Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière Dix pour Cent a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 27 mars et 3 avril 2020 par lesquels la maire de Paris s'est opposée à sa déclaration préalable tendant au changement de destination d'un local situé 1, Passage-du-désir et 89, rue du Faubourg-Saint-Martin (10ème arrondissement), en hébergement hôtelier. Par un jugement n° 2007527 du 15 avril 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA02756 du 17 mai 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Dix pour Cent contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 18 octobre 2023 et 9 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Dix pour Cent demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt, avec toutes conséquences de droit ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Dix pour Cent et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière Dix pour Cent a déposé, le 3 décembre 2019, une déclaration préalable pour le changement de destination d'un local situé au troisième étage, sur rue et sur cour, 1 Passage-du-désir et 89 rue du Faubourg Saint-Martin, à Paris (10ème arrondissement), en un hébergement hôtelier, sans modification de façades ou des structures porteuses. Par deux arrêtés des 27 mars et 3 avril 2020, la maire de Paris s'est opposée à cette déclaration préalable au motif que ce local était un local d'habitation et que, situé dans un secteur de protection de l'habitation et dans un secteur déficitaire en logement social, il ne pouvait pour ce motif faire l'objet d'un changement de destination en application des dispositions du plan local d'urbanisme. La société Dix pour Cent se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, confirmant le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 15 avril 2022, a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés.
2. Aux termes de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R*. 421-14 à R*. 421-16 (...) les changements de destination des constructions existantes suivants : / (... ) b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 151-27 (...) ". Aux termes de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme : " Les destinations de constructions sont : / (...) 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de service ; / (...) 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire ". Aux termes de l'article R. 151-28 du même code : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : / (...) 2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ; / 3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ; / (...) 5° Pour la destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition ".
3. Pour apprécier la condition de changement de destination, le maire doit prendre en compte la destination initiale du bâtiment ainsi que, le cas échéant, tout changement ultérieur de destination qui a fait l'objet d'une autorisation ou, le cas échéant, qui a été régulièrement opéré antérieurement au 1er janvier 1977, soit à une date où la législation applicable n'imposait pas une autorisation ou une déclaration à cet effet.
4. En premier lieu, aucune autorisation d'urbanisme ne précisant la destination de la construction, eu égard à la date à laquelle l'immeuble a été édifié, la cour administrative d'appel s'est fondée, pour apprécier la destination initiale du local litigieux, sur le descriptif du lot tel qu'il résultait du règlement de copropriété en date du 7 juin 1951 et avait été repris par l'attestation notariée de la vente réalisée le 24 avril 2019, selon lequel il s'agissait d'un " grand appartement " " composé d'une entrée, de trois pièces sur la rue, de deux pièces sur la cour, d'une salle de bains, d'une cuisine, d'une petite entrée sur l'escalier de service, de toilettes et de deux caves ". Ce faisant, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que cette description témoignait d'une destination initiale à usage d'habitation.
5. En second lieu, la cour, sans remettre en cause la réalité de la transformation de l'appartement en bureaux, a constaté que ces travaux n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation. Elle a pu, à cet effet, sans commettre d'erreur de droit, ni insuffisamment motiver son arrêt, estimer que la société requérante n'était pas fondée à se prévaloir du courrier de la préfecture de Paris du 14 juin 1988 qui se présentait comme une réponse à une demande de renseignements sur le " caractère juridique " du local litigieux et indiquait les démarches à effectuer " en cas de création de bureaux ", lequel ne constituait pas une autorisation et ne témoignait pas, par ailleurs, que la transformation de la destination du local aurait été opérée antérieurement au 1er janvier 1977. Elle a également pu, sans commettre d'erreur de droit, estimer que la société requérante n'était pas fondée à se prévaloir de l'attestation de la mairie de Paris du 2 juillet 2018 dressant " l'historique des changements d'usage intervenus après le 1er janvier 1970 en vertu d'une autorisation subordonnée à compensation ", dès lors que la destination du local au regard des règles d'urbanisme ne pouvait être déduite de ce document qui avait vocation à retracer les autorisations ou les déclarations dont il avait pu faire l'objet en application des dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, et, alors, au surplus, que cette attestation se bornait à indiquer que le local n'avait fait l'objet d'aucune autorisation ou déclaration sur ce fondement. Dans ces conditions, elle a pu, sans examiner si la cessation de l'usage d'habitation pendant une longue période avait fait perdre aux locaux litigieux leur destination initiale, en déduire que la maire de Paris n'avait pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits en considérant que l'appartement litigieux était à destination d'habitation.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Dix pour Cent n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Dix pour Cent une somme de 3 000 euros à verser à la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Dix pour Cent est rejeté.
Article 2 : La société Dix pour Cent versera la somme de 3 000 euros à la Ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Dix pour Cent et à la Ville de Paris.
Copie en sera adressée au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 avril 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 23 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Coralie Albumazard
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras