Vu les procédures suivantes :
1° MM. Mohammed E..., Karim Benarbia, Ahmed Ben Mira, Laurent Degrez, Jakhlaf Maouedj, Stéphane Meny et Jacques Urie, Mme B... F... et le syndicat général CFDT Transports Centre Francilien ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mai 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS. Par un jugement n° 2106963 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif a annulé cette décision.
Par un arrêt n° 21PA06289 du 10 mars 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Kuehne + Nagel SAS et l'appel incident formé par MM. E..., Benarbia, Ben Mira, Degrez, Maouedj, Meny et Urie, Mme F... et le syndicat général CFDT Transports Centre Francilien contre ce jugement.
Sous le n° 463870, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mai et 10 août 2022 et le 12 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Kuehne + Nagel SAS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l'appel incident des requérants de première instance ;
3°) de mettre solidairement à la charge de MM. E..., Benarbia, Ben Mira, Degrez, Maouedj, Meny et Urie, de Mme F... et du syndicat général CFDT Transports Centre Francilien la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sous le n° 471387, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Kuehne + Nagel SAS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel des requérants de première instance ;
3°) de mettre solidairement à la charge de MM. A..., Ben Mira, Degrez et Hachem, de Mme F... et du syndicat général CFDT Transports Centre Francilien la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kuehne + Nagel SAS, à la SCP Zribi et Texier, avocat de MM. Mohammed E..., Karim Benarbia, Ahmed Ben Mira, Laurent Degrez, Jakhlaf Maouedj, Stéphane Meny, Jacques Urie et Moustafa Hachem, de Mme B... F... et du syndicat général CFDT Transports Centre Francilien, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme B... F... et du syndicat général CFDT Transports Centre Francilien ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'un projet de réorganisation et un projet de plan de sauvegarde de l'emploi ont été présentés au comité social et économique central de la société Kuehne + Nagel SAS le 26 janvier 2021 et au comité social et économique de son établissement de Mitry-Mory le 27 janvier 2021, le projet de réorganisation conduisant à envisager la fermeture de cet établissement et la suppression de ses quatorze emplois. Par une décision du 21 mai 2021, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS. Par un jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a, sur la demande de huit salariés de la société et du syndicat général CFDT Transports Centre Francilien, annulé cette décision. A la suite de cette annulation, la société Kuehne + Nagel SAS a repris la procédure d'information et de consultation de son comité social et économique central et du comité social et économique de son établissement de Mitry-Mory sur une version actualisée du document unilatéral fixant le contenu de son plan de sauvegarde de l'emploi, lesquels comités ont émis, à l'unanimité de leurs membres, des avis défavorables à cette seconde version, respectivement, les 7 et 10 janvier 2022. Par une décision du 11 mars 2022, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué la seconde version du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS. Par un jugement du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de cinq salariés de la société et du syndicat général CFDT Transports Centre Francilien tendant à l'annulation de cette seconde décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS. Cette dernière se pourvoit en cassation, sous le n° 463870, contre l'arrêt du 10 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel ainsi que l'appel incident des requérants de première instance contre le jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun ayant annulé la première décision d'homologation de son plan de sauvegarde de l'emploi du 21 mai 2021, ainsi que, sous le n° 471387, contre l'arrêt du 16 décembre 2022 par lequel la même cour administrative d'appel a annulé le jugement du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Melun et la seconde décision d'homologation de son plan de sauvegarde de l'emploi du 11 mars 2022. Il y a lieu de joindre les deux pourvois de la société Kuehne + Nagel SAS pour y statuer par une même décision.
Sur la contestation de la première décision d'homologation du 21 mai 2021 du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS :
En ce qui concerne le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 10 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Paris relatif à la légalité de cette décision :
2. D'une part, s'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi devant précéder les licenciements pour motif économique de plus de dix salariés, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. " Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. " En vertu de l'article L. 1233-57-3 du même code, l'autorité administrative homologue le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir notamment vérifié " le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / (...) ". Pour l'application de ces dernières dispositions, les moyens du groupe s'entendent, ainsi qu'il est désormais prévu au treizième alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, des moyens, notamment financiers, dont disposent l'ensemble des entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises.
3. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point précédent que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre, elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A cet égard, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.
