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25/06/2025 | FRANCE | N°478373

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 25 juin 2025, 478373


Vu la procédure suivante :



La société Pacific Mobile Télécom a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, ainsi que la décision expresse du 23 août 2022, par laquelle le directeur général de l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française (OPT) a partiellement rejeté sa demande tendant à la communication de plusieurs documents relatifs à la délégation de service public conclue le 18 juin 2019 entre l'OPT et la SAS ONATi.



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Vu la procédure suivante :

La société Pacific Mobile Télécom a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, ainsi que la décision expresse du 23 août 2022, par laquelle le directeur général de l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française (OPT) a partiellement rejeté sa demande tendant à la communication de plusieurs documents relatifs à la délégation de service public conclue le 18 juin 2019 entre l'OPT et la SAS ONATi.

Par un jugement n° 2200359 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a partiellement fait droit à la demande de la société Pacific Mobile Télécom et enjoint à l'OPT de lui communiquer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, les mentions des annexes 1 et 2 et de l'avenant à la convention de délégation de service public, qui avaient fait l'objet d'une occultation.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire rectificatif, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 août, 8 août, 24 octobre et 7 novembre 2023 et 22 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande de la société Pacific Mobile Télécom ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande de la société Pacific Mobile Télécom ;

3°) de mettre à la charge de la société Pacific Mobile Télécom la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des postes et télécommunications en Polynésie française ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Renaud Vedel, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française (OPT) et à la SARL Gury et Maître, avocat de la société Pacific Mobile Télécom ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Pacific Mobile Telecom, opérateur de télécommunication intervenant sur le territoire de la Polynésie française, a, le 8 février 2022, saisi l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française (OPT) d'une demande de communication de plusieurs documents relatifs à la convention de délégation de service public signée le 18 juin 2019 entre l'OPT et la SAS ONATi qui a été implicitement rejetée. Après la saisine de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) le 22 avril 2022, l'OPT a adressé, le 23 août 2022, à la société Pacific Mobile Télécom, parmi les documents demandés, notamment la convention de délégation, ses annexes 1 et 2 et l'avenant signé le 22 juillet 2020, après avoir toutefois procédé sur ces documents à l'occultation des informations qu'il estimait couvertes par le secret des affaires. L'OPT se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 juin 2023 par lequel le président du tribunal administratif de la Polynésie française a annulé le refus de l'OPT de communiquer l'intégralité des annexes et de l'avenant sans occultation de mentions et lui a enjoint de procéder à la communication de l'intégralité de ces documents à la société requérante.

Sur l'existence d'un régime spécifique de communication de certains documents liés aux opérations de télécommunication et l'omission du tribunal de répondre à un moyen :

2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte (...) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence (...) ".

3. Aux termes de l'article D. 212-3 du code des postes et télécommunications de la Polynésie française dans sa version applicable au litige : " Pour l'accomplissement de leurs missions, les autorités compétentes de la Polynésie française peuvent recueillir auprès des opérateurs de télécommunication les informations ou documents nécessaires pour s'assurer du respect par ces personnes des principes définis aux articles D. 212-1 et D. 212-2, ainsi que des obligations qui leur sont imposées par les textes en vigueur en Polynésie française ou par l'autorisation qui leur a été délivrée. / Les autorités compétentes de la Polynésie française veillent à ce que ne soient pas divulguées les informations recueillies en application du présent article ". En vertu de l'article D. 212-1 de ce code, les autorités de Polynésie française sont chargées de vérifier la permanence de " la capacité technique et financière " des opérateurs de télécommunications et aux termes de son article D. 212-2, ces mêmes autorités " veillent : / 1° À la fourniture du service public des télécommunications par l'opérateur public et au respect des services qui lui sont réservés ; / 2° À l'exercice d'une concurrence effective et loyale entre les opérateurs de service de télécommunication mobile (...) ; / 3° À la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion des réseaux notamment de service de télécommunication mobile qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement entre eux, ainsi qu'à l'égalité des conditions de la concurrence dans le domaine du service de télécommunication mobile ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la convention de délégation de service public passés entre l'OPT et la SAS ONATi, ainsi que les autres pièces relatives à cette délégation, les annexes 1 et 2 et l'avenant à cette convention qui ont été communiqués à la société Pacific mobile Telecom par l'OPT ne sont pas au nombre des informations ou documents recueillis par les autorités compétentes de la Polynésie française pour assurer le respect des principes définis aux articles D. 212-1 et D. 212-2 du code des postes et télécommunications de la Polynésie française, mentionnés au point précédent, que ces mêmes autorités veillent, en application du dernier alinéa de l'article D. 212-3 du même code, à ne pas divulguer. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les mentions occultées des deux annexes qui portent sur les biens transférés ou mis à disposition dans le cadre de la délégation de service public précitée ainsi que les mentions occultées de l'avenant, compte tenu de l'objet et de la portée des stipulations qu'elles modifient, relevaient, en application des dispositions citées au point précédent, d'informations nécessaires pour permettre aux autorités compétentes de la Polynésie française de vérifier la capacité technique et financière de l'opérateur, ou de veiller à la fourniture du service public des télécommunications par l'opérateur et au respect des services qui lui sont réservés, ainsi qu'à l'exercice d'une concurrence effective et loyale entre les opérateurs de service de télécommunication mobile, ou à la définition des conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion des réseaux. Par suite, en faisant application des dispositions de droit commun du code des relations entre le public et l'administration, rappelées au point 2, pour apprécier si les mentions occultées relevaient du secret des affaires, sans se prononcer explicitement sur le moyen inopérant tiré de ce que les documents en cause faisaient l'objet de l'interdiction de divulgation prévue au titre de l'article D. 212-3 précité, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité, ni commis d'erreur de droit.

