Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Bâtiment associé SAS et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la société Socotec Construction à leur verser les sommes respectives de 66 965,04 et 429 088,52 euros au titre de la réparation des préjudices subis en raison des désordres apparus au cours des travaux de réfection du mur de soutènement du cimetière de la commune de Brimont.
Par un jugement n° 1802402 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a condamné la société Socotec Construction à verser respectivement à la société Le Bâtiment associé et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics les sommes de 1 900,59 et 22 889,11 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du
22 novembre 2019 et capitalisation de ces intérêts et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2021, Le Bâtiment associé SAS et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) représentées par la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1802402 du 8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité aux sommes de 1 900,59 et 22 889,11 euros TTC les indemnités au versement desquelles il a condamné la société Socotec Construction en réparation du préjudice qu'elles ont subi ;
2°) de porter à 429 088,52 et 66 965,04 euros le montant des indemnités dues respectivement aux sociétés SMABTP et Le Bâtiment associé ainsi que les intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la présente requête et la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la société Socotec Construction la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles sont fondées à se prévaloir des mécanismes de la subrogation légale, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances pour la SMABTP et de l'article 1251 du code civil, pour la société Le Bâtiment associé ;
- par ailleurs, elles sont subrogées, conventionnellement, dans les droits de la commune de Brimont ;
- en application des dispositions des articles 2224 et 2239 du code civil, leur créance n'est pas prescrite ;
- en raison des fautes commises par la société Socotec Construction, qui a failli à ses obligations contractuelles de contrôleur technique, notamment au regard de ses missions L et LE, sa responsabilité contractuelle et/ou quasi délictuelle est engagée ;
- en l'absence de clause limitative de responsabilité qui pourrait leur être opposée cette responsabilité ne peut être limitée ;
- la SMABTP a droit à l'indemnisation de ses préjudices, à hauteur de la somme de 429 088,52 euros correspondant aux travaux de reprise, de maîtrise d'œuvre et du contrôle technique, de préjudices immatériels et de frais d'expertise ;
- la société Le Bâtiment associé a droit à l'indemnisation de ses préjudices, à hauteur de la somme de 44 965,04 euros, correspondant aux travaux de reprise, à l'acquisition d'une parcelle et de préjudices immatériels ;
- les préjudices subis par la société Le Bâtiment associé résultant de l'allongement de la durée du chantier seront justement indemnisés à hauteur de la somme de 22 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2021, la SAS Socotec Construction, représentée par Me Lacaze, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce que sa part de responsabilité ne soit retenue qu'à hauteur de 5 % ;
3°) à ce que soit mis à la charge de la SMABTP et de la société Le Bâtiment associé le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application des articles 2224 et 2241 du code civil, l'action des sociétés appelantes est prescrite ;
- aucune faute contractuelle ou quasi délictuelle n'est établie ;
- compte tenu de la nature et des limites du rôle du contrôleur technique, sa responsabilité ne peut qu'être résiduelle ; sa part de responsabilité ne peut être retenue qu'à hauteur de 5 % et ne peut excéder 20 % ;
- en application de l'article 5 des conditions générales de contrôle technique, elle est fondée à opposer la clause limitant l'indemnisation à 23 680,80 euros ;
- les prétentions indemnitaires présentées à hauteur d'appel ne sont pas fondées.
Les parties ont été informées les 1er et 19 septembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés de :
- ce qu'en raison d'une réception définitive des travaux, les sociétés SMABTP et LBA, subrogées dans les droits de la commune de Brimont, ne peuvent plus rechercher la responsabilité contractuelle de la société Socotec Construction ;
- l'irrecevabilité de la demande de la SMABTP tendant au paiement de la somme de 8 647,87 euros au titre des frais d'expertise dans la mesure où elle n'a pas un intérêt propre à demander, en l'absence de preuve du paiement de cette somme à son assurée, l'indemnisation de ce chef de préjudice.
Des observations, enregistrées le 5 septembre 2023, en réponse au moyen d'ordre public tiré de la réception définitive des travaux, qui ont été présentées pour la société Socotec Construction, ont été communiquées.
