Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Hydraulique PB a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1901257 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 3 novembre 2023, la SA Hydraulique PB, représentée par Me Lachaize, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la décharger, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la charge de la preuve du bien-fondé de la réintégration de la provision litigieuse incombe à l'administration dès lors que l'avis de la commission des impôts directs était irrégulier ;
- par les éléments qu'elle a produits en cours de procédure, elle a justifié la déduction de la provision pour désamiantage ;
- le manquement délibéré n'est pas établi par le seul fait qu'un redressement similaire lui aurait été notifié lors d'un précédent contrôle fiscal alors que l'administration se borne à justifier la réintégration de la provision par une sous-estimation des travaux devant être réalisés en toiture.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Hydraulique PB, ayant pour activité la conception et la production de vérins hydrauliques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. Par une proposition de rectification du 5 septembre 2015, le service a porté à la connaissance de la société qu'il envisageait de procéder, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à la réintégration dans le bénéfice imposable de l'année 2013 d'une partie d'une provision présentée comme destinée à faire face à des dépenses de désamiantage. Cette rectification a été confirmée le 10 novembre 2016 en réponse aux observations de la société. Le supplément d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, assorti de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, a été mis en recouvrement au cours de l'année 2017 conformément à un avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 2 mai 2017. La SA Hydraulique PB relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition supplémentaire.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient déductibles, nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.
3. Ne constituent des charges déductibles des résultats en vue de la détermination du bénéfice imposable ni les dépenses qui ont, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise, ni les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan, ni les dépenses qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé. La durée probable d'utilisation d'un tel élément s'apprécie à la date de son acquisition ou de sa création. En revanche, peuvent être comprises dans les frais généraux et constituer des charges d'un exercice déterminé les dépenses qui n'ont d'autre objet que de maintenir les différents éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise en un état tel que leur utilisation puisse être poursuivie conformément à leur objet jusqu'à la fin de la période correspondant à leur durée probable d'utilisation.
4. Aux termes de l'article 311-1 du plan comptable général : " Une immobilisation corporelle, incorporelle ou un stock est comptabilisé à l'actif lorsque les conditions suivantes sont simultanément réunies : / il est probable que l'entité bénéficiera des avantages économiques futurs correspondants - ou du potentiel de services attendus pour les entités qui appliquent le règlement n°99-01 ou relèvent du secteur public. / son coût ou sa valeur peut être évalué avec une fiabilité suffisante, y compris, par différence et à titre d'exception lorsqu'une évaluation directe n'est pas possible, selon les dispositions de l'article 321-8. / Une entité évalue selon ces critères de comptabilisation tous les coûts d'immobilisation au moment où ils sont encourus, qu'il s'agisse des coûts initiaux encourus pour acquérir, produire une immobilisation corporelle ou des coûts encourus postérieurement pour ajouter, remplacer des éléments ou incorporer des coûts de gros entretien ou grandes révisions sous réserve des dispositions de l'article 331-4 relatif aux éléments d'actif non significatifs ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ".
5. Aux termes de l'article 15 bis de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Pour la détermination du bénéfice imposable résultant de l'application aux immobilisations de la méthode par composants, sont regardés comme des composants les éléments principaux d'une immobilisation corporelle : 1° Ayant une durée réelle d'utilisation différente de celle de cette immobilisation ; 2° Et devant être remplacés au cours de la durée réelle d'utilisation de cette immobilisation. II. - L'application de la méthode par composant implique : 1° La comptabilisation séparée à l'actif du bilan, dès l'origine et lors de leur remplacement, de chacun des composants satisfaisant aux conditions prévues au I. Les coûts de remplacement d'un composant sont comptabilisés comme l'acquisition d'un actif séparé et la valeur nette comptable du composant remplacé est comptabilisée en charges. Les éléments principaux d'une immobilisation corporelle, qui n'ont pas été identifiés dès l'origine comme des composants, sont comptabilisés séparément à l'actif du bilan dès qu'il est ultérieurement constaté qu'ils satisfont aux conditions prévues au I ". Il résulte de ces dispositions, qui reprennent les principes comptables applicables à compter du 1er janvier 2005, exposés aux articles 311-1, 311-2 et 321-4 du plan comptable général, que les dépenses destinées à remplacer les éléments principaux d'une immobilisation corporelle qui ont une durée réelle d'utilisation différente de cette immobilisation et doivent être remplacés au cours de la durée d'utilisation de cette dernière doivent figurer à l'actif immobilisé en qualité de composant, sans qu'il y ait lieu de rechercher si ces dépenses ont eu pour effet d'entraîner normalement une augmentation de la valeur pour laquelle cette immobilisation figure au bilan ou si elles ont eu pour objet de prolonger de manière notable sa durée probable d'utilisation.
