Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... B... et Mme C... A... F... épouse A... B... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1803329 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre de l'année 2013, correspondant à la taxation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des sommes portées au crédit de leurs comptes bancaires en contrepartie de chèques émis avant le 1er juillet 2013, et rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 décembre 2021, 14 février 2023 et 23 novembre 2023, M. et Mme A... B..., représentés par Me Khemissi, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des impositions contestées, à hauteur de ce qui excède l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes, en base, de 9 673,65 euros au titre de l'année 2013 et 11 400 euros au titre de l'année 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration commet un détournement de procédure lorsqu'elle utilise la procédure de demande de justifications à peine de taxation d'office prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales pour redresser des revenus dont elle n'ignore, à la date de sa demande, ni la nature, ni le classement catégoriel ;
- la proposition de rectification qui leur a été adressée est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle fait référence à la procédure de vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Moh Déco, sans désigner l'acte auquel elle se réfère, ni la date de cet acte ;
- l'administration fiscale devait les informer de l'origine et de la teneur des factures qu'elle a obtenues de tiers dans le cadre de la vérification de la société Moh Déco ;
- au titre de l'année 2013, le montant des encaissements récapitulés par le service vérificateur en annexe 1 a été arrêté à la somme de 231 066 euros au lieu de 213 066,20 euros ;
- le tableau récapitulatif des encaissements pour 2014 comporte deux erreurs, l'une relative au CRCAM dont les crédits sont de 14 787 euros au lieu de 11 422,52 euros, l'autre, concernant un compte ouvert à la BNP, pour lequel le service a comptabilisé des encaissements à hauteur de 10 737,90 euros au lieu de 10 836,90 euros ;
- M. A... B... a exercé une activité de peintre pour son propre compte relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux ; les encaissements qui avaient pour origine les anciens clients de cette activité non déclarée doivent être rattachés à cette activité ;
- les encaissements provenant d'autres clients que ceux de la SARL Moh Déco ne peuvent être regardés comme des revenus distribués dès lors que les sociétés distributrices n'ont pas fait l'objet d'une vérification de comptabilité ;
- l'administration n'apporte la preuve de la confusion des patrimoines qu'à hauteur des sommes de 9 673,65 euros au titre de l'année 2013 et 11 400 euros au titre de l'année 2014.
Par des mémoires en défense enregistrés les 20 octobre 2022 et 16 novembre 2023, et un avis de dégrèvement enregistré le 3 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de décharge résultant de l'erreur de calcul du montant des encaissements au titre de l'année 2013 et que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Khemissi pour M. et Mme A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A... B... et Mme C... A... B... ont constitué, le 1er juillet 2013, la SARL Moh Déco, qui exerce une activité de peinture, décoration, revêtements de sols et murs, ravalement et rénovation tous corps d'état, dont Mme A... B... est associée à 50 % et gérante, et dont M. A... B... est salarié. Ils ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 et 2014. Parallèlement, la SARL Moh Déco a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2014 en matière d'impôt sur les sociétés. Au cours de ces contrôles, le service a constaté que les comptes bancaires de M. A... B... avaient enregistré des paiements très importants, provenant notamment de clients de la SARL Moh Déco. Les bases d'imposition de M. et Mme A... B... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales ont été rehaussées, d'une part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, à raison de l'encaissement direct sur leurs comptes bancaires personnels de chèques, pour un montant total de 231 066 euros en 2013 et 136 291 euros en 2014, émis notamment par les entreprises Akrobat, Teknibat, Ulice Bâtiment et Actibat, sociétés clientes de la SARL Moh Déco, d'autre part, en tant que revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de taxation d'office, des encaissements dont l'origine et la nature n'ont pu être déterminées, pour des montants de 16 959 euros en 2013 et 33 017 euros en 2014. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par le jugement attaqué du 19 octobre 2021, déchargé M. et Mme A... B... des impositions résultant de la taxation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des sommes portées au crédit de leurs comptes bancaires en contrepartie de chèques émis avant le 1er juillet 2013, date de la constitution de la SARL Moh Déco. M. et Mme A... B... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande de décharge des impositions supplémentaires auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 2 novembre 2022, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement d'une somme de 19 605 euros au titre de l'année 2013, correspondant à une erreur de calcul dans le tableau récapitulatif des encaissements pris en compte pour déterminer les revenus distribués au titre de l'année 2013. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...). Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
4. Il résulte de l'instruction que les encaissements constatés sur les comptes bancaires de M. A... B... qui ont pu être rattachés à l'activité de la SARL Moh Déco et ont de ce fait été regardés comme lui ayant été distribués par cette société, ont été intégrés au revenu imposable de son foyer fiscal selon la procédure contradictoire. Il suit de là que le moyen tiré de ce que ces revenus auraient été taxés d'office selon une procédure irrégulière est inopérant. Quant aux autres revenus correspondant à des chèques qui n'ont pas été obtenus dans l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès des établissements bancaires teneurs des comptes de M. E..., et pour lesquels celui-ci n'a fourni aucune explication, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le service vérificateur ne pouvait en ignorer l'origine et le classement catégoriel. Pour ces revenus, dont l'origine reste indéterminée, la procédure de taxation d'office a régulièrement été mise en œuvre en application des dispositions combinées des article L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "'L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...)'"'et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : "'La proposition de rectification prévue par l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...)'".