4. D'autre part, lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise, il lui appartient, s'il est saisi de moyens tirés de ce que l'administration aurait inexactement apprécié le respect de conditions auxquelles l'homologation est subordonnée, tel le caractère suffisant des mesures contenues dans ce plan dans les conditions rappelées aux points 2 et 3, de se prononcer lui-même sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'autorité administrative sur les points en débat au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier. Il lui appartient ainsi de rechercher, au vu non de la seule motivation de la décision administrative mais de l'ensemble des pièces du dossier, si l'autorité administrative a effectivement vérifié le respect des conditions mises en cause et si elle a pu à bon droit considérer qu'elles étaient remplies, sans s'arrêter, sur ce dernier point, sur une erreur susceptible d'affecter, dans le détail de la motivation de la décision administrative, une étape intermédiaire de l'analyse faite par l'administration.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour confirmer le motif d'annulation de la décision du 21 mai 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS, la cour administrative d'appel de Paris s'est bornée à relever, d'une part, que la décision d'homologation ne précisait pas si la capacité contributive du groupe retenue au titre du contrôle du caractère suffisant des mesures contenues dans ce plan correspondait à celle du groupe Kuehne + Nagel France ou à celle du groupe Kuehne + Nagel au niveau international, sans que la circonstance que soit visé par cette décision le rapport d'expertise fourni au comité social et économique central et adressé à l'autorité administrative présentant la situation financière en 2020 du groupe mondial Kuehne + Nagel soit de nature, à elle seule, à lever cette ambiguïté, d'autre part, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment des écritures en défense de première instance du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France, que ce dernier s'était contenté, s'agissant des moyens au regard desquels devait être apprécié le caractère suffisant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux, d'évoquer soit ceux du groupe Kuehne + Nagel France, soit ceux du " groupe " sans autre précision, la même ambiguïté ressortant également de ses échanges avec la société Kuehne + Nagel SAS concernant la communication des comptes consolidés du groupe indispensable au contrôle de ce caractère suffisant. La cour a déduit de ces constatations que le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France n'avait pas pris en compte, ainsi qu'il y était tenu, les moyens du groupe international Kuehne + Nagel pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS et a jugé qu'une telle circonstance entachait d'illégalité sa décision d'homologation. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, ainsi qu'il a été dit au point précédent, de se prononcer elle-même, au vu de l'ensemble des pièces du dossier qui lui était soumis, sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'administration sur le caractère suffisant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux au regard des exigences rappelées aux points 2 et 3, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société Kuehne + Nagel SAS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 10 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque.
En ce qui concerne la requête d'appel de la société Kuehne + Nagel SAS :
7. Le délai de trois mois imparti à la cour administrative d'appel pour statuer par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par la société Kuehne + Nagel SAS contre le jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a, sur la demande de M. E... et autres, annulé la décision d'homologation du 21 mai 2021.
8. A supposer même que l'autorité administrative n'ait pas tenu compte des moyens du groupe international Kuehne + Nagel dans son contrôle du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le juge de l'excès de pouvoir est tenu de rechercher, au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier, si elle a pu néanmoins à bon droit considérer que cette condition de l'homologation du plan était, en l'espèce, satisfaite au regard des exigences rappelées aux points 2 et 3.
9. Il ressort des pièces du dossier que le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la décision attaquée du 21 mai 2021 comportait, pour un projet de licenciement collectif prévoyant la suppression de 14 postes, une liste de 80 postes proposés au titre du reclassement interne, dont la nature, la localisation, la catégorie et le salaire de base était précisés, sur le territoire national, au sein de la société Kuehne + Nagel SAS - pour 51 postes - et au sein d'autres sociétés du groupe Kuehne + Nagel en France - pour 29 postes. A cette liste, s'ajoutaient également les postes mentionnés dans le " flash emploi " du 16 avril 2021 figurant en annexe du document unilatéral, qui comprenaient des postes disponibles tant au sein de la société Kuehne + Nagel SAS que dans d'autres sociétés du groupe. Il ne ressort, par ailleurs, pas des pièces du dossier que l'employeur n'aurait pas procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement au sein des entreprises du groupe Kuehne + Nagel, alors qu'il n'est pas établi que les sociétés Kuehne + Nagel Participations, IM Overland, Almeca et Quick International France, dont les requérants soutiennent qu'elles auraient dû être sollicitées au titre du reclassement interne, relevaient du périmètre du groupe de reclassement mentionné à l'article L. 1233-4 du code du travail.
