La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2023 | FRANCE | N°22MA01829

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 novembre 2023, 22MA01829


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



La SA CRI a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite rejetant sa demande du 25 février 2020, ainsi que la décision expresse du 17 décembre 2020, par lesquelles le maire de la commune du Beausset a refusé de saisir son conseil municipal afin d'abroger la délibération du 21 août 2012 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section AL n° 19, 20, 250 et 251 lui appartenant en zone agricole.

<

br>
Par deux jugements n° 2101361 et 2102542 du 10 mai 2022, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La SA CRI a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite rejetant sa demande du 25 février 2020, ainsi que la décision expresse du 17 décembre 2020, par lesquelles le maire de la commune du Beausset a refusé de saisir son conseil municipal afin d'abroger la délibération du 21 août 2012 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section AL n° 19, 20, 250 et 251 lui appartenant en zone agricole.

Par deux jugements n° 2101361 et 2102542 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté chacune de ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 juin 2022 sous le n° 22MA01829, la SA CRI, représentée par Me Ladouari, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101361 du 10 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2020 du maire de la commune du Beausset ;

3°) de lui enjoindre de convoquer son conseil municipal aux fins d'abroger la délibération du 21 août 2012 approuvant le plan local d'urbanisme et de procéder au reclassement des parcelles litigieuses en zone UD, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Beausset une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le classement en zone agricole est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le découpage de la zone agricole aurait dû être effectué en fonction de la barrière que constitue le chemin du Font de Tassy et le haut du chemin du Rouve ; les parcelles litigieuses appartiennent à une unité foncière construite et, en dent creuse, à une zone urbanisée ; elles ne sont pas cultivées, n'appartiennent pas au périmètre de l'AOP huile d'olives de Haute-Provence, et l'appartenance à la zone AOP Bandol n'est pas pertinente dès lors que c'est pareillement le cas pour la quasi-intégralité de la commune ; elles n'ont aucune vocation agricole ;

- le classement a été effectué de façon discriminatoire dès lors que d'autres parcelles, en contact avec la plaine agricole, ont néanmoins été classées en zone UD.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2023, la commune du Beausset, représentée par la SELARL LLC et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

II. Par une requête, enregistrée le 27 juin 2022 sous le n° 22MA01818, la SA CRI, représentée par Me Ladouari, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102542 du 10 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2020 du maire de la commune du Beausset ;

3°) de lui enjoindre de convoquer son conseil municipal aux fins d'abroger la délibération du 21 août 2012 approuvant le plan local d'urbanisme et de procéder au reclassement des parcelles litigieuses en zone UD, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Beausset une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle présente les mêmes moyens que dans l'instance visée sous I).

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, la commune du Beausset, représentée par la SELARL LLC et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Daimallah, représentant la SA CRI, et de Me Faure-Bonaccorsi, représentant la commune du Beausset.

Des notes en délibéré, présentées pour la SA CRI, ont été enregistrées dans les deux dossiers le 17 novembre 2023 et non communiquées.

Considérant ce qui suit :

1. La SA CRI est propriétaire des parcelles cadastrées section AL n° 19, 20, 250 et 251, situées 2 273 chemin du Rouve au Beausset. Aux termes du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du conseil municipal du 21 août 2012, modifié, ces parcelles ont été classées en grande partie en zone agricole. La SA CRI a saisi, par courriers des 25 février et 2 décembre 2020, le maire de la commune afin que ce dernier soumette au conseil municipal l'abrogation du plan local d'urbanisme et le reclassement des parcelles litigieuses en zone UD. Par sa requête, enregistrée sous le n° 22MA01829, elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 mai 2022 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet implicite opposé par le maire à sa première sollicitation. Par sa seconde requête, enregistrée sous le n° 22MA01818, elle relève appel du jugement rendu le même jour par la même juridiction, ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet exprès opposé le 17 décembre 2020 par le maire à sa seconde sollicitation. Ces requêtes présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par le même arrêt.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ". L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande tendant à ce que soit abrogé un document de portée générale réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à son abrogation. Dans un tel cas, le juge doit apprécier la légalité des dispositions contestées au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

3. En premier lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

5. En l'espèce, le projet d'aménagement et de développement durables fixe, au sein de son orientation n° 2 " pérenniser et développer les activités économiques de la commune ", l'objectif d'affirmer la vocation agricole du territoire notamment en permettant non seulement la préservation mais également la reconquête des espaces agricoles. En cohérence, l'orientation n° 3 " Le Beausset, un village à la campagne " comprend l'objectif de " maîtriser l'extension de l'urbanisation en dehors des enveloppes urbaines déjà constituées " et de " permettre la reconquête agricole dans les espaces contraints ". La carte qui accompagne cette dernière orientation identifie le secteur auquel appartiennent les parcelles litigieuses comme un tel espace, au contact d'une zone dont le potentiel agronomique est à préserver.

6. Si les parcelles litigieuses sont entourées au nord, à l'est et au sud de terrains bâtis, dont l'un attenant appartenant à la SA CRI, cette urbanisation demeure peu dense, tandis qu'à leur ouest et sud-ouest s'ouvre un vaste espace à vocation agricole et exploité. Le chemin Fontaine de Tassy qui les borde de ce côté ne constitue pas une rupture nette séparant le secteur urbanisé du secteur agricole, dès lors qu'à l'est de celui-ci plusieurs parcelles demeurent non ou très peu bâties, telles celles litigieuses qui restent vierges de toute construction. Ainsi, eu égard à leur volonté de maîtriser l'extension de l'urbanisation et de permettre la reconquête agricole dans les espaces contraints, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que ces parcelles, pour une superficie d'environ 3 000 m², ne constituaient pas une dent creuse du secteur urbanisé mais s'intégraient au contraire dans le secteur à protéger en raison du potentiel des terres agricoles. Les circonstances qu'elles ne seraient pas situées en zone AOP huile d'olives de Haute-Provence, qu'elles ne sont aujourd'hui pas cultivées et que leur propriétaire n'a pas l'intention de les exploiter sont à cet égard sans incidence.

7. En deuxième lieu, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. Dès lors que cette délimitation effectuée dans un plan local d'urbanisme ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée, elle ne porte pas d'atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

8. En l'espèce, le classement des parcelles litigieuse n'est pas, ainsi qu'il vient d'être exposé au point 6, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il porterait atteinte au principe d'égalité au regard du classement réservé aux parcelles cadastrées section AL n° 455, 14, 12, 447 et 457, dont les caractéristiques auraient, selon la requérante, justifié un classement en zone agricole, ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des requêtes, que la SA CRI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune du Beausset qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA CRI une somme de 2 000 euros à verser à la commune du Beausset sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SA CRI sont rejetées.

Article 2 : La SA CRI versera une somme de 2 000 euros à la commune du Beausset au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA CRI et à la commune du Beausset.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

-Mme Helmlinger, présidente,

-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

-Mme Poullain, première conseillère,

2

N°s 22MA01829,22MA01818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01829
Date de la décision : 30/11/2023

Analyses

68-01-01-01-03-03-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans. - Légalité interne. - Appréciations soumises à un contrôle d'erreur manifeste. - Classement et délimitation des ones.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : MCL AVOCATS;MCL AVOCATS;MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;22ma01829 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award