Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association sportive Olympique de Cayenne a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 10 juillet 2019 par laquelle la commission fédérale des règlements contentieux de la Fédération française de football a confirmé la décision de la ligue de Guyane validant le résultat d'un match opposant l'US Macouria à l'Olympique de Cayenne, d'enjoindre à la commission de faire rejouer le match, de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1901407 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision de la commission fédérale des règlements contentieux de la Fédération française de football du 10 juillet 2019, rejeté le surplus de la demande, et mis à la charge de la Fédération française de football la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 janvier et 30 mars 2022, la Fédération française de football, représentée par la SCP Matuchansky Poupot et Valdelièvre, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) de mettre à la charge de l'Olympique de Cayenne la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision dès lors qu'ils n'ont pas, d'une part, explicité les raisons pour lesquelles ils ont fait application, en contentieux administratif, de l'article 642 du code de procédure civile, et d'autre part, qu'ils se sont bornés à énoncer, sans plus de précisions, que les règlements sportifs généraux de la ligue de Guyane n'instituent aucune disposition contraire à l'article 7 de la loi du jeu ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- la saisine du Comité national olympique et sportif français est tardive, dès lors que le délai expirait un samedi et que les premiers juges ont appliqué à tort les dispositions de l'article 642 du code de procédure civile, qui ne trouve pas à s'appliquer dans une procédure de conciliation, de nature administrative ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les décisions prises par les arbitres, pour l'application des règles techniques du jeu, et plus particulièrement des " Lois du Jeu " fixées par l'International Football Association Board (IFAB), ne sont pas des décisions faisant grief, susceptibles d'être contrôlées par le juge administratif ; l'Olympique de Cayenne ne peut utilement se prévaloir de l'article 7 de ces " Lois du jeu " ;
- dès lors que la feuille de match indique que l'arbitre " a sifflé la fin du match ", il doit être estimé que le match était arrivé à son terme en application de l'article 128 des règlements généraux de la fédération française de football ;
- en toute état de cause, les deux minutes du temps additionnel restant à jouer se sont écoulées durant l'arrêt de jeu involontaire de cinq minutes consécutif à l'incident survenu sur un terrain à proximité ;
- la décision contestée est suffisamment motivée.
Par des mémoires enregistrés les 1er et 14 juillet 2023, l'association sportive Olympique de Cayenne, représentée par Me Dressayre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la Fédération française de football sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- comme l'ont estimé les premiers juges, sa demande était bien recevable conformément à l'article 642 du code de procédure civile qui est applicable en contentieux administratif ;
- la décision du 10 juillet 2019 est insuffisamment motivée en droit ;
- la décision du 10 juillet 2019 est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'en application de l'article 7 de la loi du jeu, le match, qui a été arrêté définitivement avant son terme, doit être rejoué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- les règlements généraux de la Fédération française de football ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,
- et les observations de Me Rouland pour la Fédération française de football.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la demi-finale du championnat régional des moins de 17 ans organisé par la Ligue de Guyane de Football, l'association sportive Olympique de Cayenne et l'US Macouria se sont affrontées le 29 mai 2019. Le match a été remporté par l'US Macouria, 2 à 1. L'Olympique de Cayenne en a contesté le résultat en arguant de ce que ce résultat n'était pas le résultat final du match mais celui correspondant à l'interruption du match, à la 92ème minute, suite à un incident. Par une décision du 10 juillet 2019, la commission fédérale des règlements et contentieux de la Fédération française de football a confirmé ce résultat et a enregistré le score de 2 à 1 pour l'US Macouria. Par la présente requête, la Fédération française de football relève appel du jugement du 10 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé, sur demande de l'Olympique de Cayenne, cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. D'une part, il ressort des points 2 à 4 du jugement attaqué que le tribunal, après avoir cité les textes qu'il a considéré applicables, en a tiré la conséquence et a estimé que le délai de quinze jours de saisine du Comité national olympique et sportif était un délai non franc expirant un samedi et qu'il y avait lieu, par application de l'article 642 du code de procédure civile, d'admettre la recevabilité de la demande de l'Olympique de Cayenne présentée le premier jour ouvrable suivant, soit le lundi 29 juillet 2019. D'autre part, il ressort du point 7 du même jugement, que les premiers juges ont expliqué les raisons pour lesquelles ils ont considéré que l'article 36 des règlements sportifs généraux de la Ligue de football de Guyane n'instituait aucune disposition contraire à l'article 7 de la loi du jeu et ont estimé en conséquence qu'en enregistrant le score de la rencontre porté sur la feuille de match et en déclarant I'US Macouria qualifiée pour la finale du championnat de Guyane U17, sans que le match, arrêté définitivement avant son terme, n'ait été rejoué, la Commission fédérale des règlements contentieux de la Fédération française de football avait entaché sa décision d'une erreur de droit. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé sur ces points et entaché, en conséquence, d'irrégularité.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
4. Aux termes de l'article 128 des règlements généraux de la fédération française de football : " Est considérée comme officiel d'une rencontre, toute personne licenciée agissant en qualité d'arbitres ou de délégué (...) Pour l'appréciation des faits, leurs déclarations ainsi que celles de toute personne missionnée par les instances pour la rencontre et assurant une fonction officielle au moment des faits, sont retenues jusqu'à preuve contraire. ". Aux termes de l'article 36 des règlements sportifs généraux de la ligue de football de la Guyane : " (...) 2. Une rencontre effectivement jouée est celle ayant eu son aboutissement normal, prolongation éventuelle comprise. (...) 4. Un match à jouer s'entend d'une rencontre ayant eu un début d'exécution interrompue par la suite d'intempéries, d'impraticabilité de terrain ou suite à des incidents amenant l'arbitre à interrompre définitivement la partie et pour laquelle un organisme officiel en a décidé ainsi. ".