6. Si M. et Mme A... B... soutiennent que la proposition de rectification qui leur a été adressée le 25 août 2016 est insuffisamment motivée en ce qu'elle se réfère à la procédure de vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Moh Déco, sans désigner précisément la proposition de rectification adressée à cette société et sa date, le moyen ne peut être qu'être écarté dès lors qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en litige indique les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, notamment le détail des encaissements bancaires regardés comme distribués par la SARL Moh Déco, sans se borner à faire référence à la proposition de rectification adressée à cette société.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
8. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus de tiers qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie.
9. Il résulte de l'instruction que, pour fonder les rectifications, le service s'est fondé sur les copies de chèques obtenues dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, dont les contribuables ont été informés. Si le service a produit six factures des sociétés EURL Technibat et Ulice Bâtiment à l'appui de son mémoire en défense, ces factures n'ont pas été utilisées pour procéder aux rectifications. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
10. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c) les rémunérations et avantages occultes (...) ".
11. En premier lieu, M. et Mme A... B... soutiennent que le tableau récapitulatif des encaissements bancaires regardés comme des revenus distribués au titre de l'année 2014 comporte deux erreurs. Toutefois, l'administration fiscale établit, d'une part, que le total des encaissements sur le compte CRCAM n'est pas erroné en raison de l'omission dans le tableau récapitulatif de ces encaissements d'un chèque de 3 364,70 euros de la SARL Actibat constaté au crédit de ce compte à la date du 17 septembre 2014, d'autre part, que le total des encaissements 2014 sur le compte BNP est bien de 10 737,90 euros et non de 10 836,90 euros comme invoqué par les appelants. Le moyen doit par suite être écarté comme manquant en fait.
12. En deuxième lieu, lors du contrôle de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A... B... et de la vérification de comptabilité de la SARL Moh Déco, dont Mme A... B... est associée à 50 % et gérante, et dont M. A... B... est salarié, le service vérificateur a constaté que de nombreux encaissements bancaires sur les comptes personnels de M. A... B... provenaient de clients réguliers de la société, notamment les sociétés Akrobat, Teknibat, Ulice Bâtiment et Actibat. En l'absence d'enregistrement comptable de ces opérations, de présentation de factures et de justifications de la part tant de la société que des requérants, ces encaissements ont été rattachés par le vérificateur à l'activité de la société et, par suite, regardés comme des revenus distribués à M. et Mme A... B.... L'administration fiscale a ainsi établi des minorations de recettes provenant des travaux effectués pour le compte de divers clients sans que les factures correspondantes aient été établies et comptabilisées. Si les requérants soutiennent que ces sommes ne correspondent pas à des recettes de la SARL Moh Déco, mais à des recettes provenant d'une activité de peintre exercée par M. A... B... pour son propre compte, relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux, ils ne produisent aucun élément de justification à l'appui de cette allégation. Ils ne sauraient soutenir que M. A... B... a exercé une activité occulte de peintre dès lors que cette activité a, au cours de la période d'imposition restant en litige, été déclarée par la société au registre du commerce et des sociétés, et par eux-mêmes à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires. En outre, leur allégation selon laquelle M. A... B... ne pouvait exercer son activité professionnelle du fait de l'irrégularité de sa situation administrative est démentie par la circonstance qu'il était gérant d'une autre société Elsa Bat du 2 janvier 2011 au 31 août 2013.
13. En troisième lieu, s'agissant des encaissements provenant de clients autres que ceux de la société Moh Déco, M. et Mme A... B... ne soutiennent pas utilement que ces sommes ne pouvaient être qualifiées de revenus distribués sans avoir été intégrées dans la base imposable de la société distributrice, dès lors que les rémunérations et avantages occultes peuvent être imposés entre les mains de leur bénéficiaire sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, indépendamment de la rectification du résultat de la société distributrice, et qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que seuls les encaissements bancaires rattachés à l'activité de la SARL Moh Déco ont été considérés comme des revenus distribués par cette société pour l'imposition sur le revenu de M. et Mme A... B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
14. En dernier lieu, le chiffre d'affaires et le résultat de la SARL Moh Déco, qui sont sans incidence sur les impositions en litige, n'ont en tout état de cause pas été reconstitués d'après les revenus d'origine indéterminée constatés au niveau du maître de l'affaire. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale n'aurait établi l'existence d'une confusion entre le patrimoine de la société et leur patrimoine propre qu'à hauteur des sommes de 9 673,65 euros au titre de l'année 2013 et 11 400 euros au titre de l'année 2014.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de leur demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... B... à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et Mme C... A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2023.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21VE03388