Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 476045, par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2023, 7 décembre 2024 et les 9 et 13 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision administrative lui ayant refusé l'accès aux données personnelles susceptibles de le concerner figurant dans le traitement N-SIS II relevant du système d'information Schengen ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui communiquer les données le concernant et de lui permettre de faire valoir ses droits à rectification et effacement ;
3°) d'enjoindre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de prononcer une amende administrative ;
4°) de faire figurer dans le fichier N-SIS II qu'il a été victime d'usurpations d'identité et d'y mentionner les pièces d'identité ayant servi à cet effet depuis juin 2023.
2° Sous le n° 502857, par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mars et 19 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés lui ayant refusé l'accès indirect aux données personnelles susceptibles de le concerner figurant dans le traitement N-SIS II relevant du système d'information Schengen, d'accepter son droit d'accès indirect à ce fichier et d'y faire rectifier et effacer les informations inexactes ou entachées d'illégalité.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. B..., et d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;
Et après avoir entendu en séance :
- le rapport de Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat,
- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.
2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure au nombre de ces traitements, au 7°, le système informatique national dénommé N-SIS II, qui est une composante de la partie nationale du système d'information Schengen placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur en vertu de l'article R. 231-3 du même code, pour les seules données relatives à la sûreté de l'Etat mentionnées au 2° de l'article R. 231-8 de ce code.
3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 2 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".
4. Il ressort des pièces des dossiers que M. B..., après s'être adressé au ministre de l'intérieur et des outre-mer, a saisi la CNIL d'une demande tendant à l'exercice de son droit d'accès indirect aux données à caractère personnel le concernant qui figureraient dans le traitement N-SIS II. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, il doit être regardé comme demandant l'annulation du refus du ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans ce fichier.
5. En premier lieu, les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat mentionnés par l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure relèvent des seuls titres I et IV de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment de ses articles 116 à 120. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance des droits garantis à la personne concernée par le titre III de la loi du 6 janvier 1978 ne sont pas invocables au soutien d'une demande d'accès, de rectification ou d'effacement de données figurant dans ces traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat.
6. En deuxième lieu, les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat mentionnés par l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure ne relèvent pas du champ d'application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et Conseil du 27 avril 2016 (RGPD). Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles 12, 14 et 15, ainsi que 16 à 23, de ce règlement.
7. En troisième lieu, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la Commission nationale de l'informatique et des libertés ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé.
8. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.
9. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre de l'intérieur et des outre-mer et par la CNIL. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qu'aucune illégalité n'a été révélée, notamment aucune contrariété au regard des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s'ensuit que les conclusions présentées par M. B... doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.