10. En outre, le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait un accompagnement des salariés dont le reclassement interne aurait entraîné une baisse de leur rémunération avec maintien, sur la base de la rémunération brute des douze derniers mois - primes de performance et heures de nuit incluses -, de la rémunération à hauteur de 100 % pendant les quatre premiers mois, puis à 80 % pendant les quatre mois suivants. Plusieurs mesures d'incitation sociale et financière étaient, par ailleurs, prévues pour favoriser le reclassement interne, dont une prime de 1 800 euros net, versée sans condition, ainsi qu'une série d'aides destinées à accompagner les personnes ayant accepté un reclassement impliquant un changement de résidence avec l'attribution de deux jours de congés pour déménagement rémunérés, une aide aux frais de déménagement de 1 500 euros brut, une prise en charge du double loyer sur trois mois, une prime " rideaux " de 2 500 euros brut augmentée de 250 euros brut par enfant à charge, une prise en charge des frais de garde et de scolarité dans la limite d'un plafond forfaitaire de 1 500 euros brut, ces aides à la mobilité géographique étant au demeurant ouvertes également au reclassement externe. Par ailleurs, le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait, au titre du reclassement externe, un congé de reclassement d'une durée de dix mois, portée à douze mois pour les salariés âgés d'au moins 55 ans et pour les travailleurs en situation de handicap, ce congé étant assorti du versement d'une allocation égale à 75 % de la rémunération mensuelle brute moyenne perçue par le salarié, ne pouvant être inférieure à 85 % du salaire minimum de croissance mensuel brut, et d'un accompagnement par un cabinet de reclassement pour la durée du congé de reclassement ou jusqu'à ce que deux offres valables d'emploi soient proposées, portées à trois pour les salariés âgés d'au moins 50 ans. Etaient également prévus, au titre du reclassement externe, un financement des formations à hauteur de 4 000 euros hors taxes (HT) pour les formations d'adaptation ou 8 000 euros HT pour les formations de reconversion, ces montants pouvant être augmentés à respectivement 6 000 euros HT et 12 000 euros HT après avis de la commission de suivi dans le cadre d'un budget mutualisé de 28 000 euros HT dédié aux surcoûts, ainsi que le versement d'une allocation différentielle de salaire de six mois si l'emploi était assorti d'une rémunération mensuelle brute inférieure à l'ancien emploi et une prime d'incitation au reclassement rapide permettant de bénéficier d'une partie de l'allocation de congé de reclassement en cas de reclassement avant le terme de celui-ci. Enfin, une aide à la création d'entreprise d'un montant de 7 500 euros était prévue, l'aide étant versée dès lors que l'entreprise était créée ou reprise pendant le congé de reclassement, de même qu'une durée de la priorité de réembauche fixée à 24 mois pour l'ensemble des salariés sans exception et sans condition d'ancienneté.
11. Prises dans leur ensemble, les mesures décrites aux points 9 et 10, étaient précises et concrètes et apparaissaient de nature, pour les quatorze salariés concernés, à faciliter leur reclassement et à limiter ainsi le nombre des licenciements, compte tenu des moyens du groupe international Kuehne + Nagel, lequel, selon les éléments versés au dossier, avait enregistré en 2020 un résultat net après impôts de 727 millions d'euros, et alors même que le plan ne comporterait aucune action favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture de l'établissement ni d'indemnités supra-légales de licenciement. En outre, si les requérants soutiennent que la société Kuehne + Nagel SAS n'avait pas respecté son obligation, en application des stipulations de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi, de saisir la commission paritaire nationale professionnelle de l'emploi et de la formation professionnelle des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, il ressort des pièces du dossier que la société l'avait, en tout état de cause, saisie par un courrier en date du 29 avril 2021.
12. Ainsi, les mesures figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi homologué pouvaient être légalement regardées par l'administration comme étant, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire aux objectifs mentionnés par les articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail.
13. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler la décision d'homologation attaquée, sur le motif tiré de ce que l'administration n'avait pas pris en compte les moyens du groupe international Kuehne + Nagel pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux.
14. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... et autres devant le tribunal administratif de Melun et devant la cour administrative d'appel de Paris.
