Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national durant deux ans.
Par un jugement n° 2106331 du 23 août 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Roques, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 23 août 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quatre mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à Me Roques en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté préfectoral contesté n'est pas suffisamment motivé ;
- elle n'a pas eu l'opportunité de présenter des observations préalables ;
- le préfet du Val-de-Marne n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;
- l'arrêté du 28 juin 2021 porte atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision n'est pas spécifiquement motivée et méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision n'est pas spécifiquement motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A... par une décision du 21 novembre 2022.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Roques, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1977, déclare être entrée en France en juin 2017. Par un arrêté du 28 juin 2021, le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national durant deux ans. Mme A... demande à la cour d'annuler le jugement du
23 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté préfectoral litigieux mentionne les textes de droit dont il fait application ainsi que les considérations de fait sur lesquels il est fondé, alors par ailleurs que le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu d'énoncer l'ensemble des éléments propres à la situation particulière de la requérante. Cet arrêté est dès lors suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites en première instance par le préfet du Val-de-Marne que Mme A... a été auditionnée par les services de police et a ainsi été mise en mesure, comme l'indiquent les mentions du procès-verbal d'audition du 28 juin 2021, de présenter des observations orales sur sa situation avant l'édiction de l'arrêté contesté. Contrairement à ce qu'elle soutient à cet égard, il lui a notamment été demandé, à l'issue de son audition, si elle souhaitait apporter des précisions aux réponses données aux questions posées par les services de police, ce à quoi elle n'a pas donné suite.
4. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni d'aucune pièce du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprennent les dispositions abrogées du 7° de l'article L. 313-11 du même code, dont se prévaut l'appelant : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Mme A... soutient qu'elle vit en concubinage avec un compatriote bénéficiant d'une carte de résident, dont l'état de santé requerrait son maintien sur le territoire français, ainsi que de la présence en France de son frère et de cousins. Elle se prévaut en outre de son insertion professionnelle en qualité de pâtissière. Toutefois, elle n'établit pas par les pièces qu'elle produit la réalité, l'ancienneté et la stabilité de sa vie en concubinage, alors en outre qu'elle n'en a pas fait part lors de son audition par les services de police le 28 juin 2021, comme l'a relevé le tribunal. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que sa mère et deux de ses enfants majeurs résident au Maroc, où elle a elle-même vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans. Enfin, la circonstance qu'elle a travaillé au cours de son séjour sur le territoire national est sans incidence sur l'appréciation de sa vie privée et familiale au sens des dispositions et stipulations précitées. Le préfet du Val-de-Marne n'a donc pas méconnu lesdites stipulations et dispositions en prenant l'arrêté contesté.
7. En dernier lieu, l'arrêté contesté n'a pas été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il est constant que Mme A... n'a présenté aucune demande de délivrance d'un titre de séjour auprès des services préfectoraux en invoquant les dispositions de cet article. Elle ne peut dès lors utilement soutenir que le préfet du Val-de-Marne aurait méconnu ces dispositions en prenant l'arrêté du 28 juin 2021.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme A... :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 du présent arrêt que le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme A... serait illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme A... avant de prendre la décision attaquée.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Et aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...). ".
11. Contrairement à ce qui est soutenu par Mme A..., le préfet du Val-de-Marne a visé les dispositions précitées et indiqué pour quels motifs il ne lui accordait pas de délai de départ volontaire. Il est par ailleurs constant, comme il l'a ainsi relevé, que l'intéressée ne justifie ni de la régularité de son entrée sur le territoire français, ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions doit donc être écarté.
12. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de Mme A..., doivent être écartés pour les motifs exposés au point 6 du présent arrêt.
Sur la décision interdisant le retour de Mme A... sur le territoire national durant deux ans :
13. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 12 du présent arrêt que le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision interdisant le retour de Mme A... sur le territoire national durant deux ans serait illégale du fait de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, doit être écarté.
14. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
15. Contrairement à ce qui est soutenu par Mme A..., le préfet du Val-de-Marne a visé les dispositions de l'article L. 612-6 précité et a indiqué pour quels motifs il lui interdisait le retour sur le territoire français durant deux ans. Par ailleurs, aucun délai de départ volontaire n'ayant été accordé à l'intéressée, et en considération de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, le préfet du Val-de-Marne a pu légalement, en l'absence de circonstances humanitaires y faisant obstacle, prendre cette décision. Les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 15 du présent arrêt que le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui interdisant le retour durant deux ans, doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 28 juin 2021. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La rapporteure,
G. B...La présidente,
M. D...La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00107 2