Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2211205 du 10 février 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2023, M. B..., représenté par Me Funck, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 24 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie préalablement de son cas sur le fondement des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Funck, avocate de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant camerounais, né en 1996, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français. Par un arrêté du 24 juin 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... fait appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreuses pièces produites pour la première fois en appel, que M. B... vit maritalement avec une compatriote en situation régulière depuis le 1er janvier 2020, date à laquelle une fille est née de leur union, soit depuis deux ans et demi à la date de l'arrêté attaqué, et que sa compagne était enceinte de leur second enfant à la date de l'arrêté attaqué. Il ressort également des pièces du dossier que le requérant est le père d'une enfant française, née le 12 novembre 2018 et issue d'une relation précédente, et qu'il contribue effectivement à son entretien et à son éducation depuis sa naissance. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a exercé une activité salariée de commis de salle du 18 août 2019 au 28 octobre 2020, qu'il a suivi une formation en vue d'obtenir le titre professionnel de comptable assistant du 4 janvier au 9 juillet 2021 et qu'enfin, il exerçait à la date de l'arrêté attaqué une activité salariée de barman depuis le 16 septembre 2021. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer au requérant un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du même jour par lesquelles le même préfet a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de M. B..., que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à celui-ci une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. B....
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2211205 du Tribunal administratif de Montreuil du 10 février 2023 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 24 juin 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00929