Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Laboratoires Copmed a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 juillet 2019 de la direction départementale de la protection des populations de Charente-Maritime portant injonction de mise en conformité du produit " lait de jument " et à titre subsidiaire, de réformer la décision de mise en conformité du 12 juillet 2019.
Par un jugement n° 1902273 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2021, la société Laboratoires Copmed, représentée par Me Ciussi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902273 du 11 mars 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2019 de la direction départementale de la protection des populations de Charente-Maritime portant injonction de mise en conformité du produit " lait de jument " et à titre subsidiaire, de prononcer la nullité du courrier du 17 juin 2019 et de ses annexes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu directement au moyen tiré du défaut de base légale soulevé ;
- la décision d'injonction est insuffisamment motivée ; l'administration n'a pas tenu compte de la modification informative destinée au consommateur et diffusée sur internet et ne se prononce pas sur l'ajout de ce commentaire ;
- la DDPP a commis une erreur d'appréciation et de qualification juridique en estimant que le complément alimentaire vendu sous forme de gélules pouvait se confondre avec des aliments pouvant se substituer à du lait maternel et être adaptés à l'alimentation spécifique de préparations pour nourrissons ;
- ce complément alimentaire, notifié à l'autorité de référence la DGCCRF depuis le 6 avril 2009 au visa de l'article 15 du décret n° 2006-352, n'a jamais fait l'objet d'une observation ou contestation de la part de la DGCCRF ; il est commercialisable depuis lors sans restriction ; il n'est pas destiné aux nourrissons et n'est par conséquent pas soumis aux préconisations de l'arrêté du 11 avril 2008 ni aux dispositions de l'article L. 122-13 du code de la consommation ;
- la décision attaquée est privée de base légale, l'administration ayant mis en œuvre dans le cadre de son analyse et de sa sanction, une norme inexistante selon laquelle un complément alimentaire commercialisé sous forme de gélules peut être requalifîé en une préparation pour nourrissons ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Laboratoires Copmed ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 3 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire s'en remet aux écritures du ministre chargé de l'économie.
Par ordonnance du 12 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 septembre 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la consommation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée Laboratoires Copmed exerce l'activité de conception, de fabrication et de diffusion de produits cosmétiques, d'hygiène et de compléments alimentaires. Un contrôle de son site de vente en ligne a été réalisé le 23 mai 2019 par une inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, lequel a conduit à la constatation de manquements susceptibles de constituer une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation. Un courrier de pré-injonction de mise en conformité des informations de commercialisation d'un complément alimentaire appelé " lait de jument " figurant sur ce site internet a été adressé par l'administration à la société Laboratoires Copmed le 17 juin 2019 suivi d'un courrier d'injonction de mise en conformité du site en date du 12 juillet 2019. La société Laboratoires Copmed relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette injonction de mise en conformité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'administration doit indiquer soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé, les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde.
3. La lettre du 12 juillet 2019 adressée à la société requérante, lui enjoint, en application de l'article L. 521-1 du code de la consommation, et ce dans un délai de quinze jours, de fournir de manière lisible et compréhensible aux consommateurs toutes les informations précontractuelles réglementaires, de supprimer toutes les mentions et autres éléments de communication laissant penser que le produit " lait de jument " est adapté à l'alimentation des nourrissons et d'ajouter une mention indiquant qu'il ne convient pas aux nourrissons de moins de 12 mois. La lettre précise que le non-respect de cette injonction est passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 15 000 euros en application de l'article L. 532-2 du code de la consommation. A cette lettre, était joint le rapport de contrôle en date du 29 mai 2019 précisant le manquement reproché, relatif aux éléments d'étiquetage du complément alimentaire " lait de jument ", mentionnés sur le site de vente en ligne de la société Copmed, laissant penser qu'il pouvait s'agir d'un produit diététique adapté à l'alimentation des nourrissons. La lettre d'injonction fait également expressément référence au courrier de pré-injonction distribué le 24 juin 2019. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration n'a pas ignoré les éléments qu'elle a apportés dans sa lettre de réponse en date du 4 juillet 2019, en mentionnant l'intention de l'entreprise d'ajouter aux conseils et recommandations associés au produit sur le site internet l'indication selon laquelle ce complément alimentaire n'est pas un substitut du lait maternel et ne convient pas aux nourrissons de moins de 12 mois. Dès lors, l'injonction contestée qui comporte les éléments de droit et de fait et révèle l'examen particulier du dossier de la requérante est suffisamment motivée.