5. Si, lorsque le juge administratif connaît des actes pris tant par les arbitres et les juges des compétitions à caractère sportif que par les organes des fédérations en cette matière, ni l'application des dispositions techniques propres à chaque discipline ni l'appréciation des performances des participants ne peuvent être discutées devant lui, il lui appartient, en revanche, d'exercer son contrôle sur le respect des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public.
6. D'une part, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'Olympique de Cayenne ne peut utilement soutenir que le match, arrêté définitivement avant son terme, devait être rejoué en application de l'article 7 des " Lois du jeu " fixées par l'International Football Association Board (IFAB) qui ne sont autres que des dispositions techniques propres à l'arbitrage du football, inopposables devant le juge administratif en application des principes rappelés au point 5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations portées sur la feuille de match par l'arbitre de la partie en litige ainsi que de son rapport complémentaire, que lors du match opposant, le 29 mai 2019, l'Olympique de Cayenne à l'US Macouria au stade Coumba Luigier, une bagarre générale a éclaté aux abords de la surface de jeu à la 92ème minute du jeu, dans les prolongations de jeu fixées à une durée de 4 minutes, conduisant l'arbitre à interrompre tout d'abord le jeu, puis, sur demande du gardien du stade, " à siffler la fin du match " au score de 2 à 1 en faveur de l'US Macouria. Ce score, porté sur la feuille de match, a été enregistré par la commission régionale sportive des litiges et contentieux de la ligue de football de Guyane le 6 juin 2019, décision confirmée par la commission régionale d'appel de la ligue de football de Guyane le 18 juin 2019. Dans ces conditions, en application des dispositions précitées de l'article 128 des règlements généraux de la Fédération française de football et de l'article 36 des règlements sportifs généraux de la ligue de football de la Guyane, et en l'absence de preuve contraire et de décision contraire d'un organisme officiel, la Fédération française de football est fondée à soutenir que la rencontre a été effectivement jouée et que doit être confirmé le score de 2 à 1 pour l'US Macouria. Par suite, c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont retenu, pour annuler la décision contestée, que la Commission fédérale des règlements contentieux de la Fédération française de football avait entaché cette dernière d'une erreur de droit.
7. Il appartient donc à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'Olympique de Cayenne devant le tribunal administratif de la Guyane et devant la cour.
Sur l'autre moyen soulevé par l'Olympique de Cayenne à l'encontre de la décision attaquée :
8. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée vise les textes dont elle fait application et énonce, de manière très détaillée, les raisons pour lesquelles la Commission fédérale des règlements contentieux de la Fédération française de football a considéré que l'arbitre avait, en sifflant la fin du match, estimé que la rencontre était arrivée à son terme et acté ainsi officiellement l'arrêt définitif de la partie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, que la Fédération française de football est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision du 10 juillet 2019 par laquelle la commission fédérale des règlements contentieux de la Fédération française de football a confirmé la décision de la ligue de Guyane validant le résultat d'un match opposant l'US Macouria à l'Olympique de Cayenne. Doivent être rejetées par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'Olympique de Cayenne à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Olympique de Cayenne une quelconque somme à verser à la Fédération française de football, sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901407 du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'Olympique de Cayenne devant le tribunal administratif de la Guyane et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Fédération française de football au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association à la Fédération française de football et à l'association sportive Olympique de Cayenne.
Délibéré après l'audience 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2023.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 22BX00057