Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 par lequel la préfète des Vosges a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2203426 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2023, M. B..., représenté par Me Mortet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour étant entachée d'erreurs de fait et d'appréciation quant à la menace à l'ordre public, cette circonstance ayant vicié l'examen global réalisé par la préfète ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle ne comprend des éléments concrets uniquement relativement à sa formation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère sérieux des études suivies ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait et d'appréciation en ce que sa présence sur le territoire français ne présente pas de menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la présence de son plus jeune frère sur le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 12 mai 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- et les observations de Me Mortet, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité albanaise, né le 25 février 2004 à Kamez (Albanie), déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français en décembre 2020. Le 9 février 2021, le juge aux affaires familiales statuant en qualité de juge des tutelles a constaté l'ouverture d'une tutelle de ce dernier et déférée celle-ci au président du conseil départemental des Vosges. M. B... a sollicité en avril 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 octobre 2022, la préfète des Vosges a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en particulier les articles L. 423-22 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les circonstances de l'entrée et du séjour de M. B... sur le territoire français, à savoir, l'absence de sérieux dans le suivi de ses études et la présence de son frère en France et de ses parents en Albanie. Ainsi, la préfète des Vosges, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. B..., a cité les éléments pertinents dont elle avait connaissance et qui fondent ses décisions. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté, en particulier de la circonstance que la préfète des Vosges a souligné dans sa décision l'absence de sérieux dans le suivi des études, que cette dernière n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. B... et étudié notamment les conditions de son retour en Albanie.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
5. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des rapports de situation établis par la structure d'accueil Adali et le service de l'aide sociale à l'enfance du 12 septembre 2022 que M. B... a intégré une unité pédagogique pour élèves allophones nouvellement arrivés (UPE2A) au sein du lycée professionnel Viviani à Epinal en mars 2021 mais que sa démission a été actée en novembre 2021 en raison de son manque d'investissement et de ses nombreuses absences. S'il conclut en février 2022 un contrat d'apprentissage de deux ans et demi pour un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) couvreur au centre de formation des apprentis (CFA) d'Arches à la suite d'un stage qui s'est bien déroulé en janvier 2022, M. B... a démissionné de son contrat d'apprentissage le 5 juillet 2022, soit moins de sept mois plus tard. Il n'a depuis lors intégré aucun dispositif d'apprentissage du français malgré les propositions de sa structure d'accueil, ni retrouvé une nouvelle formation. La seule circonstance qu'il ait été victime d'un accident du travail le 11 avril 2022 alors que pendant cette période, la structure d'accueil rapporte que son employeur se plaint de son absentéisme et de ses problèmes comportementaux, n'est pas de nature à démontrer le sérieux de son application dans le cadre de son apprentissage. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la préfète a estimé que M. B... ne justifiait pas du caractère réel et sérieux du suivi d'une formation professionnelle.
6. En quatrième et dernier lieu, M. B... ne démontre pas que la décision en litige serait entachée d'erreurs de fait quant à la menace à l'ordre public en se bornant à indiquer qu'il ne serait pas convoqué devant le tribunal correctionnel d'Epinal dans le cadre d'un délit de fuite, le préfet pouvant apprécier le caractère de menace à l'ordre public indépendamment de toute condamnation pénale. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que le requérant a été entendu par le substitut du procureur le 12 août 2022 dans le cadre de cette affaire de délit de fuite et de jet de couteau type cran d'arrêt par la fenêtre d'une automobile le 31 juillet 2022 et qu'il ressort du rapport de sa structure d'accueil qu'il aurait reconnu avoir harcelé par téléphone une connaissance d'un de ses amis. A supposer même qu'une telle menace ne soit pas caractérisée, il ressort de ce qui a été dit au point précédent que la préfète des Vosges pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 435-3 pour le seul motif tendant à l'absence du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation professionnelle. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de fait et d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
8. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, eu égard aux faits avérés évoqués par la préfète, M. B... ne démontre pas qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public. A supposer même que cela soit le cas, la préfète des Vosges demeurait fondée à l'obliger à quitter le territoire français indépendamment de toute menace à l'ordre public en application du 3° de l'article 611-1. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de fait et d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. B..., présent sur le territoire français depuis décembre 2020 soit moins de deux ans à la date de la décision en litige, a été confié à l'aide sociale à l'enfance en février 2021 jusqu'à sa majorité. L'intéressé, célibataire et sans enfant, ne démontre pas avoir développé des attaches personnelles depuis son entrée sur le territoire français. S'il se prévaut de la présence de son frère sur le territoire français, ce dernier mineur, se trouve sous la tutelle de l'Etat et le requérant ne démontre ni de l'intensité des liens qu'ils entretiennent, ni du fait qu'il prendrait en charge ses besoins financiers en lui achetant notamment ses vêtements en se bornant à produire une capture d'écran montrant un survêtement. M. B... ne démontre pas qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize et ans et où demeurent toujours ses parents ainsi que ses sœurs et l'un de ses frères. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. B... en France, et notamment de la menace à l'ordre public qu'il est susceptible de représenter, la préfète des Vosges n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni en tout état de cause à celui de son petit frère résidant en France, une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Mortet.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
N° 23NC00918