Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre de sanction disciplinaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer dans la police nationale, et de procéder à la reconstitution de sa carrière sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2001237 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 novembre 2021 sous le n°21MA04445 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04445, M. B... A..., représenté par Me Boillot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001237 du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre de sanction disciplinaire ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce qu'il n'a pas été mis en mesure de saisir le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat conformément à l'article 10 du décret du 25 octobre 1984 ;
- le caractère lucratif d'une prétendue activité privée qu'il exercerait en plus de son activité publique n'est pas établi ; il justifie que l'activité de son épouse n'est pas lucrative et qu'il ne perçoit aucun revenu d'une activité parallèle ; il ne peut être regardé comme " conjoint collaborateur " ;
- il n'est pas non plus établi qu'une prétendue activité parallèle aurait été de nature à compromettre l'exercice de ses fonctions ; il ne s'est pas placé en situation de conflit d'intérêts ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le tribunal a répondu au point 9 de son jugement au moyen qui était inopérant tiré de ce que M. A... n'aurait pas été mis en mesure de saisir le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ;
- si la sanction de mise à la retraite d'office fait partie des sanctions les plus lourdes, ses conséquences sont moins graves pour un agent qui peut bénéficier de ses droits à pension que pour celui qui se trouverait privé de son traitement ;
- il s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 14 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mai 2023 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n°95-654 du 9 mai 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Boillot représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., (ANO)major(/ANO) de la police nationale alors affecté à la brigade ..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre de sanction disciplinaire. Par un jugement du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément écarté au point 9 du jugement le moyen présenté par M. A... tiré de ce que qu'il n'a pas été en mesure de saisir le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat en raison de la suppression de cette possibilité par le I de l'article 32 et le XI de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Par suite et en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires alors applicable : " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. (...) IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. (...) ". Aux termes de l'article 25 bis de cette même loi : " I.- Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver. Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. Aux termes de l'article 30 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale alors applicable : " Le fonctionnaire actif des services de la police nationale, quelle que soit sa position, ne peut exercer une activité de nature à jeter le discrédit sur la fonction ou à créer une équivoque préjudiciable à celle-ci. L'autorité compétente prend les mesures propres à sauvegarder les intérêts du service lorsque l'activité du conjoint ou du concubin est de nature à jeter le discrédit sur la fonction ou à créer une équivoque préjudiciable à celle-ci. ".
4. D'autre part aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. / (...) ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Il ressort des pièces du dossier que de 2015 à 2017, M. A... a cumulé ses fonctions de policier avec une activité privée en s'associant activement à l'activité de son épouse de distributrice indépendante agréée au sein d'une société internationale de vente à domicile de produits cosmétiques et manager en marketing réseau. Accompagné de son épouse, M. A... était visible sur des publications sur les réseaux sociaux, participant à des réunions organisées au nom de la société, parfois porteur d'une écharpe de " manager " et d'un micro à la main sur un podium d'animation. Ces publications mentionnaient son adresse électronique personnelle et sa qualité de policier. Il est également apparu sur une vidéo en 2017 lors d'une manifestation de stratégie marketing réalisée à Dubaï afin de promouvoir la réussite des meilleurs managers du groupe, au cours de laquelle sa qualité de policier a pareillement été évoquée publiquement. Lors de diverses publications, le couple formé par M. et Mme A... était cité en exemple pour son engagement et s'est vu remettre des chèques de récompenses de plus de 10 000 et 20 000 dollars en contrepartie de ses résultats. M. A..., dont il ressort des pièces du dossier qu'il bénéficiait d'un positionnement élevé au sein du groupe, était ainsi personnellement investi dans l'intérêt de cette société sans avoir déclaré cette activité ni sollicité d'autorisation de cumul d'activité accessoire auprès de son administration. L'exercice de cette activité privée sans autorisation de cumul d'activités est établi et constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, peu important que l'activité de la société n'ait généré en 2018 qu'un résultat de 38 000 euros, qu'aucun versement de dividende n'ait été versé depuis la création de la société, que l'exercice de cette activité ne relèverait pas du statut de conjoint collaborateur, que M. A... ne percevrait aucun revenu du fait de celle-ci ou encore que l'activité ne serait pas lucrative, ce qui au demeurant ne ressort pas des pièces du dossier.
7. Par ailleurs, M. A... a été a été mis en garde par sa hiérarchie en 2016 et 2017 sur les incompatibilités de cette activité avec ses fonctions de policier et les sujétions du service, sans que le policier ne cesse cette activité ou sollicite une autorisation de cumul. Si M. A... soutient que cette activité n'a jamais eu de répercussions sur ses fonctions de policier, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé avait organisé le travail de son groupe de manière à se dégager du temps libre. A l'occasion de cette activité privée, M. A... a tissé et entretenu des liens réguliers via les réseaux sociaux et lors de rassemblements, y compris à son domicile, avec une femme travaillant en partenariat avec cette société dont le compagnon était mis en cause dans une affaire de tentative d'assassinat et de proxénétisme aggravé. M. A... a en outre invité cette femme, également mise en examen personnellement au mois de février 2018 pour proxénétisme aggravé, à taire son implication personnelle réelle dans l'activité de son épouse. L'intéressé s'est ainsi abstenu de veiller à prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il pouvait se trouver au sens des dispositions mentionnées au point 3, en dépit des mises en garde qui lui ont été faites. Ces faits, qui sont établis, sont également fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, à la durée durant laquelle ces fautes ont perduré, au grade de (ANO)major(/ANO) détenu par l'intéressé, au retentissement et au climat de défiance qu'elles ont généré au sein du service, la sanction de mise à la retraite d'office, compte tenu de l'âge du policier des services actifs à la date de la décision attaquée, à onze mois de l'âge de l'ouverture de ses droits à pension, ne peut être regardée comme disproportionnée.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquences ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
C. Arquié
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21TL04445