6. En vertu des règles ci-dessus rappelées, il appartient au contribuable, quelle que soit la procédure suivie, de justifier du bien-fondé des provisions figurant au passif de son bilan. Par suite, la société requérante ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales afin de soutenir que l'irrégularité de l'avis ci-dessus analysé de la commission des impôts directs, aurait pour effet d'attribuer à l'administration la charge d'établir le bien-fondé de la réintégration partielle de la provision litigieuse.
7. Il résulte de l'instruction que le service a constaté que figurait au 1er octobre 2012, à l'ouverture de l'exercice clos le 30 septembre 2013, au crédit du compte " 157200 provision pour grosses réparations ", une provision de 192 392 euros, constituée le 30 septembre 2009, que la société Hydraulique PB a justifiée par la nécessité de devoir réaliser des travaux de désamiantage de la toiture de ses bâtiments industriels figurant à l'actif de son bilan, le montant de la provision étant fondé sur le devis d'une entreprise Martin, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 24 septembre 2009. Relevant que ce devis comportait des prestations de remplacement d'une partie de la toiture, destinées à être immobilisées et à ce titre non déductibles des bénéfices imposables, le vérificateur a estimé que seules les dépenses de dépose de la couverture existante en amiante ciment et d'évacuation et d'élimination de ces déchets pouvaient faire l'objet d'une provision déductible pour une somme de 87 338,94 euros. Regardant la provision litigieuse comme étant partiellement irrégulièrement constituée dès l'origine, il l'a réintégrée à hauteur de la somme de 105 053 euros dans le bénéfice de l'année 2013, premier exercice non prescrit.
8. Afin de soutenir que la provision litigieuse était intégralement déductible du bénéfice imposable, la société requérante, qui ne conteste plus que les dépenses de remplacement des éléments de la toiture ne pouvaient donner lieu à la déduction d'une provision pour grosse réparation en vertu des règles ci-dessus rappelées, entend se fonder sur les factures de réalisation des seuls travaux de désamiantage réalisés au cours des années 2015 et 2016, pour la somme totale de 205 892 euros, supérieure au montant provisionné, attestant selon elle que la provision était justifiée dans son principe et son montant dès l'origine. Il résulte toutefois des règles ci-dessus rappelées qu'une provision doit être justifiée et évaluée avec une approximation suffisante au vu des évènements en cours à la clôture de l'exercice et ne saurait être justifiée a posteriori par la circonstance que la perte ou la charge survenue au cours des exercices ultérieurs se serait avérée en définitive d'un montant égal ou supérieur à celui provisionné. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a partiellement réintégré la provision litigieuse dans le bénéfice du premier exercice non prescrit.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.
10. Pour justifier l'application de la pénalité de 40% prévue par les dispositions de l'article 1729 précité, l'administration a relevé que la société hydraulique PB n'a pas tenu compte des remarques faites lors d'un précédent contrôle sur la comptabilisation d'une provision identique et que la société requérante ne pouvait ignorer l'impact fiscal de l'écriture comptable de provision. Par ces éléments, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant justifié l'application de la pénalité pour manquement délibéré. En se prévalant du procès-verbal du 24 septembre 2009, contenant un exposé des motifs justifiant la provision litigieuse, sans produire le devis de l'entreprise Martin, et alors qu'elle n'avait pas contesté la précédente rectification, la société requérante n'établit pas que l'irrégularité partielle de cette charge reposerait sur une interprétation de bonne foi des règles fiscales et non pas sur son intention d'éluder l'impôt sur les sociétés. Par suite, elle ne renverse pas les éléments de preuve mis en avant par l'administration afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Hydraulique PB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SA Hydraulique PB est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Hydraulique PB et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC02186
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