Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2025 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a prononcé son expulsion du territoire français et retiré sa carte de résident. Par une ordonnance n° 2501476 du 25 avril 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Dijon a, d'une part, admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, suspendu l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2025 du préfet de la Côte-d'Or.
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 et 27 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 25 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, en premier lieu, il a été mis fin au placement en rétention administrative de M. A... le 25 avril 2025, en deuxième lieu, la circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale serait avérée n'est pas de nature à caractériser une situation d'urgence, en troisième lieu, son comportement est de nature à relativiser l'intensité de ses liens privés et familiaux sur le territoire national et, en dernier lieu, il n'est pas établi que son suivi médical ne pourrait se poursuivre dans son pays d'origine ;
- il y a urgence à exécuter la mesure litigieuse eu égard à la menace grave et actuelle que représente le comportement de M. A... pour l'ordre public ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Dijon a suspendu l'arrêté du 8 avril 2025 eu égard à la tendance de M. A... à commettre des faits délictuels en récidive et de gravité croissante ;
- il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors, d'une part, que M. A... a fait l'objet de plusieurs condamnations pour des faits de vols puis de violences volontaires sur son épouse et représente une menace grave et actuelle pour l'ordre public eu égard à la gravité de ces actes et à leur caractère récent, et d'autre part, en raison de son absence d'insertion sociale et professionnelle d'implication dans sa vie de famille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2025, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et conclut, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et, d'autre part, M. A... ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 mai 2025, à 11 heures :
- les représentantes du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
- Me Lassalle-Byhet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 27 mai à 18 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 631-2 du même code : " Par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 l'étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsqu'il a déjà fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d'emprisonnement ". Selon le huitième alinéa de ce même article L. 631-2 : Par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 l'étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l'origine de la décision d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint, d'un ascendant ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale ". Selon le neuvième alinéa de l'article L. 631-3 du même code : " Par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 l'étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article lorsqu'il a déjà fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement ou de trois ans en réitération de crimes ou délits punis de la même peine ".
3. Par un arrêté du 8 avril 2025 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2, après avoir recueilli l'avis favorable de la commission d'expulsion, le préfet de la Côte-d'Or a prononcé l'expulsion du territoire français de M. A..., ressortissant géorgien né en 1978 et entré irrégulièrement en France en 2009. Cette décision lui a été notifiée le 17 avril 2025, avec l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative. M. A... a saisi le 24 avril 2025 la juge des référés du tribunal administratif de Dijon, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la suspension de cet arrêté préfectoral. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'annuler l'ordonnance du 25 avril 2025 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Dijon a suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 8 avril 2025.
4. Eu égard à son objet et à ses effets, une décision prononçant l'expulsion d'un étranger du territoire français porte, en principe, et sauf à ce que l'administration fasse valoir des circonstances particulières, par elle-même atteinte de manière grave et immédiate à la situation de la personne qu'elle vise et crée, dès lors, une situation d'urgence justifiant que soit, le cas échéant, prononcée la suspension de l'exécution de cette décision. Il appartient au juge des référés, saisi d'une telle décision sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'apprécier si la mesure d'expulsion porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, en conciliant les exigences de la protection de la sûreté de l'Etat et de la sécurité publique avec la liberté fondamentale que constitue, en particulier, le droit de mener une vie familiale normale. La condition d'illégalité manifeste de la décision contestée, au regard de ce droit, ne peut être regardée comme remplie que dans le cas où il est justifié d'une atteinte manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure contestée a été prise.
5. Pour suspendre l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2025 prononçant, en application de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'expulsion de M. A... à raison de la menace grave que sa présence en France constitue pour l'ordre public, la juge des référés du tribunal administratif de Dijon a estimé que la décision d'expulsion en litige était de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte toutefois de l'instruction, en premier lieu, que M. A..., marié à une ressortissante géorgienne avec laquelle il a eu quatre enfants dont trois sont mineurs et l'un d'entre eux de nationalité française, a fait l'objet entre 2016 et 2022 de quatre condamnations, respectivement à des peines d'amende prononcée le 17 juin 2016 pour conduite d'un véhicule sans permis, de deux mois d'emprisonnement avec sursis prononcée le 24 janvier 2018 pour vol et recel de bien provenant d'un vol commis le 6 octobre 2017, de six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans prononcée le 13 avril 2022 pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint de la victime commis le 1er juin 2021 et enfin d'un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans prononcée le 12 septembre 2022 pour des faits de violence aggravée suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, en état d'ivresse, par conjoint et en récidive, commis le 8 septembre 2022. En deuxième lieu, si la juge des référés de première instance a relevé, d'une part, que le juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Dijon a prononcé le 22 mai 2023 la mainlevée des interdictions d'entrer en contact et de paraître au domicile familial dont était assortie la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal correctionnel de Dijon le 12 septembre 2022 et, d'autre part, qu'il ressortait des termes des attestations rédigées par son épouse et l'une de ses filles que M. A..., qui aurait cessé de consommer de l'alcool et poursuivrait des traitements médicaux dans un service d'addictologie et auprès d'un médecin psychiatre, se serait abstenu de toute violence depuis son retour au domicile familial, il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, le risque de récidive se trouve renforcé par l'absence de toute insertion dans la société de M. A..., qui n'a jamais exercé d'activité professionnelle lui permettant de subvenir aux besoins de son foyer depuis son arrivée en France en 2009 et ne maîtrise pas la langue française, et par son incapacité à vivre en collectivité, comme en témoigne la sanction de mise à pied prononcée à son encontre le 11 février 2023 à la suite de coups portés à un résident du foyer dans lequel son domicile avait été fixé par le juge judiciaire à la suite de sa sortie de prison. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent et à la gravité des faits commis par M. A..., qui sont de nature à relativiser très fortement l'intensité de ses attaches familiales sur le territoire français et, d'autre part, à la circonstance qu'il n'établit pas avoir contribué à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, eux-mêmes victimes de ses agissements commis en leur présence, et dès lors qu'il n'apparaît pas que la mesure décidée par le préfet de la Côte-d'Or ferait obstacle à la poursuite dans son pays d'origine des traitements médicaux qui lui ont été prescrits et serait ainsi susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé, la mesure d'expulsion en litige ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce et au regard des buts en vue desquels elle a été prise, comme de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie familiale et privée et à l'intérêt supérieur de ses enfants. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Dijon a prononcé, par l'ordonnance dont il relève appel, la suspension de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 8 avril 2025 prononçant l'expulsion de M. A....
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance du 25 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Dijon et de rejeter les conclusions présentées par M. A... en première instance. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées, sans qu'il y ait lieu de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 25 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Dijon est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant la juge des référés du tribunal administratif de Dijon ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Fait à Paris, le 30 mai 2025
Signé : Benoît Bohnert