Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Tartiflette a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou à lui verser la somme totale de 22 092 786 francs Pacifique en réparation des préjudices subis du fait de la résiliation du contrat de concession de la cafeteria du Centre culturel Tjibaou.
Par un jugement n° 2100108 du 11 février 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mai 2022, la société La Tartiflette, représentée par Me Pieux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou à lui verser la somme totale de 12 092 386 francs Pacifique ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à réclamer la somme de 749 545 francs Pacifique au titre de l'enrichissement sans cause de l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou, dès lors qu'elle a engagé des dépenses utiles à cet établissement ;
- la responsabilité de ce dernier est également engagée sur le terrain quasi-délictuel ; l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou a ainsi commis une faute en lui laissant trompeusement entendre que son contrat serait renouvelé ;
- son manque à gagner doit être évalué à la somme de 11 342 841 francs Pacifique.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2022, l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou, représentée par Me Boiteau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société La Tartiflette en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2023.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999,
- le code général de la propriété des personnes publiques,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou, établissement public local à caractère administratif, a confié l'exploitation de sa cafétéria, située dans la case n° 4 et exploitée sous l'enseigne " Perui ", à la société La Tartiflette, par un contrat portant concession d'occupation du domaine public conclu le 18 avril 2016, pour une durée d'un an à compter du 18 avril 2016, renouvelable par tacite reconduction pour deux années. Deux avenants ont ensuite été signés, modifiant le montant de la redevance due par la société La Tartiflette. En mai 2020, à l'issue d'une période de fermeture liée aux mesures de confinement sanitaire, l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou a demandé à la société La Tartiflette de quitter les locaux concédés, le contrat conclu le 18 avril 2016 étant arrivé à son terme le 17 avril 2019. Par des courriers des 1er décembre 2020 et 19 mai 2021, cette société a demandé l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la fin de son contrat. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette demande. La société La Tartiflette demande à la cour d'annuler le jugement du 11 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou à lui verser la somme totale de 22 092 786 francs Pacifique.
2. Lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, l'absence ou la nullité du contrat, les parties qui s'estimaient liées par ce contrat peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat par lequel elles s'estimaient liées a apporté à l'une d'elles ou de la faute consistant, pour l'une d'elles, à avoir induit l'autre partie en erreur sur l'existence de relations contractuelles ou à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles.
3. Par le jugement attaqué du 11 février 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a estimé que l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou n'avait pas commis de faute en demandant à la société La Tartiflette de mettre fin à son activité de restauration le 6 mai 2020, dès lors qu'aucun contrat de concession d'occupation du domaine public n'existait plus à cette date entre cette société et l'administration, faute de renouvellement de celui-ci et alors qu'une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite. La société La Tartiflette, qui ne conteste pas l'absence de contrat au-delà du 17 avril 2019 invoque, pour la première fois en appel, les moyens tirés de l'enrichissement sans cause de l'établissement ainsi que de la faute qu'il aurait commise en lui laissant trompeusement entendre que son contrat serait renouvelé.
Sur l'enrichissement sans cause :
4. La société La Tartiflette soutient qu'elle a engagé, en l'absence de contrat, des dépenses utiles à l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou, à hauteur de 480 000 francs Pacifique au titre des matériels et produits achetés, et de 269 545 francs Pacifique au titre des coûts des salariés employés et de leurs licenciements. Il résulte toutefois de l'instruction que la majeure partie du matériel, mobilier, vaisselle, appareils électriques, permettant de faire fonctionner la cafétéria a été mise à disposition de l'appelante par l'établissement, comme le précisait le contrat de concession conclu entre les parties le 18 avril 2016, matériel dont la société La Tartiflette a continué de bénéficier après le terme du contrat le 17 avril 2019, jusqu'à la libération des lieux. Il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que l'établissement aurait bénéficié de produits alimentaires, destinés à être vendus aux clients, après la remise des clés demandée à la société appelante le 6 mai 2020, alors que la cafétéria avait été fermée en raison du confinement sanitaire depuis le 18 mars 2020. Enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou se serait enrichie du fait des frais que la société La Tartiflette allègue avoir exposés en raison des coûts liés à l'emploi de ses salariés et à leur licenciement. La demande de cette dernière au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité ne peut donc qu'être rejetée.
Sur la responsabilité pour faute :
5. La société La Tartiflette soutient que l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en adoptant une attitude trompeuse, lui laissant penser que des discussions aboutiraient à une reconduction de son contrat jusqu'au 17 avril 2022. Les échanges de courriers électroniques qu'elle produit, tous postérieurs au 6 mai 2020, date à laquelle le départ des lieux a été demandé à l'intéressée, et relatifs à une éventuelle indemnisation de la société La Tartiflette, ne démontrent cependant aucune intention de l'établissement de renouveler le contrat parvenu à son terme le 17 avril 2019. Ainsi, alors même que l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou n'a demandé à la société appelante de quitter les locaux de la cafétéria que le 6 mai 2020, plus d'un an après le terme du contrat, terme sur lequel les parties ne pouvaient se méprendre nonobstant l'erreur matérielle qu'il comportait s'agissant de la mention à son article 9 de l'année 2018, au lieu de 2019, aucun élément n'établit que l'établissement aurait induit l'autre partie en erreur sur l'existence de relations contractuelles ou lui aurait promis la reprise de telles relations.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que les conclusions de la société La Tartiflette tendant à l'annulation du jugement attaqué, ainsi que ses conclusions indemnitaires, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou la somme que demande la société La Tartiflette au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme à l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société La Tartiflette est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'agence de développement de la culture Kanak - centre culturel Tjibaou tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Tartiflette et à l'Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La rapporteure,
G. A...La présidente,
M. B...
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02127