Des observations enregistrées le 18 septembre 2023, en réponse au moyen d'ordre public tiré de la réception définitive des travaux, qui ont été présentées pour les sociétés LBA et SMABTP, ont été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Lacaze pour la société Socotec Construction.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 juin 2011, la commune de Brimont a confié à la société Le Bâtiment associé (LBA) le lot unique " Maçonnerie et taille de pierre " d'un marché de réfection du mur de soutènement du cimetière municipal, pour un montant de 258 213 euros HT, porté à 261 965 euros HT par avenant. Le 16 mai 2011 et le 25 mai 2011, ont été respectivement dévolues à la société Aciste Ingénierie les missions d'assistant à maîtrise d'ouvrage et à la société Socotec France, aux droits et obligations de laquelle est venue la société Socotec Construction, les missions de contrôle technique. En janvier 2012, la commune a constaté un décollement du parement externe du mur de soutènement et a ordonné, le 8 mars 2012, l'arrêt des travaux. A la demande de la société LBA et de son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims a, par une ordonnance du 15 mai 2013, désigné un expert qui a rendu son rapport le 21 août 2015. Le 1er décembre 2015, les sociétés LBA et SMABTP, d'une part, et la commune de Brimont, d'autre part, ont conclu un protocole d'accord en vue de régler les incidences pécuniaires des désordres en cause. Les travaux de réfection ont repris le 16 décembre 2015 et la réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve le 29 février 2017.
2. En première instance, les sociétés LBA et SMABTP, en se prévalant d'une subrogation conventionnelle et légale dans les droits de la commune de Brimont, ont recherché la responsabilité contractuelle de la société Socotec Construction. La société LBA a également recherché la responsabilité quasi-délictuelle de la société Socotec Construction, au titre de leur participation commune à une opération de travaux publics. Enfin, la SMABTP, en qualité d'assureur légalement subrogé dans les droits de la société LBA, son assurée, a recherché l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Socotec Construction.
3. Par un jugement du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir rejeté comme irrecevable la demande présentée par les sociétés LBA et SMABTP sur le fondement de la responsabilité contractuelle au motif qu'elles ne justifiaient pas être subrogées dans les droits de la commune, a condamné sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, la société Socotec Construction à verser respectivement aux sociétés LBA et SMABTP les sommes de 1 900,59 euros et 22 889,11 euros TTC. Les sociétés LBA et SMABTP relèvent appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la société Socotec Construction demande la réformation du jugement en tant qu'il a retenu, à son encontre, une part de responsabilité à hauteur de 20 %.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Socotec Construction :
4. Aux termes des dispositions de l'article 1249 du code civil, en vigueur à la date de la conclusion du protocole d'accord : " La subrogation dans les droits du créancier au profit d'une tierce personne qui le paie est ou conventionnelle ou légale ". L'article 1250 du même code dispose par ailleurs que : " Cette subrogation est conventionnelle : / 1° Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que celui qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier d'une subrogation conventionnelle, s'il a, par son paiement et du fait de cette subrogation, libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette.
5. Le protocole d'accord conclu le 1er décembre 2015 entre les sociétés LBA et SMABTP d'une part, et la commune de Brimont d'autre part, prévoyait que les frais pour la reprise des travaux, les missions de maîtrise d'œuvre et de contrôle technique, la location du terrain jouxtant le mur du cimetière dans un délai de huit mois suivant l'ordre de service de reprise des travaux, l'acquisition du terrain jouxtant le mur du cimetière et l'indemnisation d'un préjudice immatériel feraient l'objet d'un virement bancaire de la SMABTP au profit de la commune de Brimont. Ce même protocole prévoyait que les travaux de reprise, d'un montant de 334 175,36 euros HT, feraient l'objet d'un virement bancaire de la SMABTP au profit de la société LBA, son assurée chargée de les réaliser. Par ailleurs, selon les articles 3 et 4 du protocole, la franchise contractuelle, les pénalités de retard et les loyers postérieurs à ceux pris en charge par la SMABTP devaient faire l'objet d'un virement bancaire de la société LBA à la commune de Brimont. Enfin, l'article 7 de ce protocole stipulait que " la commune de Brimont subroge légalement et en tout état de cause conventionnellement la société Le Bâtiment associé et la SMABTP dans ses droits et actions à l'encontre de tout tiers responsable ". Ainsi, les signataires de ce protocole d'accord ont, dans les conditions prévues par les stipulations précitées, expressément convenu d'une subrogation des sociétés LBA et SMABTP dans les droits de la commune de Brimont.
