La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2023 | FRANCE | N°22BX00909

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 19 décembre 2023, 22BX00909


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société Immobilière Duparc et la société Restauration rapide Duparc, sociétés par actions simplifiées, ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le maire de Sainte-Marie a délivré à la société Fast Food Océan Indien (S2FOI) un permis de construire pour la réalisation de travaux sur une construction existante située 3 rue de Michel Ange, Duparc, à Sainte-Marie, ensemble la décision implicite de rejet de leur recour

s gracieux.

Par un jugement n°1901368 du 12 janvier 2022, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Immobilière Duparc et la société Restauration rapide Duparc, sociétés par actions simplifiées, ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le maire de Sainte-Marie a délivré à la société Fast Food Océan Indien (S2FOI) un permis de construire pour la réalisation de travaux sur une construction existante située 3 rue de Michel Ange, Duparc, à Sainte-Marie, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n°1901368 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 17, 22 mars, 4 avril 2022 et 22 mars 2023, la société Immobilière Duparc et la société Restauration rapide Duparc, représentés par Me Le Mière, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2022 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le maire de Sainte-Marie a délivré à la société Fast Food Océan Indien (S2FOI) un permis de construire pour des travaux sur une construction existante située 3 rue de Michel Ange, Duparc, à Sainte-Marie, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que leur mémoire en réplique du 5 octobre 2020 n'a pas été communiqué aux parties en méconnaissance du principe du contradictoire ; or ce mémoire comportait des éléments nouveaux pour justifier de leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige ;

- le tribunal a considéré à tort qu'elles n'avaient pas intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige ; elles justifient du dit intérêt en leur qualité de voisines immédiates et de concurrentes ;

Sur la légalité de l'arrêté du 9 avril 2019 :

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dès lors que le dossier de demande de permis de construire ne comportait pas de document établi par un contrôleur technique attestant qu'il a fait connaître au maître d'ouvrage son avis sur la prise en compte, au stade de la conception, des règles parasismiques et pararcycloniques ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme dès lors que la société S2FOI n'est pas habilitée à déposer une demande de permis de construire, du fait de la clause de non-concurrence existante ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 3.2 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Sainte-Marie dès lors que les voies créées ne respectent pas les prescriptions posées par cet article ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles 6.1 et 6.2 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Sainte-Marie dès lors que le projet ne respecte pas le recul de 4 m par rapport à l'alignement des voies publiques et privées ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 7.1 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Sainte-Marie dès lors que le projet ne respecte pas la marge d'isolement minimale prévue par cet article ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 11.3 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Sainte-Marie dès lors que les façades du projet, et notamment les grandes surfaces vitrées, ne sont pas conformes ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 12.2 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Sainte-Marie dès lors que le projet ne comporte pas le nombre de places de stationnement requis ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles 13.1 et 13.2 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Sainte-Marie dès lors que les espaces libres projetés ainsi que les plantations ne sont pas conformes.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 juin 2022 et 8 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société à responsabilité limitée Fast Food Océan Indien (S2FOI), représentée par Me Soler-Couteaux, conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des appelantes la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation du permis de construire attaqué.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2022, la commune de Sainte-Marie, représentée par Me Benoiton, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des appelantes la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Bedot représentant la société Immobilière Duparc et la société Restauration rapide Duparc et de Me Hardy représentant la SARL Fast Food Océan Indien.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 9 avril 2019 le maire de Sainte-Marie a délivré à la société Fast Food Océan Indien (S2FOI) un permis de construire pour la réalisation de travaux sur une construction existante située 3 rue de Michel Ange, au sein de la zone commerciale Duparc, sur la commune de Sainte-Marie, consistant dans la démolition d'un local poubelles de 17,38 m², la construction d'une extension composée d'une chambre froide de 20 m², d'un bureau de 7 m² et d'un local poubelles de 24 m², un ravalement de façade, la création d'une double voie " drive " et un réaménagement du parking. La société Immobilière Duparc et la société Restauration rapide Duparc, respectivement propriétaire et exploitante d'un commerce de restauration rapide situé à proximité du projet, ont formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, rejeté par décision implicite du maire de Sainte-Marie. Par la présente requête, ces dernières relèvent appel du jugement du 12 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 9 avril 2019, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne le respect du principe du contradictoire :

