Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre à la Ville de Paris d'exécuter l'ordonnance n° 2509483 rendue le 10 avril 2025 sous astreinte de 100 euros par heure de retard. Par une ordonnance n° 2510622 du 19 avril 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Paris, en premier lieu, l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, a modifié le dispositif de l'article 1er de l'ordonnance du 10 avril 2025 en enjoignant à la Ville de Paris d'offrir à Mme A... et à son fils un hébergement conforme aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, tant en termes de pérennité que de dignité de l'hébergement en tenant compte du jeune âge de l'enfant et de son état de santé, dans un délai de sept jours et, en dernier lieu, a rejeté le surplus des demandes.
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de Paris demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 19 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la requête de Mme A... ;
3°) de mettre fin à l'injonction prononcée par l'ordonnance du 10 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que :
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Paris a retenu que l'ordonnance du 10 avril 2025 ne pouvait être regardée comme ayant été pleinement exécutée au motif que l'hébergement proposé à Mme A... et son fils n'était pas durable et adapté à leur situation alors que, d'une part, leur situation ne faisait pas obstacle à leur maintien temporaire dans la structure et, d'autre part, la solution d'hébergement et d'accompagnement social proposée par la Ville de Paris n'était pas bornée dans le temps ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Paris a retenu que le centre d'hébergement dans lequel ont été accueillis Mme A... et son fils, satisfaisant pourtant les exigences des dispositions de l'article D. 312-176-2 et D. 312-28 du code de l'action sociale et des familles, ne pouvait être regardé comme constituant un hébergement durable adapté à leur situation pour rejeter sa demande de mettre fin à la mesure d'injonction prononcée par son ordonnance du 10 avril 2025.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 et 13 mai 2025, Mme A... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés. Elle demande, par la voie de l'appel incident, au juge des référés du Conseil d'Etat, d'enjoindre à la Ville de Paris de procéder au réexamen de sa situation en vue de lui offrir des perspectives d'hébergement satisfaisant aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles à savoir un hébergement digne et pérenne, sans délai, à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Elle soutient que l'hébergement proposé par la Ville de Paris ne pouvait être regardé comme adapté à sa situation, méconnaissant les dispositions des articles D. 312-176-2 et D. 312-28 du code de l'action sociale et des familles.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 13 mai 2025, la Ville de Paris maintient ses conclusions et ses moyens. Elle conclut au rejet des conclusions présentées par Mme A... par la voie de l'appel incident. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Ville de Paris et, d'autre part, Mme A... ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 mai 2025, à 15 heures :
- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ville de Paris ;
- les représentantes de la Ville de Paris ;
- Mme A... ;
- le représentant de Mme A... ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction. ;
Vu la note en délibéré de Mme A..., enregistrée le 13 mai 2025, après la clôture de l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique (...) aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social (...) / (...) / 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / (...) / 5° (...) organiser le recueil et la transmission, dans les conditions prévues à l'article L. 226-3, des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, et participer à leur protection (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) 4° Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile. (...) " Enfin, il résulte de l'article L. 221-2 de ce code que le département doit notamment disposer de " possibilités d'accueil d'urgence " ainsi que de " structures d'accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants " et de son article L. 222-3 que les prestations d'aide sociale à l'enfance peuvent prendre la forme du versement d'aides financières.
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles que la prise en charge, qui inclut l'hébergement, le cas échéant en urgence, des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile, incombe au département. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.
4. Lorsque le juge des référés constate une carence caractérisée de la collectivité publique dans l'accomplissement de ses missions, il lui incombe d'enjoindre à cette collectivité, non de proposer une solution d'hébergement pérenne, mais de réexaminer la situation de l'intéressé, en vue de leur offrir un hébergement satisfaisant aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles.
5. Par une ordonnance n° 2509483 du 10 avril 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint à la Ville de Paris de réexaminer sans délai la situation de Mme A... et de son fils, en vue de leur offrir un hébergement conforme aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, " tant en termes de pérennité que de dignité de l'hébergement en tenant compte du jeune âge de l'enfant et de son état de santé ". Par une ordonnance n° 2510622 du 19 avril 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, modifié le dispositif de l'article 1er de l'ordonnance du 10 avril 2025 en enjoignant à la Ville de Paris d'offrir à Mme A... et à son fils un hébergement conforme aux objectifs résultants de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, " tant en termes de pérennité que de dignité de l'hébergement en tenant compte du jeune âge de l'enfant et de son état de santé, dans un délai de 7 jours ".
6. Il résulte de l'instruction que Mme A..., ressortissante mauritanienne, assume seule la charge de son fils âgé de moins de trois ans, et n'a pas de domicile. Il résulte également de l'instruction que Mme A... et son fils ont été pris en charge à partir du 8 avril 2025 dans un centre de mise à l'abri aménagé au sein d'une ancienne école maternelle située 17 rue de Verneuil dans le VIIème arrondissement de Paris et destiné spécifiquement à la prise en charge des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile, le temps qu'une solution adaptée à leur situation soit trouvée. La juge des référés du tribunal administratif de Paris a retenu que cet hébergement ne pouvait être regardé comme constituant une " solution durable " adaptée à la situation de Mme A... et de son enfant, et ne pouvait être regardée que comme présentant un caractère précaire. Ainsi qu'il a été dit au point 4, lorsque le juge des référés constate une carence caractérisée de la collectivité publique dans l'accomplissement de ses missions, il lui incombe d'enjoindre à cette collectivité, non de proposer une solution d'hébergement pérenne, mais de réexaminer la situation de l'intéressé. Il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de l'hébergement qui lui avait été proposé de façon transitoire au centre de mise à l'abri de la rue de Verneuil n'étaient pas adaptées à sa situation et au développement de son enfant, de sorte qu'aucune carence de la Ville de Paris dans l'exercice de ses missions ne peut être relevée en l'espèce. Il se déduit de ces circonstances que la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Paris a modifié le dispositif de l'article 1er de l'ordonnance n° 2509483 du 10 avril 2025 en lui enjoignant d'offrir à Mme A... et à son fils, un hébergement conforme aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, tant en termes de pérennité que de dignité de l'hébergement en tenant compte du jeune âge de l'enfant et de son état de santé. Par ailleurs, et en tout état de cause, Mme A... est désormais hébergée dans une chambre d'hôtel gérée par le SAMU social, dont il ne ressort nullement de l'instruction, et notamment des vidéos produites, qu'elles constitueraient des conditions d'hébergement indignes justifiant que le juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 prononce une nouvelle injonction à l'égard de la ville de Paris.
7. Par suite, il y a lieu d'annuler cette ordonnance et de mettre fin à l'injonction prononcée par l'ordonnance du 10 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 19 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : Il est mis fin aux effets de l'article 1er de l'ordonnance n° 2509483 du 10 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ville de Paris et à Mme B... A....
Fait à Paris, le 19 mai 2025
Signé : Stéphane Hoynck