En ce qui concerne la recevabilité de l'action en responsabilité contractuelle exercée par la société LBA :
6. Il résulte de l'instruction que, pour justifier de son paiement, la société LBA produit uniquement les photographies de deux chèques, de montants respectifs de 13 365,04 euros et
375,16 euros. Toutefois, le mode de paiement par chèque n'était pas celui prévu par les stipulations du protocole d'accord. En outre, il ne résulte aucunement de l'instruction, alors qu'ils n'ont pas été détachés de leur talon, que ces chèques auraient été effectivement adressés et remis à leur bénéficiaire. Par suite, la société LBA ne saurait être regardée comme apportant la preuve du paiement de nature à justifier l'existence d'une subrogation. Pour les mêmes motifs, en l'absence de preuve d'un paiement effectif, la société LBA n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été subrogée légalement, en application de l'article 1251 du code civil, dans les droits de la commune de Brimont.
7. Par conséquent, la société LBA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté comme irrecevable sa demande présentée sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Dès lors, en ce qui concerne la demande de la société LBA, le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'est pas irrégulier.
En ce qui concerne la recevabilité de l'action en responsabilité contractuelle exercée par la SMABTP :
8. Rien n'interdit à une compagnie d'assurance, bénéficiaire d'une subrogation conventionnelle consentie par la victime du dommage, d'exercer, dans la limite de l'indemnité versée, l'action en responsabilité contractuelle que cette victime aurait pu intenter contre l'auteur du dommage.
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par deux lettres du 22 décembre 2015, la société SMABTP a indiqué, en application des articles 3 et 4 du protocole d'accord, procéder à deux virements de 28 080 euros et 9 884,89 euros au profit de la commune de Brimont. Ces montants correspondent respectivement, d'une part, aux frais de mission de maîtrise d'œuvre et de contrôle technique des travaux de reprise, et, d'autre part, aux frais de location du terrain jouxtant le mur du cimetière utile à la réalisation des travaux ainsi qu'à l'indemnisation d'un préjudice immatériel. Tant les modalités de paiement que les montants prévus par le protocole d'accord correspondent aux indications figurant dans les lettres du 22 décembre 2015. En outre, dans ses écritures de première instance, la commune de Brimont, qui a indiqué s'en rapporter aux demandes des sociétés SMABTP et LBA, n'a jamais contesté avoir reçu les montants annoncés dans les lettres du 22 décembre 2015. Dans ces conditions, la SMABTP doit être regardée comme apportant la preuve du paiement effectif des montants de 28 080 euros et 9 884,89 euros.
10. En second lieu, la société LBA ne conteste pas avoir reçu les indemnités d'assurances versées par la SMABTP. Il résulte de l'instruction que, d'une part, par une lettre du
18 décembre 2015, la SMABTP a indiqué procéder au virement de la somme de 10 164 euros au profit de la société LBA en exécution des stipulations des articles 3 et 4 du protocole d'accord et du contrat d'assurance. Cette somme correspond aux frais d'acquisition d'un terrain comprenant également les frais d'un géomètre utiles à la réalisation des travaux de reprise. Dans ces conditions, la SMABTP doit être regardée comme apportant la preuve du paiement effectif de la somme de 10 164 euros au bénéfice de son assurée. D'autre part, dans le cadre des travaux de reprise, par lettres des 23 juin, 12 juillet, 12 octobre, 15 novembre, 2 décembre 2016 et 6 janvier et 3 mars 2017, annonçant des virements bancaires au profit de son assurée, la SMABTP doit être regardée comme ayant versé la somme de 351 323,76 euros à la société LBA.
11. Dès lors, aussi bien pour les sommes versées à son assurée que pour celles versées directement à la commune de Brimont, la SMABTP, en application des dispositions précitées du code civil et des articles 2, 3 et 4 du protocole d'accord, était, par son paiement, conventionnellement subrogée dans les droits de la commune de Brimont, à hauteur d'une somme totale de 399 452,65 euros (28 080 + 9 884,89 + 351 323,76 + 10 164).
12. La SMABTP est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté comme irrecevable son action en responsabilité contractuelle, présentée sur le fondement de la subrogation conventionnellement organisée par le protocole d'accord. Il s'ensuit que le jugement est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.
13. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SMABTP devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sur un fondement contractuel.
En ce qui concerne le bien-fondé de la demande de la SMABTP sur le fondement contractuel :
14. D'une part, la réception d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage.
15. D'autre part, le subrogé ne saurait avoir plus de droits que ceux du subrogeant et peut se voir opposer les exceptions inhérentes à la dette qui auraient pu être opposées au créancier originaire. La règle selon laquelle la réception met fin aux relations contractuelles constitue une exception inhérente à la dette qui peut être opposée au subrogé, même si la réception des travaux intervient postérieurement au paiement avec subrogation.
16. Il résulte de l'instruction que le 24 février 2017, soit postérieurement à la conclusion du protocole d'accord mais antérieurement à la saisine du tribunal administratif, les travaux de reprise du mur de soutènement du cimetière communal ont fait l'objet d'une réception sans réserve. Cette réception des travaux a eu pour effet de mettre fin à l'ensemble des rapports contractuels entre les participants à l'opération de travaux publics et la commune de Brimont. Cette réception fait obstacle à ce que la SMABTP, subrogée dans les droits de la commune de Brimont, puisse rechercher la responsabilité de la société Socotec Construction sur le fondement contractuel.
17. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner si l'action en responsabilité contractuelle était prescrite ou limitée par une clause du contrat conclu entre la commune de Brimont et la société Socotec Construction, la SMABTP n'est pas fondée à demander, en qualité de subrogée de la commune de Brimont, la condamnation de la société Socotec Construction sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Sa demande est par suite rejetée.
Sur la responsabilité quasi-délictuelle de la Socotec Construction :
18. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires.
19. La société LBA et la SMABTP, subrogée dans les droits de son assurée, recherchent la responsabilité quasi-délictuelle de la Socotec Construction.
En ce qui concerne la faute commise par la société Socotec France :
20. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. /Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ".
21. Il résulte de l'instruction que, au cours du mois de décembre 2011, un décollement du parement externe du mur de soutènement du cimetière est apparu au cours des travaux de réfection. Selon le rapport de l'expert judiciaire, la stabilité du mur, qui comportait un risque grave d'effondrement, était compromise. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport d'expertise, que les contreforts composés de " Master Bloc " simplement posés sur la longrine, sans aucune liaison mécanique, ne transmettaient pas la poussée des terres et ne permettaient donc pas d'assurer la stabilité du mur. L'expert conclut que les blocs " Master Bloc ", dépourvus d'utilité technique, sont " totalement inadaptés pour la réalisation d'un tel ouvrage. Ils sont en effet incapables de constituer un mur poids susceptible d'apporter les garanties indispensables de sécurité pour de telles hauteurs ".
22. La société Socotec France s'était vu confier, contractuellement, des missions de contrôle technique " L ", relatives à la solidité des ouvrages et équipements indissociables. La société Socotec France s'était également vu confier une mission " LE " relative " à la solidité des ouvrages compte tenu des travaux neufs ". Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport d'expertise que, au moment de l'établissement des plans d'exécution, le bureau d'études techniques Lefevre, sous-traitant de la société LBA, a commis de graves erreurs dans le dimensionnement de l'ouvrage. Il est constant que la société Socotec France a émis un avis favorable à ces plans d'exécution et n'a d'ailleurs identifié, après l'apparition des premiers désordres, aucun problème de stabilité de l'ouvrage.
23. S'il est vrai, comme le fait valoir l'intimée, que l'article 3.4 de l'annexe au contrat de contrôle technique, prévoyait qu'il ne lui appartenait pas de procéder aux vérifications de caractéristiques dimensionnelles afférentes à la conception architecturale et fonctionnelle de l'ouvrage, selon les termes de son offre contractuelle, dix heures étaient cependant prévues pour " l'examen des plans de conception et/ ou d'exécution ". Ainsi, au regard des missions qui lui étaient confiées, la société Socotec France, en validant des plans d'exécution comportant des erreurs particulièrement grossières, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
24. Il résulte cependant également de l'instruction que les désordres sont également imputables au fabricant du produit " Master Bloc " qui a ignoré les limites techniques de son produit et au bureau d'études techniques, qui a commis de graves erreurs dans le dimensionnement de l'ouvrage lors de l'établissement des plans d'exécution.
