Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Imperadeiro Construcoes LDA a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er février 2014 au 30 septembre 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 198 194 euros.
Par un jugement n° 1906258 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 décembre 2021 et le 3 mai 2023, la société Imperadeiro Construcoes LDA, représentée par Me Siriez, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 octobre 2021 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er février 2014 au 30 septembre 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 198 194 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur les pénalités ;
- sa demande d'entrevue avec le supérieur hiérarchique du vérificateur est restée sans réponse ; elle a été privée d'une garantie essentielle, que prévoit la charte, rendue opposable par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu ; les éléments portant sur l'assistance internationale ne lui ont pas été communiqués ;
- son activité fait obstacle à l'existence d'un établissement stable en France portant sur un cycle complet de production ou sur un cycle commercial complet ; elle a respecté ses obligations fiscales et n'avait pas à déclarer son activité en France, l'ensemble de son activité consistant en des prestations immatérielles réalisées au Portugal ;
- elle dispose d'un siège social au Portugal, de matériel informatique et télématique et de personnel salarié depuis sa création, d'un compte bancaire portugais, d'un expert-comptable ; son associé majoritaire, portugais et résident portugais, dispose du savoir-faire technique lié au BTP ; elle n'a pas à déférer aux mises en demeure de l'administration dans la mesure où son activité se déroule pour l'essentiel au Portugal, seule la prestation de pose ayant lieu en France, et réalisée par un sous-traitant ;
- sur la reconstitution du chiffre d'affaires, l'administration, ayant rejeté la comptabilité, a retenu un pourcentage de charges de 75 % sans aucune explication, ni référence ou comparaison ; le taux de charges doit être fixé à 85 % ;
- l'administration n'a pas justifié sa méthode et les éléments de comparaison retenus de façon à lui permettre de les discuter utilement ;
- sur les avances en compte courant, lors de sa constitution, une somme de 56 000 euros a été versée pour lui permettre de bénéficier de trésorerie et amorcer l'activité ; les sommes versées par un gérant et associé doivent être assimilées à un compte courant d'associé : M. C... a abondé en compte courant dès qu'elle en avait besoin, aucun chantier n'ayant été réalisé pour son compte personnel ;
- les travaux pour M. D... n'ont pas été faits par elle mais par des entreprises tierces qui ont été payées directement par M. C... ; un avoir a été réalisé ; la somme de 33 000 euros doit être soustraite du chiffre d'affaires ;
- pour Mme A... C..., en raison du refus de délivrance du permis de construire, elle a remboursé, par le biais de M. C... la somme de 61 300 euros ;
- M. B... a refusé de payer les travaux de 70 000 euros ;
- au final, la somme de 192 412 euros doit être retranchée du chiffre d'affaires reconstitué ;
- la pénalité de 40 % pour défaut de dépôt des déclarations fiscales ne lui est pas applicable dès lors qu'elle a démontré qu'elle n'avait pas un cycle commercial complet en France et qu'elle n'avait pas à déposer de déclaration.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai 2022 et 17 mai 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Imperadeiro Construcoes LDA ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 mai 2023 à 12h00.
Par une lettre du 5 décembre 2023, la présidente de la 4ème chambre a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office, tiré de la tardiveté du moyen relatif à la régularité du jugement et relevant d'une cause juridique distincte.
Le ministre chargé des comptes publics a produit des observations enregistrées le 7 décembre 2023, en réponse au moyen soulevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Siriez, représentant la société Imperadeiro Construcoes LDA.
Les parties ont été informées lors de l'audience publique de la date de mise à disposition de l'arrêt le 21 décembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2014 au 30 septembre 2015, l'administration fiscale a considéré que la société Imperadeiro Construcoes LDA, créée le 21 février 2014, qui a pour activité les travaux du bâtiment et dont le siège se trouve au Portugal, disposait en France d'un établissement stable non déclaré et a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé en France au titre de l'exercice clos en 2014 et de la période courant du 1er février 2014 au 30 septembre 2015. Par un jugement du 19 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à ce contrôle. La société Imperadeiro Construcoes LDA relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la société Imperadeiro Construcoes LDA conteste la régularité du jugement en date du 19 octobre 2021, en tant que le tribunal administratif de Bordeaux a omis de statuer sur le bien-fondé des pénalités de 40 % mises à sa charge, ce moyen, qui se rattache à une cause juridique distincte de celles qui servent de fondement à la requête et n'a été invoqué que dans un mémoire enregistré le 3 mai 2023, soit après l'expiration du délai d'appel, constitue une demande nouvelle qui, présentée tardivement, n'est pas recevable.