4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de la consommation : " Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. /Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. /Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 (...). " et de l'article L. 121-2 du même code : " Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...)/ 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :/ a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;/ b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; (...) ".
5. En deuxième lieu, en mentionnant les différentes dispositions législatives et réglementaires applicables aux préparations alimentaires pour nourrissons, la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Charente-Maritime n'a pas entendu appliquer ces dispositions au complément alimentaire " lait de jument ", dont il n'est pas contesté qu'il ne constitue pas une préparation pour nourrissons, mais a seulement entendu préciser que ces préparations étaient soumises à une réglementation très spécifique et qu'en présentant sur son site de vente en ligne, le lait de jument comme étant un lait " qui se rapprochait le plus du lait maternel " en raison de ses qualités nutritionnelles, la société Laboratoires Copmed pouvait laisser supposer que ce complément alimentaire constituait un produit diététique adapté à l'alimentation des nourrissons, de telles mentions étant dès lors de nature à révéler une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, qui a répondu à l'ensemble des moyens dont il était saisi, les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut de base légale doivent être écartés.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, les mentions figurant sur le site de la vente en ligne présentent le complément alimentaire " lait de jument " comme un lait " qui se rapproche le plus du lait maternel " dont la composition est " assez proche du lait maternel humain " et vantent sa " haute valeur biologique car il contient naturellement des acides aminés essentiels, des acides gras essentiels, des vitamines, des minéraux et des enzymes ". Ces mentions ne comportent aucune restriction d'âge quant aux consommateurs de ce produit. Le produit est ainsi proposé de telle manière qu'il est de nature à laisser raisonnablement croire, dans l'esprit d'un consommateur normalement avisé, qu'il peut répondre aux besoins nutritionnels de nourrissons quand bien même il se présente sous forme de gélules. Au demeurant, contrairement à ce que soutient l'appelante, la circonstance que seuls trois consommateurs aient indiqué sur le site en ligne de la société avoir fait usage de ce complément alimentaire pour leurs nourrissons, sans que ces remarques ne suscitent aucun commentaire, ni recommandation de la part de la société, était également suffisante pour laisser croire à des clients potentiels que le produit était effectivement adapté à l'alimentation des nourrissons. Dans ces conditions, l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation en obligeant la société Laboratoires Copmed à supprimer toute mention laissant penser que son produit est adapté à l'alimentation des nourrissons et à ajouter que ce dernier ne convient pas à leur alimentation.
7. En quatrième lieu, aux termes de de l'article 15 du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le responsable de la première mise sur le marché d'un complément alimentaire ne relevant pas de la procédure prévue à l'article 16 informe la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la mise sur le marché du produit en lui transmettant un modèle de son étiquetage./ La composition du produit telle qu'elle est mentionnée sur l'étiquetage doit satisfaire aux conditions prévues par les dispositions du premier alinéa de l'article 3./ Un arrêté des ministres chargés de la consommation, de l'agriculture et de la santé précisera les modalités de transmission de cette déclaration. ". Le premier alinéa de l'article 3 dispose que les ingrédients ne peuvent être employés dans la fabrication des compléments alimentaires que s'ils conduisent à la fabrication de produits sûrs, non préjudiciables à la santé des consommateurs, comme cela est établi par des données scientifiques généralement acceptées.
8. Si la société requérante relève que le produit a été autorisé par l'administration centrale de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), d'une part, en application des dispositions précitées de l'article 15 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, cette administration vérifie seulement la composition du complément alimentaire mais ne contrôle pas la régularité des informations qui figurent sur l'emballage ou le site de vente et, d'autre part, la délivrance d'une autorisation ne fait pas obstacle à la mise en œuvre ultérieure par l'administration de ses pouvoirs de contrôle de la conformité des produits commercialisés et d'injonction de mise en conformité prévus par le code de la consommation, s'agissant d'une procédure indépendante et distincte de celle de la déclaration de mise sur le marché d'un complément alimentaire. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Laboratoires Copmed n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Laboratoires Copmed demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Laboratoires Copmed est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laboratoires Copmed et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera communiquée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLe président,
Luc Derepas Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01827