaluation de son aptitude professionnelle serait erronée. Il ne peut davantage utilement se prévaloir, pour contester le sens de cet avis, de ce que l'appréciation portée sur ce point par l'une des rapporteures désignées par ce conseil serait erronée, cette instance n'étant, en tout état de cause, pas liée par les appréciations émises dans les rapports qui lui sont remis. Enfin, M. D... ne saurait reprocher à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne de ne pas lui avoir communiqué le procès-verbal des délibérations du conseil académique en formation restreinte sur sa candidature, aucune disposition n'imposant, dans le cadre de la procédure de promotion interne instituée par le décret du 20 décembre 2021 susvisé dans sa rédaction applicable au litige, l'établissement d'un tel procès-verbal.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les deux professeures des universités désignées en qualité de rapporteures par le conseil académique en formation restreinte pour examiner la candidature de M. D... relevaient de la 6ème section du CNU " Sciences de gestion et du management " à laquelle il appartient également. Par suite, quand bien même elles n'étaient pas, plus particulièrement, spécialisées en finance, qui constitue le domaine privilégié par M. D... dans ses activités pédagogiques et de recherche, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'aucune d'entre elles n'était spécialiste de sa discipline, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa du I de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 citées au point 3.

7. En troisième et dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué par M. D..., tiré de ce que la procédure de promotion interne litigieuse révèle une discrimination à son égard fondée sur son sexe, n'est pas établi.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque.

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, il lui appartient de justifier de ces frais, justification que l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne n'a pas apportée en l'espèce. Par suite, les conclusions qu'elle présente au titre de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris 1 Panthéon- Sorbonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, à Mme B... E..., à M. F... C..., au Premier ministre et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 498250
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2025, n° 498250
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Cyrille Beaufils

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498250.20250515
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