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19/12/2023 | FRANCE | N°22PA05297

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 22PA05297


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. I... G..., en sa qualité d'ayant droit de Mme H... G..., sa mère,

M. F... G..., M. B... G... et Mme C... G..., en leur qualité d'ayants droit de

M. A... G..., leur père, lui-même ayant droit de Mme H... G..., sa mère, ainsi que Mme K... E... et Mme J... E..., en leur qualité d'ayants droit de M. D... E..., leur père, ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à leur verser la somme de

1 500 000 euros assortie des intérêts légaux à compter de la date de leur demande d'indemnisation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... G..., en sa qualité d'ayant droit de Mme H... G..., sa mère,

M. F... G..., M. B... G... et Mme C... G..., en leur qualité d'ayants droit de

M. A... G..., leur père, lui-même ayant droit de Mme H... G..., sa mère, ainsi que Mme K... E... et Mme J... E..., en leur qualité d'ayants droit de M. D... E..., leur père, ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à leur verser la somme de 1 500 000 euros assortie des intérêts légaux à compter de la date de leur demande d'indemnisation réceptionnée le 21 octobre 2020, et de prononcer leur capitalisation, et de mettre à la charge de la RATP la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100125 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2022, M. I... G..., en sa qualité d'ayant droit de Mme H... G..., sa mère, M. F... G..., M. B... G... et Mme C... G..., en leur qualité d'ayants droit de M. A... G..., leur père, lui-même ayant droit de Mme H... G..., sa mère, ainsi que Mme K... E... et Mme J... E..., en leur qualité d'ayants droit de M. D... E..., leur père, représentés par Me Louis, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°2100125 du tribunal administratif de Montreuil du 17 octobre 2022 ;

2°) de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à leur verser la somme de 1 500 000 euros avec intérêts légaux à compter de la date de leur demande d'indemnisation réceptionnée le 21 octobre 2020 et capitalisation desdits intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la RATP le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le refus de reconnaitre et d'indemniser le préjudice résultant de la construction, dans le tréfonds de leur parcelle, du tunnel destiné au prolongement de la ligne 12 du métro parisien porte atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à " la Constitution ", aux articles 544 et 545 du code civil et à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal ne pouvait, sans méconnaitre le droit du propriétaire d'utiliser sa parcelle à tout moment, refuser de les indemniser au motif qu'il n'existait pas, à la date de l'ordonnance d'expropriation, un projet de construction avancé sur ce terrain non bâti ;

- la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 30 janvier 2020 a jugé que leur préjudice, résultant de la dépréciation de leur bien, ne résultait pas de l'expropriation du tréfonds de leur parcelle mais de la construction à cet emplacement d'un tunnel et qu'ils pouvaient dès lors obtenir réparation de ce préjudice devant le juge administratif sur le fondement des dommages de travaux publics ;

- la présence de ce tunnel dans le tréfonds de leur parcelle leur cause un grave préjudice en compromettant tout projet de constructions futures sur ce terrain, ou du moins en imposant des contraintes techniques particulières, en alourdissant substantiellement le coût et en les contraignant à soumettre tout projet à la RATP ; ce préjudice revêt un caractère spécial et anormal ;

- la RATP ne peut soutenir que la présente requête se heurterait à l'autorité de la chose jugée par la Cour d'appel dans son arrêt du 30 janvier 2020 puisque précisément cet arrêt prévoit la possibilité d'une action en responsabilité sans faute devant le juge administratif pour dommages de travaux publics ;

- leur action n'est pas prescrite puisque la prescription quinquennale ne court qu'à compter de la date à laquelle ils ont eu pleinement connaissance de l'étendue du dommage, c'est-à-dire à la date du dépôt du rapport d'expertise le 29 juin 2016, et retenir la solution contraire contreviendrait aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme L...,

- les conclusions de Mme Degardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Louis, avocat des consorts G....

Considérant ce qui suit :

M. I... G..., M. F... G..., M. B... G..., Mme C... G..., Mme K... E... et Mme J... E..., en tant qu'héritiers de Mme H... G... et