25. Dès lors, au regard du fait que la société Socotec France a validé des plans d'exécution, affectés d'erreurs particulièrement grossières, il ne résulte pas de l'instruction que sa part de responsabilité dans la survenance des désordres soit inférieure à 20 %. La société Socotec Construction, qui vient aux droits de la société Socotec France, n'est par suite pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal a retenu sa part de responsabilité dans la survenance des désordres affectant le mur à hauteur de 20 %.
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :
S'agissant de l'évaluation du coût de reprise du mur :
26. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les travaux de reprise des désordres du mur en litige s'élèvent à un montant total de 382 923,76 euros, correspondant au versement des indemnités d'assurances versées par la SMABTP à son assurée pour un montant de 351 323,76 euros et à l'application d'une franchise d'un montant de 31 600 euros. Ce montant, qui excède le montant prévu initialement dans le protocole d'accord, est justifié par la réalisation de quatre tirants supplémentaires et d'essais préalables, de contrôle et de conformité. Il résulte de l'instruction que ces frais sont justifiés, d'une part, par une anomalie géotechnique détectée en cours de forage au cours du mois de juin 2016 et, d'autre part, en raison d'une discordance entre le nombre d'essais prévus par le cahier de clauses techniques particulières (CCTP) et ceux qui avaient été chiffrés par la société LBA. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que des frais de maîtrise d'œuvre et de contrôle technique ont été exposés à hauteur d'un montant de 28 080 euros.
27. En deuxième lieu, des frais d'études complémentaires, conduites par la société ECS Euro Concept afin de vérifier en décembre 2012 la soutenabilité du procédé " Master Bloc ", se sont élevés à un montant de 6 936,80 euros. Deux factures des 15 et 29 juillet 2013 de montants respectifs de 1 315,60 euros et 598 euros ont été émises par le même bureau d'études pour des honoraires relatifs à la réunion d'expertise du 11 juillet 2013.
28. En troisième lieu, il résulte du rapport d'expertise que les travaux de reprise nécessitaient l'acquisition d'une bande de terrain sur une propriété privée voisine afin d'y édifier un contre-mur en béton armé assurant la stabilité de l'ouvrage à l'aide de tirants d'ancrage. Il résulte donc de l'instruction que les frais d'acquisition du terrain voisin ainsi que les frais de géomètre d'un montant de 10 164 euros étaient indispensables à la reconstruction du mur.
29. En quatrième lieu, l'expert a estimé nécessaire d'utiliser un terrain voisin pour la reconstruction du mur, après acquittement d'un loyer en vertu d'une convention de mise à disposition. Il résulte de l'instruction que ces frais de location s'élevaient, au 31 décembre 2014, à la somme de 889,83 euros.
30. En cinquième lieu, des frais de l'expertise judiciaire, ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims, s'élèvent à un montant de 8 647,87 euros.
31. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la somme de 8 994,96 euros que la SMABTP a versée à son assurée corresponde, en l'absence de précision ou explication sur la nature d'une telle somme, à un préjudice imputable à la faute commise par la société Socotec France. Au même titre, il ne résulte pas de l'instruction que les pénalités de retard, à hauteur de 13 605,04 euros, que la commune de Brimont a infligées à la société LBA résulteraient en tout ou partie de la faute commise par la société Socotec France.
32. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de l'argumentation de la société LBA, les frais complémentaires, d'un montant de 22 000 euros, correspondant à l'immobilisation de matériels et de frais divers, des heures passées en expertise, à la révision du montant du marché et au préjudice moral, au demeurant non établi, subi par la société seraient imputables à la faute commise par la société Socotec France.
33. Il résulte de ce qui précède que le montant total du préjudice s'élève à la somme de 439 555,96 TTC (382 923,76 +28 080 + 6 936,80 + 1 315,60 + 598 + 10 164 + 889,93 + 8 647,87).
S'agissant de l'évaluation du préjudice subi par la société LBA :
34. Pour les motifs exposés précédemment aux points 31 et 32 du présent arrêt, la société LBA n'établit pas, à hauteur d'appel, l'existence de préjudices imputables à la faute commise par la société Socotec France, qui n'auraient pas été indemnisés, à hauteur de 1 900,59 euros TTC, par les premiers juges. La société LBA n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité son indemnisation à la somme de 1 900,59 euros TTC.
