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21/12/2023 | FRANCE | N°21NC00401

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 21 décembre 2023, 21NC00401


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le directeur du centre de long séjour (CLS) Bellevaux a décidé que ses arrêts de travail à compter du 26 décembre 2017 " étaient à prendre au titre de la maladie ordinaire ", ainsi que la décision du 14 décembre 2018 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 1900232 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Besançon

a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 12...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le directeur du centre de long séjour (CLS) Bellevaux a décidé que ses arrêts de travail à compter du 26 décembre 2017 " étaient à prendre au titre de la maladie ordinaire ", ainsi que la décision du 14 décembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900232 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2021, Mme A..., représentée par Me Tronche, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au directeur du CLS Bellevaux de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts et soins prescrits au moins jusqu'au 30 mars 2018, et de régulariser ses droits, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du CLS Bellevaux une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission de réforme était composée de manière irrégulière en l'absence de médecin psychiatre ;

- l'avis de la commission de réforme est entaché de défaut de motivation, en méconnaissance de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 ;

- les décisions en litige sont entachées de défaut de motivation ;

- le directeur du CLS Bellevaux s'est estimé lié par l'avis de la commission de réforme ;

- la décision de la placer en congé de maladie ordinaire, non imputable au service, à partir du 26 décembre 2017 est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2021, le CLS Bellevaux, représenté par Me Suissa, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'administration aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- les observations de Me Clément-Elles, avocate du centre de long séjour Bellevaux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... exerce, en tant que titulaire de la fonction publique hospitalière, les fonctions d'aide-soignante au centre de long séjour (CLS) Bellevaux à Besançon. En arrêt maladie à compter du 3 août 2015, le directeur du CLS Bellevaux l'a, par une décision du 28 juin 2016, placée en congé de longue durée imputable au service à partir du 22 août 2015 compte tenu du lien entre son arrêt maladie pour état anxio-dépressif et la réception d'une lettre anonyme faisant suite à la dénonciation par l'agent de faits de maltraitance au sein de l'établissement hospitalier. Son congé de longue durée pour maladie imputable au service a été prolongé, en dernier lieu, par un arrêté du 24 septembre 2018, pour la période du 25 décembre 2016 au 25 décembre 2017. En revanche, le directeur du CLS Bellevaux a décidé, par une autre décision du 24 septembre 2018, que les arrêts de travail à compter du 26 décembre 2017 étaient " à prendre en charge au titre de la maladie ordinaire ", mettant ainsi fin à son congé de longue durée. Il informait également Mme A... qu'elle serait placée à demi-traitement à compter du 27 mars 2018. L'agent a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 14 décembre 2018. Mme A... relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...) ; 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Un agent victime d'un tel accident a le droit d'être maintenu en congé de maladie, avec bénéfice de son plein traitement, sans autre limitation que celle tenant à sa mise à la retraite ou au rétablissement de son aptitude au service. Le droit au maintien de ce régime est néanmoins soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service demeure en lien direct et essentiel, mais non nécessairement exclusif avec l'accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Par ailleurs, la consolidation de l'état de santé de l'agent ne saurait suffire à faire obstacle à la poursuite de la prise en charge des honoraires médicaux et frais directement entraînés par l'accident de service.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié d'un congé de longue durée pour maladie contractée dans l'exercice de ses fonctions à la suite de la réception d'une lettre anonyme à son domicile le 22 août 2015. Par la décision en litige du 24 septembre 2018, le directeur du CLS Bellevaux a, suivant l'avis émis par la commission de réforme le 13 septembre 2018, mis un terme au bénéfice de ce régime à compter du 26 décembre 2017, au motif que les arrêts maladie de l'agent relevaient alors de la maladie ordinaire. Mme A... soutient que ses arrêts maladie demeurent liés à la pathologie reconnue imputable au service au moins jusqu'au 30 mars 2018, date de consolidation de son état de santé ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise établi le 30 décembre 2020 dans le cadre d'une action en responsabilité engagée par l'agent pour obtenir la réparation des préjudices liés à sa pathologie imputable au service. Il ressort de cette pièce nouvelle produite en appel que la psychiatre commise par la présidente de la cour a estimé, au vu des pièces dont elle avait été saisie, que la symptomatologie anxio-dépressive réactionnelle de Mme A..., qui était imputable au service, devait être regardée comme stabilisée au 30 mars 2018, date à laquelle avait cessé la prise en charge spécialisée psychiatrique de l'agent selon des modalités régulières. Cette date du 30 mars 2018 est par ailleurs cohérente avec les observations faites par le médecin agréé missionné par la commission de réforme qui, lors de l'examen de l'agent auquel il avait procédé le 30 juin 2018, avait relevé une humeur " non significativement déprimée ", un amoindrissement en intensité des troubles spécifiques et une évolution permettant la perspective d'une reprise à temps partiel thérapeutique. Mme A... ne produit, pour sa part, aucun autre certificat médical de nature à justifier que la maladie la mettant dans l'impossibilité d'accomplir son service demeurerait, après cette date du 30 mars 2018, en lien direct et essentiel avec l'accident de service du 22 août 2015. Dans ces conditions, et sous réserve de ce qui vient d'être dit, la requérante est fondée à soutenir que la décision en litige, qui retient que la maladie dont elle souffre n'est plus imputable au service à compter du 26 décembre 2017, sans que cette date soit justifiée par la moindre pièce médicale, est entachée d'erreur d'appréciation.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 septembre 2018 et de la décision du 14 décembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur l'injonction :

6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le directeur du CLS Bellevaux rétablisse Mme A... dans ses droits au bénéfice du régime des congés de maladie imputable au service pour la période du 26 décembre 2017 au 30 mars 2018 et qu'il régularise sa situation administrative en conséquence. Il y a lieu d'enjoindre au directeur du CLS Bellevaux d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le CLS Bellevaux et non compris dans les dépens.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CLS Bellevaux une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 10 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La décision du directeur du CLS Bellevaux du 24 septembre 2018 et la décision du 14 décembre 2018 rejetant le recours gracieux formé contre elle sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au directeur du CLS Bellevaux de rétablir Mme A... dans ses droits au bénéfice du régime des congés de maladie imputable au service pour la période du 26 décembre 2017 au 30 mars 2018 et de régulariser sa situation administrative en conséquence, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le CLS Bellevaux versera la somme de 2 000 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par le CLS Bellevaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre de long séjour Bellevaux.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC00401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00401
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21nc00401 ?
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