Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 avril et 2 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 13 octobre 2023 mettant fin à ses fonctions et à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur académique adjoint des services de l'éducation nationale du département de Vaucluse, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, formé le 21 décembre 2023, contre ce décret ;
2°) d'enjoindre au Président de la République au Premier ministre et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, de le nommer et le détacher dans un emploi équivalent ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les décisions qu'il attaque :
- sont entachées d'insuffisance de motivation ;
- ont été prises au terme d'une procédure irrégulière, le rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche ayant été élaboré en méconnaissance des principes déontologiques, des référentiels méthodologiques et des normes professionnelles applicables en vertu des articles 7 et 9 du décret du 23 décembre 2022 portant organisation et fonctionnement du service de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et rédigé à charge ;
- sont entachées d'inexactitude matérielle, dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne lui sont pas imputables ;
- sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le comportement qui lui est reproché ne peut être regardé comme constitutif de faits de harcèlement et que l'appréciation favorable de ses compétences professionnelles par ses supérieurs hiérarchiques n'a pas été prise en compte ;
- sont entachées de détournement de procédure en ce que la décision de retrait d'emploi constitue une sanction disciplinaire déguisée.
Par un mémoire enregistré le 1er août 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2016-1413 du 20 octobre 2016 ;
- le décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 ;
- le décret n° 2022-1635 du 23 décembre 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., qui appartient au corps des personnels de direction relevant du ministre de l'éducation nationale, a été nommé par décret du Président de la République du 19 février 2021 dans l'emploi de directeur académique adjoint des services de l'éducation nationale du département de Vaucluse. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, après des signalements émanant notamment du recteur de l'académie d'Aix-Marseille, a confié à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche une mission d'enquête administrative concernant de potentiels dysfonctionnements dans le mode de management et le pilotage de ce service. A la suite de la remise du rapport de la mission d'inspection au mois d'août 2023, il a été mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions et au détachement de M. A... dans cet emploi par un décret du Président de la République du 13 octobre 2023. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'il avait formé contre celui-ci.
Sur le cadre juridique du litige :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l'Etat : " Le présent titre fixe les modalités de sélection, de nomination, de classement, d'avancement et de rémunération applicables aux emplois de direction des administrations centrales et assimilées et des administrations déconcentrées de l'Etat mentionnés aux titres II à V, sous réserve des dispositions particulières prévues par ces titres (...) ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " Les agents nommés dans l'un des emplois régis par le présent décret peuvent se voir retirer leur emploi dans l'intérêt du service. Cette décision de retrait d'emploi est motivée. Elle doit être précédée d'un entretien conduit par l'autorité dont relève l'emploi. / Le retrait de l'emploi conduit, selon le cas, à la fin du détachement, à la fin du congé de mobilité ou au licenciement. " Aux termes de l'article 54 du même décret : " Constituent également des emplois de direction au sens du présent décret les emplois suivants : / 1° Emplois fonctionnels des services déconcentrés de l'éducation nationale relevant du décret du 20 octobre 2016 (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 20 octobre 2016 relatif aux emplois fonctionnels des services déconcentrés de l'éducation nationale : " Sont régis par les dispositions du présent décret ainsi que par les titres Ier et III du décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l'Etat les emplois fonctionnels des services déconcentrés de l'éducation nationale suivants : / (...) 8° Directeur académique adjoint des services de l'éducation nationale (...) ".
Sur la légalité externe des décisions attaquées :
3. En premier lieu, s'il résulte des dispositions citées au point 2 que l'emploi de directeur académique adjoint des services déconcentrés de l'éducation nationale du département de Vaucluse, occupé par M. A..., est au nombre de ceux dont la décision de retrait doit être motivée, le décret attaqué, qui mentionne qu'il est mis fin à ses fonctions, dans l'intérêt du service, au regard d'un ensemble de comportements et d'un pilotage de la direction des services départementaux de l'éducation nationale de Vaucluse ayant eu pour effet de créer un dysfonctionnement durable du service, est suffisamment motivé.
4. En second lieu, en se bornant à soutenir que la mission d'inspection aurait mené les entretiens sans méthode et rédigé son rapport de manière partiale, M. A... n'établit pas, en tout état de cause, que les auteurs du rapport de l'enquête administrative, qui ont auditionné soixante-et-onze personnes et invité M. A... à formuler ses observations, auraient manqué aux exigences d'indépendance et d'impartialité et méconnu les règles déontologiques et méthodologiques dans le cadre desquelles les inspecteurs généraux sont tenus d'exercer leurs missions en vertu des articles 7 et 9 du décret du 23 décembre 2022 portant organisation et fonctionnement du service de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et de sa charte de déontologie en date du 29 octobre 2021.
Sur la légalité interne des décisions attaquées :
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la motivation du décret attaqué, que la décision de mettre fin aux fonctions de M. A... a eu pour objet de remédier, dans l'intérêt du service, au " dysfonctionnement durable " de la direction académique des services de l'éducation nationale du département de Vaucluse trouvant sa cause dans les modalités de son pilotage par l'intéressé ainsi que par sa directrice, Mme C.... S'il ressort du rapport d'enquête ayant précédé cette mesure que des difficultés existaient au sein de la direction des services départementaux de l'éducation nationale de Vaucluse avant même la nomination de M. A..., il en ressort également que ces difficultés préexistantes ont été prises en compte dans l'appréciation de la situation, ce rapport décrivant de manière circonstanciée les faits spécifiquement rattachables, dans ce contexte, aux agissements de M. A..., tout en relevant, par ailleurs, qu'il a agi de concert avec sa directrice. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
6. En dernier lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée serait en réalité justifiée par des faits constitutifs de harcèlement moral dont il était fait état dans le rapport d'enquête et qu'elle constituerait une sanction disciplinaire déguisée à raison de ces faits, il ressort toutefois des pièces du dossier que les décisions contestées ne sont pas fondées sur ce motif mais ont été prises, ainsi qu'il a été dit, dans l'intérêt du service, en vue de rétablir le bon fonctionnement de la direction. Le détournement de pouvoir allégué n'est, par suite, pas établi.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 octobre 2023 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux qu'il attaque. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au Premier ministre et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.