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07/12/2023 | FRANCE | N°22LY01648

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 07 décembre 2023, 22LY01648


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident survenu le 6 août 2015, ensemble la décision du 2 mars 2020 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2004826 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.



Procédure dev

ant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 mai 2022 et le 4 mai 2023, Mme A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident survenu le 6 août 2015, ensemble la décision du 2 mars 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2004826 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 mai 2022 et le 4 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Poulet Mercier-L'Abbé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision du président du conseil départemental de l'Isère du 20 décembre 2019 rejetant sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident survenu le 6 août 2015, ensemble la décision du 2 mars 2020 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président du département de l'Isère de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en fait et est entaché d'une erreur de droit ;

la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut de rapport hiérarchique et d'enquête administrative préalables et de consultation de la commission de réforme ;

le département de l'Isère lui a, à tort, opposé les délais instaurés par le décret du 21 février 2019, celui-ci n'étant pas applicable aux accidents survenus avant son entrée en vigueur conformément au principe de non-rétroactivité des décisions administratives ;

elle avait déposé une première demande au mois d'août 2015 que le service a refusé d'instruire ;

elle justifie de motifs légitimes justifiant le dépôt tardif de sa demande, comme le permet le IV de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 ;

la réalité de l'accident survenu le 6 août 2015 est établie ;

celui-ci, survenu sur son lieu de travail pendant ses heures de service, est présumé imputable au service.

Par mémoires enregistrés le 20 septembre 2022 et le 16 mai 2023, le département de l'Isère, représenté par Me Da Costa, conclut au rejet de la requête.

Il expose que :

la demande de première instance était irrecevable car tardive ;

les moyens soulevés en appel, comme en première instance, ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2023, par ordonnance du même jour, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;

le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

le rapport de Mme Corvellec ;

les conclusions de M. C... ;

et les observations de Me Da Costa, pour le département de l'Isère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ancienne agent administrative au sein du département de l'Isère, relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de l'Isère du 20 décembre 2019 rejetant, pour tardiveté, sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident survenu le 6 août 2015, et de la décision du 2 mars 2020 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges ont, au point 6 du jugement attaqué, répondu avec suffisamment de précision au moyen tiré de l'existence de motifs légitimes justifiant la tardiveté de sa demande et la méconnaissance de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987, en relevant que ce retard, d'une durée de plusieurs années, ne saurait être imputable à un conseil malavisé de son employeur, lequel n'est au demeurant pas établi. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué, à l'appui duquel Mme A... ne saurait utilement se prévaloir de l'erreur d'appréciation quant à la réalité d'un prétendu défaut de conseil imputable à son employeur dont cette motivation serait entachée, doit être écarté.

3. En second lieu, l'erreur de droit dont les premiers juges auraient, selon Mme A..., entaché le jugement attaqué, se rattache au seul bien-fondé de ce jugement et demeure sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, Mme A... soutient que le refus litigieux a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédé d'un rapport de l'autorité hiérarchique et d'une enquête administrative. La requérante, qui n'invoque, à l'appui de ces moyens, aucun texte rendant obligatoires de telles formalités, n'apporte pas de précisions suffisantes à leur appui pour permettre à la cour d'y statuer.

5. En deuxième lieu, aucune des dispositions applicables ne fait obstacle à ce qu'une demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident soit rejetée, comme en l'espèce, pour tardiveté, avant toute consultation de la commission de réforme. Le moyen tiré du défaut de consultation préalable de cette commission doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire (...) adresse par tout moyen à l'autorité territoriale une déclaration d'accident de service (...) accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. La déclaration comporte : 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie (...) ; 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, le cas échéant, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant ". Aux termes de l'article 37-3 de ce même décret, créé par le décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale : " I.- La déclaration d'accident de service (...) est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident. / Ce délai n'est pas opposable à l'agent lorsque le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 est établi dans le délai de deux ans à compter de la date de l'accident. Dans ce cas, le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date de cette constatation médicale. (...) IV. Lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés, la demande de l'agent est rejetée. / Les délais prévus aux I, II et III ne sont pas applicables lorsque le fonctionnaire (...) justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes ". Les dispositions transitoires de ce décret du 10 avril 2019 prévoient, en son article 15, que : " (...) Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret. / Les délais mentionnés à l'article 37-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date ". Publié au Journal officiel de la République Française du 12 avril 2019, ce décret est entré en vigueur le 13 avril 2019.

7. Il résulte de ces dispositions que les conditions de délai prévues à l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction issue du décret du 10 avril 2019, sont applicables aux demandes initiales de congé pour invalidité temporaire imputable au service motivées par un accident dont la déclaration a été déposée après le 13 avril 2019, alors même que l'accident en cause serait survenu antérieurement. Ces délais courent alors à compter du 1er juin 2019.

8. N'ayant pas eu pour effet de priver les agents de la possibilité de déposer une déclaration concernant un accident survenu avant leur entrée en vigueur et échappant jusqu'alors à tout délai de déclaration, ces dispositions ne sont pas contraires, contrairement à ce que prétend Mme A..., au principe général du droit de non-rétroactivité des actes administratifs. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'accident de service, que la décision litigieuse rejette comme tardive, a été déposée par Mme A... le 2 décembre 2019, soit postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Sa demande était alors soumise au délai de quinze jours instauré par le I. de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987, lequel, compte tenu de la date de survenance de cet accident et de la constatation médicale des lésions en résultant dès le mois d'août 2015, a commencé à courir le 1er juin 2019. Ce délai était ainsi échu à la date du dépôt de sa déclaration. Par ailleurs, les seuls témoignages qu'elle produit ne permettent pas d'établir qu'elle aurait été dissuadée ou empêchée, par le comportement de sa hiérarchie, de déposer sa déclaration dans le respect des délais impartis. Elle ne justifie d'aucun motif légitime, au sens du IV de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987, justifiant que le délai prévu au I de ce même article ne lui soit pas opposé. Par suite, Mme A... n'est fondée à soutenir ni que les dispositions de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 n'étaient pas applicables à sa déclaration, ni qu'elles ont été méconnues.

9. En troisième lieu, la circonstance, au demeurant non établie, que Mme A... aurait déposé une déclaration d'accident de service dès le mois d'août 2015 est dépourvue d'incidence sur la légalité des décisions litigieuses, celles-ci ayant pour seul objet de statuer sur la déclaration distincte déposée le 2 décembre 2019.

10. En dernier lieu, les moyens tirés de la réalité de l'accident subi et de son imputabilité au service, qui ne critiquent pas les motifs des décisions litigieuses, sont inopérants et ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance contestée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Isère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par le département de l'Isère en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Isère en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, où siégeaient :

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

S. CorvellecLa présidente,

A. Evrard

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY01648


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01648
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : POULET-MERCIER-L'ABBE MARJOLAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;22ly01648 ?
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