Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son certificat de résidence en qualité de commerçant, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2212702 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2023, M. A..., représenté par Me Megherbi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou, à défaut, un certificat de résidence en qualité de commerçant ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'aucun détournement de procédure ne peut lui être reproché ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 5 et 7 c) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,
- et les observations de Me Megherbi, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 8 juin 1992 et entré régulièrement en France le 18 septembre 2017, sous couvert d'un visa de long séjour afin d'y poursuivre des études, s'est vu délivrer un certificat de résidence portant la mention " étudiant " qui a été renouvelé jusqu'au 30 septembre 2019. N'ayant pas obtenu son diplôme de licence 3 " sciences, technologies, santé ", mention " génie civil ", et à la suite de la création d'une entreprise, il a sollicité un changement de statut et a obtenu un certificat de résidence en qualité de commerçant, valable du 12 septembre 2019 au 11 septembre 2020. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement n° 2106310 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, aux motifs " qu'en fondant sa décision de refus sur la seule circonstance que M. A... n'apportait pas d'éléments probants sur la viabilité de son projet commercial, le préfet (...) a (...) commis une erreur de droit ", et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 12 juin 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à l'intéressé le renouvellement de son titre de séjour en qualité de commerçant, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 12 juin 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes du c) de l'article 7 du même accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ". Saisi d'une demande de renouvellement d'un certificat de résidence en qualité de commerçant de la part d'un ressortissant algérien justifiant de son inscription au registre du commerce et des sociétés et sous réserve de manœuvres frauduleuses avérées, le préfet, s'il ne peut légalement refuser le renouvellement demandé aux motifs que les revenus que l'intéressé tiraient de son activité étaient insuffisants, est fondé à vérifier le caractère effectif de l'activité commerciale du pétitionnaire.
3. Par l'arrêté contesté du 12 juin 2002, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à M. A... le renouvellement de son certificat de résidence en qualité de commerçant aux motifs que si " l'intéressé qui est entré en France en 2017 afin de poursuivre ses études, s'est maintenu deux ans sous titre de séjour " étudiant " pour faire une licence 3 " sciences, technologies, santé ", mention " génie civil ", licence qu'il n'a finalement pas obtenu " et " a sollicité, suite à la création d'une entreprise, un changement de statut en qualité de " commerçant " ", " M. A... présente à l'appui de son dossier des fiches de paie en qualité de salarié, notamment pour les années 2020 et 2021, sans même détenir le contrat de travail exigé par la réglementation en vigueur pour être admis au séjour en France en qualité de salarié comme requis par l'article 7 b) de l'accord franco-algérien ", que " tous ces éléments laissent à penser que M. A... n'est pas entré en France pour poursuivre ses études " et qu'" il y a lieu de penser qu'il s'agit d'un détournement de procédure afin d'obtenir un titre de séjour sur un autre fondement, sans détenir le visa permettant l'installation en France tant en qualité de commerçant que salarié ".
4. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que M. A... n'aurait sollicité et obtenu un visa de long séjour en qualité d'étudiant que dans le seul but d'entrer en France non pour y poursuivre des études, mais afin d'y exercer une activité professionnelle salariée ou autre que salariée, sans avoir à présenter le visa de long séjour prévu par les articles 7 b) ou c) et 9 combinés de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, accompagné des pièces et documents justificatifs permettant d'obtenir un certificat de résidence portant la mention " salarié " ou " commerçant ". A cet égard, il n'est pas établi, ni même allégué, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant produit aucune observation, ni aucun élément en défense en première instance ou en appel, que M. A... n'aurait jamais suivi les enseignements du cursus universitaire auquel il a été inscrit entre 2017 et 2019, alors que son titre de séjour portant la mention " étudiant ", qui lui a été délivré en 2017, lui a été renouvelé en 2018. De même, il n'est pas établi, ni même allégué que l'intéressé aurait, durant cette période, exercé, à titre principal, une activité professionnelle sous couvert de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", alors que M. A... ne s'est inscrit que le 30 avril 2019 au registre du commerce et des sociétés afin d'exercer une activité professionnelle non salariée, qui n'a d'ailleurs généré, pour les deux premiers trimestres d'exploitation en 2019, qu'un chiffre d'affaires modeste. De surcroît, alors qu'après la fin de ses études et à la suite de la création de son entreprise, M. A... a sollicité un changement de statut, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait droit à sa demande en 2019 et lui a accordé la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, valable du 12 septembre 2019 au 11 septembre 2020, sans lui opposer une quelconque manœuvre frauduleuse de sa part quant à ses conditions d'entrée et de séjour en France. Par ailleurs, la seule circonstance que l'intéressé a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour des fiches de paie en qualité de salarié, notamment pour les années 2020 et 2021, sur lesquelles le préfet n'a fourni aucune précision, ne saurait suffire à faire regarder comme avérée une telle manœuvre frauduleuse. Enfin, alors qu'une telle manœuvre n'est pas établie, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, soit le 12 juin 2022, l'activité commerciale de l'intéressé, ayant pour objet la " formation et l'expertise technique en sécurité incendie ", des " prestations de service de sécurité incendie et d'assistance à personnes " et des " services relatifs aux travaux de bâtiment auprès des sociétés et des particuliers ", revêtait, eu égard notamment aux chiffres d'affaires générés en dernier lieu, soit 31 667 euros en 2021 et 21 943 euros pour le premier semestre 2022, un caractère effectif. Dans ces conditions, en refusant, par son arrêté du 12 juin 2022, de renouveler le titre de séjour de M. A... au motif d'un " détournement de procédure ", le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur dans son appréciation des circonstances de l'espèce au regard des stipulations citées au point 2. Par suite, le requérant est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de cette décision portant refus de renouvellement de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination qui l'assortissent.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. Contrairement à ce que soutient M. A..., le présent arrêt n'implique pas nécessairement que lui soit délivré un certificat de résidence de dix ans en application des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'intéressé n'établissant pas, ni n'alléguant sérieusement avoir sollicité un tel titre de séjour. En revanche, eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. A..., en application des stipulations des articles 5 et 7 c) de cet accord, un certificat de résidence d'un an portant la mention " commerçant ". Par suite, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2212702 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 12 juin 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 800 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
L. d'ARGENLIEULa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01638