Sur le principe de l'imposition en France :
3. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : (...) / 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : (...) / b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; /c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle. " et de l'article 259 A du même code : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : (...) /2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France, y compris les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire tels que des camps de vacances ou des sites aménagés pour camper, l'octroi de droits d'utilisation d'un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à coordonner l'exécution de travaux immobiliers, telles que celles fournies par les architectes et les entreprises qui surveillent l'exécution des travaux ; (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-portugaise du 14 janvier 1971 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 3. 1) Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. /2) l'expression " établissement stable " comprend notamment : /a) un siège de direction ; /b) une succursale ; / c) un bureau ; (...) e) un atelier ; (...) / g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois. /3) On ne considère pas qu'il y a " établissement stable " si : / a) Il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ; / b) Des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ; / c) Des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ; / d) Une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations pour l'entreprise ; (...) /4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme " établissement stable " dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. (...). ".
5. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
6. Il résulte de l'instruction que la société Imperadeiro Construcoes LDA a facturé au cours de la période en litige des prestations de travaux en bâtiment à des sociétés ou des particuliers domiciliés en France, particulièrement dans le département de la Gironde, pour des bâtiments situés en France. L'administration indique, sans être sérieusement contredite, que la société exerce son activité en France toute l'année et qu'elle emploie pour ce faire des salariés. Il ressort de la réponse des autorités portugaises à la demande d'assistance administrative que la société requérante, si elle dispose d'un siège social au Portugal, à l'adresse de domiciliation d'un expert-comptable, n'y a pas d'établissement et n'y dispose pas de moyen matériel ou humain. Il résulte par ailleurs de l'instruction que tous ses salariés exercent en France, que la société est joignable sur un numéro de mobile en France et, selon les procès-verbaux de police, dressés les 3 décembre 2014 et 8 avril 2015, le gérant et associé, M. E... C..., dont le domicile est situé à Bordeaux, ainsi que sa secrétaire, exercent leurs fonctions dans les locaux mis à disposition par une autre entreprise, MK2, à Bordeaux. Il résulte de l'instruction que le gérant prend toutes les décisions au nom de l'entreprise, laquelle a déclaré aux autorités portugaises, avoir réalisé en 2014 un chiffre d'affaires de 556 342, 70 euros, hors TVA en France et une opération de 14 500 euros au Portugal. Dans ces conditions et alors même que la société disposerait d'un compte bancaire portugais et aurait pour associé majoritaire, un résident portugais, la société Imperadeiro Construcoes LDA, qui ne produit aucune pièce de nature à justifier de la réalisation de travaux d'étude et de conception au Portugal, doit être regardée comme disposant d'un établissement stable en France au sens des articles 209 et 259 du code général des impôts ainsi que des stipulations précitées des articles 5 et 7 de la convention franco-portugaise. Par suite, l'administration a pu à bon droit assujettir la société requérante à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en litige.
Sur la procédure d'imposition :
7. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Le contribuable ne peut invoquer la méconnaissance de la garantie, prévue par cette charte, de saisine de l'inspecteur divisionnaire ou principal qu'à la condition que la demande tendant à cette saisine ait été présentée dans les conditions prévues par ladite charte, dont il résulte que cette demande ne peut être utilement formulée que dans le cas où, après maintien des rectifications envisagées par le vérificateur, des désaccords subsistent entre le contribuable et l'administration et, dès lors, ne peut être utilement formulée qu'après cette intervention, mais non avant.
8. Il n'est pas contesté que dans ses observations du 21 juillet 2016, la société appelante demandait à rencontrer le supérieur hiérarchique du vérificateur, après avoir contesté la totalité des rehaussements. Cette demande, en ce qu'elle tendait à former un recours hiérarchique, était prématurée et, par suite, a été irrégulièrement présentée dans les conditions prévues dans la charte du contribuable. Au surplus, il n'est pas davantage contesté que, dans sa réponse aux observations en date du 12 septembre 2016, l'administration a proposé à la société de lui confirmer son souhait de solliciter le recours hiérarchique à laquelle cette dernière n'a pas donné suite. La société n'a pas davantage répondu aux courriels de l'administration des 27 octobre et 10 novembre 2016 adressés à son conseil, lui demandant de confirmer sa demande, faite prématurément, de recours hiérarchique. La société requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la possibilité de rencontrer le supérieur hiérarchique du vérificateur.
9. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) " et aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
10. Il résulte de la proposition de rectification du 17 juin 2016 que l'administration a indiqué les éléments sur lesquels elle fondait les redressements, tant ceux transmis par le procureur de la République de Bordeaux dans le cadre de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales que ceux communiqués par les autorités portugaises dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale prévue par l'article L. 45 du même livre. L'administration a précisé qu'elle a déterminé le montant des rehaussements en matière de TVA et d'impôt sur les sociétés de la société Imperadeiro Construcoes LDA, après avoir considéré, à partir des éléments recueillis dans le cadre de la vérification, notamment lors de la demande d'assistance administrative, que le siège social déclaré au Portugal constituait seulement une adresse de domiciliation, que l'entreprise ne disposait dans ce pays d'aucun moyen matériel ou humain et que tous ses salariés travaillaient en France. Par suite, la société requérante disposait des éléments fondant les redressements, conformément à l'article L. 76 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, si la requérante soutient que l'administration ne lui a pas produit les documents obtenus auprès des autorités portugaises, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée en aurait demandé la communication. Par suite, la procédure d'imposition n'est pas non plus sur ce point entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
11. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " et de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".