Quant au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
15. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision n° 2021-01 du 1er avril 2021, publiée au recueil des actes administratifs de la région Ile-de-France du 1er avril 2021, M. C... D..., directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France, a donné délégation à M. G... H..., responsable du pôle " Entreprises, emploi et solidarités " de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France, signataire de la décision en litige, à l'effet de signer, notamment, " les décisions de refus de validation ou d'homologation des plans de sauvegarde de l'emploi ". Aussi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit-il être écarté.
Quant à la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique central :
16. Aux termes du I de l'article L. 1233-30 du code du travail, " Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / (...) / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours ". Selon le premier alinéa de l'article L. 1233-36 du même code : " Dans les entreprises dotées d'un comité social et économique central, l'employeur consulte le comité central et le ou les comités sociaux et économiques d'établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d'établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, le ou les comités sociaux et économiques d'établissement tiennent leurs réunions après celles du comité social et économique central tenues en application de l'article L. 1233-30. Ces réunions ont lieu dans les délais prévus à l'article L. 1233-30. " Il résulte de ces dispositions régissant la procédure de consultation des représentants du personnel relative à un licenciement collectif pour motif économique que, lorsque l'employeur est tenu de consulter le comité social et économique central et le ou les comités sociaux et économiques des établissements intéressés, le comité social et économique central tient ses réunions en premier. Par ailleurs, les stipulations de l'article 4.5 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 sur le fonctionnement des comités sociaux et économiques et la représentation des personnels au sein de la société Kuehne + Nagel SAS ne régissent que les modalités d'information et de consultation de ces instances de représentation du personnel au titre de leurs missions courantes et prévoient qu'en cas de consultation conjointe du comité social et économique central et d'un ou plusieurs comités sociaux et économiques d'établissement, les seconds doivent être consultés avant le premier. Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique central et du comité social et économique de l'établissement de Mitry-Mory, de la méconnaissance de ces stipulations.
Quant au moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle est relative au contrôle de la définition des catégories professionnelles :
17. L'article L. 1233-57-3 du code du travail prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, " l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ", le 4° de cet article étant relatif au nombre des suppressions d'emploi et aux catégories professionnelles concernées. En vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2 du même code, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.
18. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société Kuehne + Nagel SAS dispose de deux autres établissements au sein de la zone d'emploi de Roissy à laquelle appartient l'établissement de Mitry-Mory. Le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi répartissait les 14 postes de l'établissement de Mitry-Mory, dont la suppression était envisagée, en cinq catégories professionnelles. Si les requérants soutiennent que la société avait défini ces catégories professionnelles afin de garantir que fussent licenciés tous les salariés dont le poste devait être supprimé au sein de l'établissement de Mitry-Mory, en désignant notamment des catégories d'emploi d'une spécificité telle qu'elles échappaient à l'application des critères d'ordre alors que certains salariés de l'établissement de Mitry-Mory exerçaient des fonctions de même nature que celles assurées par d'autres salariés employés dans les deux autres établissements de la zone d'emploi de Roissy et supposant une formation professionnelle commune, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la catégorie professionnelle " personnel administratif " regroupait les postes d'assistant de direction et d'assistant de site, lesquels postes étaient également présents sur le site de Tremblay-en-France ainsi que - pour le seul poste d'assistant de site - sur le site de Dammartin-en-Goële et correspondaient à des fonctions et exigeaient des qualifications qui différaient de celles attendues des postes d'agent administratif, d'agent administratif logistique, d'employé administratif et de gestionnaire de stock présents sur le site de Dammartin-en-Goële, d'autre part, que la catégorie d'emploi " agent de planification ", dont relevait le poste d'adjoint au responsable du camionnage, ne saurait incorporer ni le poste d'agent de transit du site de Tremblay-en-France et ni le poste de chef d'équipe logistique du site de Dammartin-en-Goële, enfin, que la catégorie " directeur exploitation " comprenait le poste de directeur d'exploitation, présent au sein de l'établissement de Mitry-Mory comme au sein de l'établissement de Dammartin-en-Goële, de même que le poste de directeur de site logistique, exercé sur ce seul dernier site, ces deux postes n'impliquant pas des fonctions et des qualifications de même nature que celles attendues des postes relevant des catégories professionnelles de responsable d'exploitation et de directeur d'activité présentes sur le site de Tremblay-en-France. Ainsi, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que la décision d'homologation attaquée serait illégale au motif que les catégories professionnelles retenues par l'employeur n'ont pas été valablement définies dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle est relative au périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement :
19. Aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. / (...) Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. / En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois. / Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret ". Aux termes de l'article D. 1233-2 du même code : " Les zones d'emploi mentionnées à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1233-5 sont celles référencées dans l'atlas des zones d'emploi établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques du ministre chargé de l'emploi ". Il résulte de ces dispositions qu'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut prévoir la mise en œuvre, pour chaque catégorie professionnelle, des critères déterminant l'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui des zones d'emploi dans lesquelles sont situés les établissements concernés par les suppressions d'emploi dans les catégories en cause.