2. La circonstance que le mémoire en réplique des sociétés Immobilière Duparc et Restauration rapide Duparc, dans lequel elles invoquaient des éléments nouveaux quant à leur intérêt à agir, n'a pas été communiqué à la commune de Sainte-Marie et à la société Fast Food Océan Indien durant l'instance devant le tribunal n'affecte pas le caractère contradictoire de la procédure vis-à-vis des sociétés requérantes et ne saurait ainsi être utilement invoquée par elles. Par suite, les sociétés appelantes, qui reconnaissent expressément que le tribunal a pris en compte les éléments nouveaux qu'elles ont apportés à l'appui de leur argumentation sur leur intérêt à agir, ne sont pas fondées à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité faute d'avoir respecté le principe du contradictoire.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Le tribunal de La Réunion a rejeté comme irrecevable la demande présentée par les sociétés Immobilière Duparc et Restauration rapide Duparc au motif que ces dernières ne justifiaient pas d'une qualité leur donnant intérêt à agir contre l'arrêté du 9 avril 2019 en litige. Les appelantes soutiennent qu'elles justifient d'un tel intérêt en leur qualité de voisines immédiates et de concurrentes.

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la société Immobilière Duparc est propriétaire d'un terrain sur lequel elle a consenti un bail commercial à la société Restauration rapide Duparc qui y exploite un restaurant de restauration rapide sous l'enseigne " Mc Donald's ". Ce terrain, situé dans la zone commerciale Duparc, est distant de 150 mètres du terrain d'assiette du projet en litige et en est séparé par deux ronds-points, une voie de circulation, un garage automobile, une station-service et des parkings. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les requérantes ne pouvaient se prévaloir de la qualité de voisines immédiates du terrain d'assiette du projet.

7. D'autre part, les sociétés Immobilière Duparc et Restauration rapide Duparc se prévalent, pour justifier de leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige, de ce qu'il autorise la création d'une double voie réservée au " drive " entraînant une réduction importante du nombre de places de stationnement, 26 au lieu des 42 places existantes, ce qui emporterait nécessairement selon elles des difficultés de stationnement dans la zone commerciale affectant ainsi l'accès des clients véhiculés au Mc Donald's. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la distance séparant les deux enseignes et à la configuration des lieux, il s'avère peu probable que des clients du Mc Donald's stationnent sur le parking de l'établissement dont l'exploitation est prévue par la pétitionnaire sous l'enseigne " Burger-King ", pour rejoindre le Mc Donald's, établissement qui possède au demeurant son propre parking, et à proximité duquel s'implantent de nombreuses places de stationnement, affectées à divers commerces. Par ailleurs, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de ce que la société pétitionnaire se serait implantée sur le terrain en litige, tout d'abord sous l'enseigne " Quick " puis sous l'enseigne " Burger-King ", en violation d'une clause de non-concurrence réciproque, dès lors que cette circonstance est étrangère aux conditions dans lesquelles elles pourraient avoir intérêt à agir contre un permis de construire telles que définies par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme précité. Si elles se prévalent également de ce que cette violation caractérise de fait une atteinte aux conditions d'exploitation de leur bien ainsi qu'un risque de perte de chiffre d'affaires, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le projet en litige, qui ne modifie en rien, hormis l'enseigne exploitée, l'activité de restauration rapide pré-existante, serait de nature à affecter les conditions d'exploitation de leur établissement. Enfin, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la seule modification des conditions de circulation soit de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bâtiment abritant le Mc Donald's, qui bénéficie au demeurant de son propre accès via un autre rond-point de la zone commerciale. Dans ces conditions, les sociétés Immobilière Duparc et Restauration rapide Duparc ne justifiaient pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le maire de Sainte-Marie a délivré à la société Fast Food Océan Indien (S2FOI) le permis de construire en litige.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les sociétés Immobilière Duparc et Restauration rapide Duparc ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Marie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ces dernières la somme globale de 1 500 euros à verser à la commune de Sainte-Marie et la somme globale de 1 500 euros à verser à la société Fast Food Océan Indien, au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Immobilière Duparc et de la société Restauration rapide Duparc est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Immobilière Duparc et Restauration rapide Duparc verseront la somme globale de 1 500 euros à la commune de Sainte-Marie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les sociétés Immobilière Duparc et Restauration rapide Duparc verseront la somme globale de 1 500 euros à la société Fast Food Océan Indien au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immobilière Duparc, à la société Restauration rapide Duparc, à la société Fast Food Océan Indien et à la commune de Sainte-Marie.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00909
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : OSBORNE CLARKE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;22bx00909 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award