M. D... E..., sont propriétaires d'un terrain à usage de parking d'une superficie de 2 232 m², sis au 72 avenue du Président Wilson à Saint-Denis. Une partie du tréfonds de cette parcelle, d'une surface de 489 m2 et située à 10,30 mètres de profondeur, a été expropriée par une ordonnance du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 2 avril 2008, afin de permettre la construction du tunnel destiné au passage du métro dans le cadre des travaux de prolongement de la ligne 12 du métro. Par un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 11 juillet 2007, fixant les indemnités d'expropriation, il a été alloué à Mme H... G... et M. D... E... une somme de 6 837 euros au titre de la valeur du tréfonds exproprié et au titre des indemnités accessoires, 1 276 euros d'indemnités de remploi et 1 400 euros d'indemnisation pour dépréciation du surplus. Les époux E... ayant interjeté appel de ce jugement, la cour d'appel de Paris a, par un arrêt avant-dire droit en date du 12 novembre 2009, ordonné une expertise afin notamment de déterminer la méthode d'évaluation du tréfonds et d'indiquer si le surplus du bien exproprié est sérieusement affecté dans sa potentialité de construction en sous-sol. L'expert a remis son rapport le 29 juin 2016. Par un arrêt du 29 juin 2017, la cour d'appel de Paris a fixé le montant de l'indemnité principale d'expropriation à 26 406 euros, le montant de l'indemnité de remploi à 3 641 euros, a jugé que l'indemnité pour dépréciation du surplus du terrain était égale au surcoût imposé à la construction d'un immeuble par la présence du tunnel, et a sursis à statuer sur la demande d'indemnisation au titre de la dépréciation du surplus jusqu'à l'élaboration par les consorts G... et E... du projet de construction. Par un arrêt du 6 décembre 2018, la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel en tant notamment qu'elle jugeait que l'indemnité pour dépréciation du surplus du terrain correspondait au surcoût du projet de construction, et a précisé que ce surcoût n'était pas la conséquence directe de l'expropriation mais résultait de la présence de l'ouvrage public. Par un nouvel arrêt du 30 janvier 2020, la cour d'appel, saisie sur renvoi de la Cour de cassation, a débouté les consorts G... et E... de leur demande d'indemnité accessoire au titre de la dépréciation du surplus. Par un second arrêt du même jour la Cour d'appel a par ailleurs rejeté la demande de transmission d'une question prioritaire de cassation, présentée par les requérants. Par ailleurs ceux-ci ont, par courrier du 19 octobre 2020, formé une demande indemnitaire préalable auprès de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), sur le fondement de la responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, puis ils ont saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de la RATP à leur verser la somme de 1 500 000 euros en réparation des préjudices allégués. Le tribunal a toutefois rejeté cette demande par un jugement du 17 octobre 2022, dont les consorts G... relèvent appel.

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics, ainsi que de ceux que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. La victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis, et de l'existence d'un lien de causalité entre cet ouvrage et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère grave et spécial. Les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité.

3. A l'appui de leurs conclusions tendant à ce que soit engagée la responsabilité sans faute de la RATP pour dommages de travaux publics, les consorts G... font état du surcoût qui résulterait, en cas de construction d'un immeuble sur leur terrain, des contraintes techniques occasionnées par la présence du tunnel de la RATP dans le tréfonds de ladite parcelle. Toutefois, s'ils produisent une étude établie par le cabinet Eiffage Construction le 17 juillet 2015, fondée sur l'hypothèse de la construction d'un immeuble de 75 logements comprenant deux niveaux en sous-sol, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient eu le projet, ou a fortiori qu'ils auraient entrepris la réalisation d'un tel ensemble immobilier, pas plus d'ailleurs que de quelque autre construction que ce soit. De même s'ils invoquent la contrainte résultant de la nécessité de soumettre tout projet de construction à la RATP, ce préjudice ne revêt lui aussi, en tout état de cause, qu'un caractère éventuel en l'absence de projet précis. Par suite ils ne justifient pas d'un préjudice né et actuel de nature à ouvrir droit à indemnisation pour dommages de travaux publics.

4. Si les requérants font valoir que la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 30 janvier 2020, ayant rejeté leur demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation, a écarté le moyen tiré de l'atteinte aux principes constitutionnels affirmés par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en retenant notamment que le préjudice allégué résultait de la présence du tunnel, pour laquelle les requérants pouvaient obtenir une indemnisation devant le juge administratif sur le fondement de la responsabilité sans faute, le juge administratif n'est toutefois pas tenu par un tel arrêt, qui n'a pas pour effet d'ouvrir un droit systématique à une indemnisation, laquelle est subordonnée à la condition que les critères d'engagement de la responsabilité pour dommages de travaux publics définis ci-dessus soient satisfaits. Or il résulte de ce qui précède que les consorts G..., qui ne justifient pas d'un préjudice né et actuel, ne sont, comme il a été dit, pas fondés à demander d'indemnisation pour la présence du tunnel dans le tréfonds de leur parcelle.

5. De plus, si les consorts G... entreprennent à l'avenir un projet de construction sur leur terrain, il leur appartiendra alors de solliciter le cas échéant l'indemnisation du préjudice susceptible de résulter de la présence du tunnel dans le tréfonds, si les caractéristiques du projet sont telles que l'existence de cet ouvrage renchérisse effectivement le coût de la construction. Dans ces conditions ils ne sont pas fondés à invoquer l'existence d'une atteinte au droit de propriété, ni par suite une méconnaissance des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des articles 544 et 545 du code civil et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de quelque autre principe à valeur constitutionnelle ou conventionnelle que ce soit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... G..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à la RATP.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

M-I. L...Le président,

I. LUBENLe greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05297
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;22pa05297 ?
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