Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. D... C... et Mme A... C..., née B..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement nos 2202382 et 2202383 du 20 décembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande respective.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2023, M. D... C... et Mme A... C... née B..., représentés par Me Boia, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2202382 et 2202383 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 décembre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Marne du 13 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- le jugement de première instance doit être annulé dès lors que les premiers juges n'ont pas examiné avec sérieux leurs requêtes et ont méconnu ainsi l'étendue de leur office juridictionnel ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... sont des ressortissants serbes, nés respectivement les 15 janvier et 15 octobre 1974. Ils ont déclaré être entrés en France, le 29 novembre 2017, accompagnés de leurs trois enfants, nés les 21 mai 2001, 2 octobre 2004 et 17 août 2014. Le 5 janvier 2018, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juin 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 20 mai 2019. A la suite du rejet d'une première demande de délivrance d'un titre séjour, présentée le 8 juillet 2019 en qualité de parents d'un enfant malade en application de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les requérants ont fait l'objet, le 21 janvier 2020, d'une mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 2000467 et 2000468 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 mai 2020 et à laquelle ils n'ont pas déféré. Le 4 février 2022, ils ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 435-1 du même code. Toutefois, par deux arrêtés du 13 septembre 2022, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à cette demande, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme C... ont saisi, chacun, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 13 septembre 2022. Ils relèvent appel du jugement nos 2202382 et 2202383 du 20 décembre 2022, qui rejette leur demande respective.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. et Mme C... font valoir que le jugement contesté ne mentionne pas que leur fils aîné, tout juste majeur, était titulaire d'une autorisation provisoire de séjour, délivrée le 18 juillet 2022 et valable jusqu'au 17 janvier 2023, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de faire état de l'ensemble des éléments relatif à la situation familiale et personnelle des intéressés pour répondre aux moyens dont ils sont saisis, auraient négligé leur demande respective et méconnu ainsi l'étendue de leur office juridictionnel. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier pour ce motif doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
4. M. et Mme C... se prévalent de leurs efforts d'intégration et de leur apprentissage du français, des promesses d'embauche des 19 janvier et 5 décembre 2022 en vue de l'occupation par le requérant d'un emploi dans le secteur du bâtiment, de l'insertion professionnelle et des ressources financières de leur fils aîné, titulaire d'une autorisation provisoire de séjour, grâce à son apprentissage en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle de peintre applicateur revêtements, de l'inscription en classe de seconde de leur fils cadet au lycée des métiers François Arago de Reims et, enfin, de l'autisme sévère de leur plus jeune fils, qui nécessite quotidiennement une assistance par tierce personne et des soins médicaux. Toutefois, alors qu'il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Serbie, ni que les enfants se trouveraient dans l'impossibilité, selon le cas, d'y poursuivre leur formation pour les deux premiers ou d'y bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap pour le troisième, ces différents éléments ne suffisent pas à caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels susceptibles de justifier une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de faire droit à leur demande de régularisation.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont arrivés en France, le 29 novembre 2017, à l'âge de quarante-trois ans. Ils ont fait l'objet, le 21 janvier 2020, d'une mesure d'éloignement à laquelle ils n'ont pas déféré. En dehors de leurs trois enfants, ils ne justifient d'aucune attache familiale ou personnelle sur le territoire français. Ils n'établissement pas être isolés dans leur pays d'origine, où vivent notamment les parents de M. C.... Si les requérants se prévalent à nouveau de leurs efforts d'intégration, de leur apprentissage du français, des promesses d'embauche de M. C..., de l'autorisation provisoire de séjour délivré à leur fils aîné pour lui permettre d'achever sa formation et de l'état de santé de leur plus jeune fils, ces circonstances ne suffisent pas, en tant que telles, à leur conférer un droit au séjour en France. Enfin, M. et Mme C... faisant tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, rien ne s'oppose à ce que leur cellule familiale se reconstitue en Serbie ou dans tout autre pays où ils seraient légalement admissibles. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause.
8. En troisième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il n'est pas contesté que les décisions en litige n'ont, ni pour objet, ni pour effet, de séparer les requérants de leur plus jeune fils. De même, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que celui-ci ne pourra pas bénéficier, en cas de retour dans son pays d'origine, d'une prise en charge médicale et d'une scolarité adaptées à son handicap. Par suite et alors que M. et Mme C... ne sauraient utilement faire valoir que cette prise en charge ne pourra pas être aussi approfondie et complète qu'en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
10. En quatrième lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées aux points 7 et 9 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation de M. et de Mme C....
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :
11. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyens tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, les moyens tirés de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent également être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet de la Marne du 13 septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... C..., née B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : E. Meisse
La présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : V. Chevrier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière :
V. Chevrier
N° 23NC00165 2