S'agissant des droits de la SMABTP :
35. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) ".
36. D'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, la SMABTP justifie avoir versé à son assurée, la société LBA, qui n'a jamais contesté avoir perçu de tels montants, la somme totale de 361 487,76 euros (351 323,76 + 10 164). Il résulte de l'instruction que cette somme a été versée tant en application du protocole d'accord que des dispositions précitées du code des assurances. Par ailleurs, concernant les frais du bureau d'études ECS Euro-concept, la SMABTP justifie uniquement avoir versé à son assurée la somme de 6 396,80 euros. Toutefois, si la SMABTP produit également deux factures des 15 et 29 juillet 2013, émanant du même bureau d'études de montants respectifs de 1 315,60 euros et 598 euros elle ne justifie cependant pas avoir procédé au virement de ces sommes sur le compte bancaire de son assurée.
37. D'autre part, la subrogation de l'assureur qui a payé une indemnité d'assurance correspondant à un dommage dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers ayant causé ce dommage, prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances, ne trouve à s'appliquer que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance, mais n'est pas subordonnée au fait que le paiement de l'indemnité ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que les sommes de 28 080 euros et 889,83 euros, relatives aux missions de maîtrise d'œuvre, de contrôle technique et de location, sont imputables à la faute commise par la société Socotec France. Ces sommes ont été versées à la commune de Brimont tant en application des articles 2 et 4 du protocole d'accord que des stipulations du contrat d'assurance entre la SMABTP et la société LBA.
38. Enfin, il résulte de l'instruction que les frais de l'expertise judiciaire, ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims, à hauteur d'un montant de 8 647,87 euros correspond à une somme qui a été exposée par la SMABTP en dehors de tout contrat d'assurance et qui n'a pas été versée à son assurée. La SMABTP n'établit pas qu'elle serait légalement subrogée dans les droits de son assurée pour la somme de 8 647,87 euros qu'elle a directement payée.
39. Par suite, la SMABTP justifie être subrogée dans les droits de son assurée à hauteur de la somme totale de 396 854,39 euros (361 487,76 euros + 6 396,80+ 28 080 + 889,83).
40. La part de responsabilité imputable à la société Socotec France, à hauteur de 20 %, doit être appliquée au montant total de 439 555,96 euros TTC correspondant au coût des travaux qui ont été utiles à mettre fin au désordre. Ce montant imputable à la faute commise par la société Socotec France s'élève en conséquence à la somme de 87 911,19 euros (439 555,96 X 0,2) de laquelle il convient de déduire la somme de 1 900,59 euros TTC due en application du jugement à la société LBA. Compte tenu de l'effet relatif des conventions, la société Socotec Construction ne peut utilement se prévaloir de la clause limitant sa responsabilité, qui est prévue par l'article 5 des conditions générales de la convention de contrôle technique, à l'encontre de la SMABTP et de la société LBA, avec lesquelles elle n'est liée par aucun contrat. Dès lors, il résulte de l'instruction que le montant que la société Socotec Construction, venant aux droits de la société Socotec France, doit être condamnée à verser à la SMABTP doit être porté à la somme de 86 010,60 euros TTC.
41. Il résulte de tout ce qui précède que la SMABTP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la société Socotec Construction à ne lui allouer que la somme de 22 889,11 euros TTC. Il convient de porter cette somme à
86 010,60 euros TTC. Il y a lieu de réformer l'article 2 du jugement contesté dans cette mesure, les intérêts accordés en première instance courant sur cette nouvelle somme.
Sur les frais liés à l'instance :
42. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SMABTP et de la société LBA, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Socotec Construction demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Socotec Construction le versement de la somme que les sociétés LBA et SMABTP demandent sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevable la demande de la SMABTP présentée sur un fondement contractuel.
Article 2 : La somme de 22 889,11 euros TTC que la société Socotec Construction a été condamnée à verser à la SMABTP par le jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne est portée à la somme de 86 010,60 euros TTC.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties et la demande de la SMABTP présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sur le fondement de la responsabilité contractuelle sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Le bâtiment associé, à la SMABTP, à la
SA Socotec Construction et à la commune de Brimont.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 21NC00415