20. D'une part, les dispositions de l'article D. 1233-2 du code du travail n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements retenu par l'employeur soit plus large que la zone d'emploi dans laquelle sont situés les établissements concernés par les suppressions d'emplois dans les catégories en cause. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à exciper de ce que ces dispositions seraient illégales en ce qu'elles excluraient une telle possibilité. D'autre part, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration de vérifier que le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements qui y a été retenu est conforme aux dispositions légales et conventionnelles applicables, en particulier que ce périmètre respecte la condition prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1233-5 du code du travail, selon laquelle le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements ne saurait être inférieur à celui de la zone d'emploi dans laquelle sont situés le ou les établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois. Il ne lui appartient pas, en revanche, à ce titre, d'exercer un contrôle sur la pertinence du périmètre retenu par l'employeur en tenant compte notamment de la proximité éventuelle, par rapport à l'établissement concerné par les licenciements projetés, d'autres établissements de l'entreprise qui ne seraient pas situés dans la zone d'emploi visée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1233-5 du code du travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision d'homologation attaquée serait illégale dès lors que le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements retenu par l'employeur dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi était erroné, faute d'inclure les établissements de Lagny-le-Sec et de Ferrières-en-Brie, respectivement situés à 17 et 24 kilomètres de celui de Mitry-Mory mais en dehors de la zone d'emploi de Roissy, est inopérant.
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :
21. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". Il résulte de ces dispositions que la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration, d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.
22. Il ressort des pièces du dossier que la décision d'homologation attaquée fait apparaître les raisons pour lesquelles l'administration a estimé que la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel avait été régulière, que la détermination des catégories professionnelles et celle des critères d'ordre étaient conformes aux dispositions légales, que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi était de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, que les salariés se verraient proposer un congé de reclassement conformément à l'article L. 1233-71 du code du travail, que le plan de sauvegarde de l'emploi était proportionné aux moyens dont disposent l'entreprise et le groupe auquel elle appartient et que l'employeur avait respecté ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la décision d'homologation attaquée serait insuffisamment motivée au seul motif qu'elle ne comporte pas de précision quant à la zone d'emploi applicable, d'une part, et à la délimitation du périmètre des moyens du groupe au regard desquels a été apprécié le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux, d'autre part.
23. Il résulte de ce tout qui précède que la société Kuehne + Nagel SAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 21 mai 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué la première version du document unilatéral fixant le contenu de son plan de sauvegarde de l'emploi.
En ce qui concerne l'appel incident des requérants de première instance :
24. Il résulte de l'annulation du jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun prononcée au point précédent que l'appel incident de M. E... et autres contre ce jugement est devenu sans objet.
Sur la contestation de la seconde décision d'homologation du 11 mars 2022 du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS :
En ce qui concerne le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 16 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris relatif à la légalité de cette décision :
25. En premier lieu, d'une part, il résulte des dispositions du I de l'article L. 1233-30 et de l'article L. 1233-36 du code du travail, citées au point 16, que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient en particulier à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause.
26. D'autre part, lorsque la décision homologuant le document unilatéral fixant le contenu de son plan de sauvegarde de l'emploi a été annulée par une décision juridictionnelle, l'employeur peut soumettre à nouveau à la consultation des instances représentatives du personnel concernées un plan de sauvegarde de l'emploi correspondant à la même opération de restructuration qu'il a engagée, comportant, le cas échéant, des modifications pour répondre au motif d'annulation de la décision ayant homologué son plan initial. Si les membres des instances représentatives du personnel concernées doivent alors se voir communiquer tous les éléments d'information utiles dans un délai suffisant afin de leur permettre de formuler leur avis en toute connaissance de cause sur la nouvelle version du plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur n'est tenu de reprendre toutes les étapes de la procédure d'information et de consultation de ces instances dans les conditions prévues aux articles L. 1233-30 et L. 1233-36 du code du travail que dans le cas où les modifications apportées à la version initiale de son plan de sauvegarde de l'emploi revêtent un caractère substantiel.
27. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la décision du 11 mars 2022 homologuant la seconde version du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS était illégale au motif que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique de son établissement de Mitry-Mory ayant précédé cette homologation avait été irrégulière, la cour administrative d'appel de Paris a retenu que la société Kuehne + Nagel SAS n'avait, en organisant deux réunions du comité social et économique de son établissement de Mitry-Mory espacées de seulement sept jours et non d'au moins quinze jours comme le prévoit l'article L. 1233-30 du code du travail, pas mis en mesure ses membres de se prononcer en toute connaissance de cause sur cette nouvelle version de son plan de sauvegarde de l'emploi. Or il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante a décidé de reprendre la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel concernées sur une version actualisée de son plan de sauvegarde de l'emploi un peu plus de deux mois après l'annulation de la première décision d'homologation de ce plan par un jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun, lequel se bornait à fonder cette annulation sur l'absence de prise en compte par l'administration des moyens du groupe international Kuehne + Nagel dans son contrôle du caractère suffisant des mesures du plan, et que cette nouvelle version, outre que lui était joint le rapport financier pour 2020 du groupe international Kuehne + Nagel - dont l'expert désigné par le comité social et économique central dans le cadre de l'examen de la première version du plan de sauvegarde de l'emploi avait déjà, au demeurant, fait état dans son rapport -, ne comportait que des modifications mineures par rapport au plan de sauvegarde de l'emploi initial, qui se cantonnaient à des précisions concernant les modalités d'application du critère des qualités professionnelles à trois des catégories professionnelles concernées par les suppressions de postes et à des actualisations, dictées par l'écoulement du temps, portant sur le calendrier prévisionnel de mise en œuvre du plan et la liste des postes proposés au titre du reclassement interne. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en annulant la décision du 11 mars 2022 homologuant la seconde version du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS au motif que les deux réunions du comité social et économique de son établissement de Mitry-Mory sur cette nouvelle version du plan n'avaient pas été espacées d'au moins quinze jours, la cour a commis une erreur de droit.
28. En second lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour retenir que la catégorie de " personnel administratif " au sein de l'établissement de Mitry-Mory avait été définie dans la seconde version du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS dans le but de permettre le licenciement de certains salariés en raison de leur affectation à l'établissement dont la fermeture est envisagée, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur la circonstance qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la catégorie professionnelle de " personnel administratif " n'aurait pas pu être regroupée avec celle d'" employé d'exploitation " comprenant des postes du seul établissement de Dammartin-en-Goële, et avec celle d'" employé administratif " regroupant des postes du seul établissement de Tremblay-en-France. Or, si l'employeur a toujours la faculté de regrouper des emplois distincts au sein d'une catégorie professionnelle dont le périmètre englobe plus de salariés que ce qui est légalement exigé moyennant les efforts de formation et d'adaptation à sa charge pour assurer la permutabilité du personnel concerné qu'il a décidé d'organiser, la circonstance, à la supposer avérée, qu'il n'était pas démontré que certaines catégories professionnelles n'auraient pas pu être regroupées ne suffit pas, à elle seule, à établir que les salariés relevant de la catégorie professionnelle de " personnel administratif " ne pouvaient, à l'inverse, être regardés comme appartenant à une catégorie professionnelle différente de celles d'" employé d'exploitation " et d'" employé administratif ", ni à caractériser une définition des catégories professionnelles en cause fondée sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ou visant à permettre le licenciement de certains salariés à raison de leur affectation à l'établissement de Mitry-Mory dont la fermeture est programmée dans le cadre du projet de licenciement collectif litigieux. Il s'ensuit qu'en jugeant illégale pour ce seul motif la définition des catégories professionnelles à laquelle procède la seconde version du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS homologué par la décision du 11 mars 2022 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.
29. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société Kuehne + Nagel SAS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 16 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque.
En ce qui concerne la requête d'appel de M. A... et autres :
30. Le délai de trois mois imparti à la cour administrative d'appel pour statuer par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par M. A... et autres contre le jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de la décision d'homologation du 11 mars 2022.