Sur la demande de communication des annexes 1 et 2 de la convention de délégation de service public du 18 juin 2019 :

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les mentions occultées des annexes 1 et 2 de la convention de délégation de service public du 18 juin 2019 concernent les montants hors taxes, l'amortissement et la valeur nette comptable des biens transférés ou mis à disposition par l'OPT. Ces informations, relatives à l'exercice par la SAS ONATi des missions de service public qui lui sont confiées, ne constituent pas des informations économiques et financières propres à la société attributaire de la convention et ne révèlent pas par elles-mêmes sa stratégie commerciale ou industrielle. Par suite, en jugeant, malgré la circonstance que la SAS ONATi intervient par ailleurs sur le marché concurrentiel, que ces informations n'étaient pas protégées par le secret des affaires garanti par les dispositions du 1° l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration citées au point 2, le tribunal administratif n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.

Sur la demande de communication de l'avenant à la convention de délégation de service public du 18 juin 2019 :

6. Si le juge administratif a la faculté d'ordonner avant dire droit la production devant lui, par les administrations compétentes, des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, sans que la partie à laquelle ce refus a été opposé n'ait le droit d'en prendre connaissance au cours de l'instance, il ne commet d'irrégularité en s'abstenant de le faire que si l'état de l'instruction ne lui permet pas de déterminer, au regard des contestations des parties, le caractère légalement communicable ou non de ces documents ou d'apprécier les modalités de cette communication.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les stipulations de l'avenant à la convention de délégation de service public du 18 juin 2019 signé le 22 juillet 2020, dont la communication comportait des mentions occultées, modifient trois articles ayant comme objet respectivement le " périmètre des missions déléguées ", le " principe de transparence " et les " mises à disposition ". Selon l'avenant communiqué, les mentions occultées s'insèrent dans des articles dont le premier précise celles des missions qui ne sont pas déléguées et continuent d'être assurées par le délégant, le deuxième règle la façon dont l'ensemble des obligations de service public incombant à l'OPT en sa qualité d'opérateur public est confié au délégataire et le dernier prévoit que certains biens nécessaires à la réalisation des missions de service public, qui se rapportent en particulier aux investissements structurants du groupe OPT, peuvent faire l'objet de modalités particulières de mise à disposition, d'entretien/maintenance et d'exploitation. Aussi, en jugeant, sans ordonner au préalable la production de la totalité de l'avenant hors contradictoire, que ces éléments apparaissaient également communicables et que les mentions occultées ne relevaient pas du secret des affaires au sens du 1° de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, le tribunal administratif n'a entaché son jugement ni d'insuffisance de motivation, ni d'erreur de droit, ni d'inexacte qualification juridique des faits.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPT n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Pacific Mobile Télécom, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OPT la somme de 3 000 euros à verser à la société Pacific Mobile Télécom au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française est rejeté.

Article 2 : L'Office des postes et télécommunications de Polynésie française versera la somme de 3 000 euros à la société Pacific Mobile Télécom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française et à la société Pacific Mobile Télécom.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mai 2025 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Renaud Vedel, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 25 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Renaud Vedel

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 478373
Date de la décision : 25/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2025, n° 478373
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Renaud Vedel
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SARL GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:478373.20250625
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