12. Les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été notifiés à la société Imperadeiro Construcoes LDA selon la procédure de taxation d'office. Par suite, la société requérante supporte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve et il lui appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que les impositions et taxes mises à sa charge présentent un caractère exagéré.
13. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité, le gérant de la société appelante n'a pas été en mesure de présenter certains documents comptables, tels que le grand livre général ou les livres journaux. Aucune déclaration mensuelle de TVA (modèle CA3), ni de déclaration à l'impôt sur les sociétés n'ont été déposées, malgré mises en demeures. Pour reconstituer le chiffre d'affaires issu de l'activité de la société Imperadeiro Construcoes LDA au titre de l'année 2014 et de la période courant du 1er janvier au 30 septembre 2015, l'administration s'est basée sur l'examen des mouvements constatés sur le compte bancaire professionnel et les renseignements obtenus lors de l'exercice du droit de communication, permettant ainsi de récapituler les règlements, les ordres de virement et la facturation. Le montant hors taxes du chiffre d'affaires taxable à la TVA a été évalué aux sommes de 536 942 euros et de 98 333 euros pour les périodes respectives de l'année 2014 et du 1er janvier au 30 septembre 2015, sur la base d'une TVA collectée de 20 %, faute de justificatifs attestant de l'application d'une TVA au taux réduit, et d'une TVA déductible, calculée à partir des documents produits. Le chiffre d'affaires, imposable à l'impôt sur les sociétés a, à partir des factures produites, été évalué en 2014 au montant hors taxes de 585 933 euros et le bénéfice net estimé à la somme de 146 483 euros, après application d'un pourcentage de charges, en l'absence de justificatifs, retenu à hauteur de 75 %, par référence au ratio-encaissement/charge constaté dans des entreprises exerçant une activité similaire sur un même secteur géographique. Si la société Imperadeiro Construcoes LDA soutient que ce pourcentage aurait dû être de 85 %, elle ne donne aucun élément précis sur ses conditions effectives d'exploitation et ne justifie pas de ce taux, en se bornant à produire un tableau statistique général concernant, pour l'année 2019, les entreprises de son secteur d'activité et un comparatif avec des entreprises ayant le même type d'activité dans la région. La société conteste également la réintégration par l'administration dans les recettes de plusieurs avances en compte courant. En premier lieu, si la société soutient qu'une somme de 56 000 euros a été apportée par M. C... afin de constituer un apport en trésorerie, elle ne l'établit pas, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'administration a identifié deux factures de 26 000 euros et de 44 000 euros, émises au nom de la société MK2, lesquelles, soldées à hauteur respective de 26 000 euros et de 30 000 euros par le crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. C..., sur ses fonds propres, doivent ainsi être qualifiées de recettes. En deuxième lieu, par la seule production d'avoirs, lesquels au demeurant n'ont été présentés qu'au stade de la réclamation contentieuse, la société appelante n'établit pas s'être acquittée du remboursement de la somme de 33 000 euros au client, M. D..., ni de la somme de 61 300 euros à Mme C..., en l'absence de présentation des factures correspondantes. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que M. D..., qui a confirmé à l'administration avoir réglé une somme de 33 000 euros à la société Imperadeiro Construcoes LDA, bien que les travaux ainsi facturés aient été réalisés par d'autres prestataires, ait été effectivement remboursé de la somme correspondante au cours de la période contrôlée, par la seule production d'une attestation postérieure à la proposition de rectification. De même, alors que Mme C..., en réponse à une demande d'information, n'a fait référence à aucun avoir ou remboursement, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes qui ont fait l'objet de virements bancaires ou de chèques entre le 28 mars 2015 et le 5 mars 2016 à son intention correspondraient à des remboursements d'avances pour un chantier non réalisé. En troisième lieu, si la société produit une facture de travaux d'un montant total de 70 000 euros au nom de M. B..., elle ne justifie pas que cette somme ne lui aurait pas été versée. Enfin, la société Imperadeiro Construcoes LDA ne se prévaut pas utilement de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-50-20, qui concerne la procédure de contrôle et ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la méthode de reconstitution mise en œuvre par le service, dont la pertinence doit être appréciée au regard des éléments d'information dont celui-ci disposait effectivement, ne peut être regardée comme radicalement viciée dans son principe, ni comme excessivement sommaire. Par suite, l'appelante n'établit pas que le montant des chiffres d'affaires et des recettes reconstitués au titre de l'année 2014 et de la période courant du 1er janvier au 30 septembre 2015 serait excessif.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".
15. Il est constant que la société appelante n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire en France, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Si la société requérante demande la décharge des pénalités, motif pris de ce que les prestations en cause doivent être rattachées à son siège au Portugal, il résulte de ce qui précède que tel n'est pas le cas. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 40 % prévue par les dispositions du 1.b précité de l'article 1728 du code général des impôts.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Imperadeiro Construcoes LDA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Imperadeiro Construcoes LDA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Imperadeiro Construcoes LDA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 21BX04715