Quant à la régularité du jugement attaqué :
31. Il ressort des énonciations du jugement attaqué qu'après avoir relevé que le législateur n'avait fixé, à l'article L. 1233-5 du code du travail, aucune exigence de périmètre minimal concernant la zone d'emploi au sein de laquelle doivent être appliqués les critères d'ordre des licenciements, à défaut d'accord collectif sur le périmètre d'application de ces critères, le tribunal administratif de Melun a jugé que le pouvoir règlementaire pouvait, ainsi que l'y habilitait le dernier alinéa de cet article, définir, à l'article D. 1233-2 du même code, les zones d'emploi par référence à celles déterminées dans l'atlas des zones d'emploi établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques du ministre chargé de l'emploi. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur l'exception d'illégalité de l'article D. 1233-2 du code du travail soulevée par les requérants ne peut qu'être écarté.
32. Dès lors que les requérants n'ont fait état devant lui d'aucun élément établissant que des sociétés auraient été illégalement omises du périmètre du groupe de reclassement interne retenu dans le document unilatéral homologué par la décision litigieuse, le tribunal administratif de Melun a suffisamment motivé son jugement en retenant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que ce groupe de reclassement était incomplet.
Quant au bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant des moyens tirés de l'illégalité de la décision d'homologation en tant qu'elle porte sur le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi :
33. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 9 à 12 de leur jugement, d'écarter l'ensemble des moyens tirés de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte sur le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux.
S'agissant du moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle a été prise par une autorité incompétente :
34. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 13 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée.
S'agissant des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel :
35. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 27 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique de l'établissement de Mitry-Mory sur la nouvelle version du plan de sauvegarde de l'emploi aurait été irrégulière au seul motif que ses deux réunions n'avaient pas été espacées d'au moins quinze jours. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 1233-34 du code du travail en alléguant que ce comité aurait été privé de la possibilité de recourir à une expertise dans l'examen de la version actualisée du plan de sauvegarde de l'emploi dès lors qu'une telle possibilité ne lui aurait été ouverte lors de sa première réunion sur cette version, en application du premier alinéa de cet article, qu'à la condition que la procédure d'information et de consultation eût été reprise sur cette nouvelle version dans les conditions prévues à l'article L. 1233-30 du même code. Enfin, eu égard à ce qui a été dit au point 16, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 4.5 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018.
S'agissant du moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle est relative au contrôle de la définition des catégories professionnelles :
36. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 23 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision d'homologation attaquée serait illégale en ce que la société Kuehne + Nagel SAS aurait déterminé les catégories professionnelles de manière à s'assurer du départ des salariés dont les postes sont supprimés au sein de l'établissement de Mitry-Mory.
S'agissant des moyens tirés de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle est relative au périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements :
37. Il résulte de ce qui a été dit au point 20 que les moyens tirés, respectivement, de la méconnaissance par l'article D. 1233-2 du code du travail des dispositions de l'article L. 1233-5 du même code et de ce que le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements retenu par l'employeur dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi est erroné, faute d'inclure les établissements de Lagny-le-Sec et de Ferrières-en-Brie, doivent être écartés.
S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée :
38. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 28 et 29 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée.
39. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2022 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile de-France a homologué la seconde version du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS.
Sur les frais des instances :
40. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Kuehne + Nagel SAS ou de l'Etat qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par la société Kuehne + Nagel SAS au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts des 10 mars et 16 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : Le jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel incident de M. E... et autres contre le jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun.
Article 4 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Melun par M. E... et autres tendant à l'annulation de la décision du 21 mai 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kuehne + Nagel SAS est rejetée.
Article 5 : L'appel formé par M. A... et autres contre le jugement du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Melun est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées, dans l'affaire n° 463870, en cassation, en appel et en première instance par la société Kuehne + Nagel SAS et par M. E... et autres, et, en cassation, par le syndicat général CFDT Transports Centre Francilien et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Les conclusions présentées, dans l'affaire n° 471387, en cassation, en appel et en première instance par la société Kuehne + Nagel SAS et par MM. Degrez, Ben Mira et Hachem, Mme F... et le syndicat général CFDT Transports Centre Francilien et, en appel et en première instance, par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la société Kuehne + Nagel SAS, à MM. Mohammed E..., Karim Benarbia, Ahmed Ben Mira, Laurent Degrez, Jakhlaf Maouedj, Stéphane Meny, Jacques Urie, Mestapha A... et Mustapha Hachem, à Mme B... F..., au syndicat général CFDT Transports Centre Francilien et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.