Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du
29 novembre 2022 par lequel le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2202695 du 12 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2022, régularisée le 7 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Vi Van, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche d'effacer son signalement du fichier SIS ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Manche de procéder au réexamen de sa situation personnelle dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 6 § 5 de l'accord franco-algérien, l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
* la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale par suite de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation en l'absence de menace à l'ordre public et de risque de fuite ;
* l'interdiction de retour sur le territoire national est illégale par suite de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est insuffisamment motivée et n'a pas été prise à la suite d'un examen de sa situation personnelle méconnaissant ainsi les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien, né en 1983, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2011 et s'y est ensuite maintenu sans être titulaire d'une autorisation de séjour. Aux termes d'un arrêté du 29 novembre 2022, le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, avec interdiction de retour pendant deux ans. Par un jugement du 12 décembre 2022, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé ci-dessus : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes (...), dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
3. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a épousé, le 20 juillet 2019, une ressortissante française, la seule production de " deux attestation de vie commune " signées par les époux, la première non datée qui a été transmise à l'occasion de la production d'une note en délibéré et la seconde établie postérieurement à la date de l'arrêté en litige, date à laquelle doit s'apprécier sa légalité, ne sauraient suffire à démontrer l'intensité de cette relation matrimoniale. En effet, il ressort en particulier des déclarations faites par l'intéressé lors de son audition par les services de police que son épouse vit dans le sud de la France tandis que lui-même réside en Normandie chez son frère et que les époux ne se voient plus même s'ils restent en contact et que leur relation est " compliquée ". De même, la production d'un justificatif d'abonnement auprès d'un fournisseur d'énergie, même comportant les deux noms, ne permet pas de constater une consommation pour le logement situé à Drancy dans lequel les époux se rencontreraient. Si M. B... fournit des pièces permettant d'établir qu'il séjourne en France depuis plus de dix ans, telles que des documents relatifs à son état de santé ou à sa situation fiscale et se prévaut de la présence régulière sur le territoire national de son frère qui exploite à Carentan-les-Marais un restaurant et qui, le 15 novembre 2022, a établi à son bénéfice une promesse de contrat de travail, ces documents ne sont de nature ni à permettre de constater que le requérant serait entré régulièrement sur le territoire national ni qu'il aurait en France des liens personnels ou familiaux de nature à démontrer une insertion sociale et professionnelle particulière.
4. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations mentionnées ci-dessus ne peut être accueilli et, pour les mêmes motifs, aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise.
5. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ".
6. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B..., qui ne démontre pas l'existence d'une communauté de vie avec son épouse depuis leur mariage, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par le préfet des dispositions citées au point précédent.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts,(,,) ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles
L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
8. En l'absence d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français opposée à
M. B..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire serait irrégulier par voie de conséquence.
9. Le moyen tiré du défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle doit être rejeté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 12 de son jugement.
10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui réside irrégulièrement en France depuis son entrée sur le territoire sans avoir cherché à régulariser sa situation, s'est soustrait à l'exécution de la précédente obligation de quitter le territoire français dont il a été destinataire en 2021. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé soutient être titulaire d'un passeport, et à supposer même que l'hébergement dont il bénéficie chez son frère présenterait un caractère de stabilité qui lui permettrait ainsi de disposer de garanties de représentation, le préfet, qui ne s'est pas fondé sur le motif tiré de ce que M. B... constituerait une menace pour l'ordre public, a pu refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. En l'absence d'annulation de la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant de revenir sur le territoire pendant un délai de deux ans devrait être annulée par voie de conséquence.
12. Il ressort des termes de l'arrêté du 29 novembre 2022 que le préfet de la Manche, après avoir indiqué qu'en application de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé, l'obligation de quitter le territoire peut être assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf si des circonstances humanitaires s'y opposent, a précisé les motifs pour lesquels il a considéré qu'une interdiction de retour sur le territoire de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire est suffisamment motivée, notamment sur la durée de l'interdiction, et ne révèle pas un défaut d'examen sérieux et particulier de la situation de M. B....
13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour " et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus au point 10, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui interdisant de revenir sur le territoire pendant une durée de deux ans, l'arrêté préfectoral en litige aurait porté une atteinte disproportionnée à sa situation par rapport aux buts en vue desquels il a été pris.
15. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON L'assesseur le plus ancien,
GV. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT04115