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22/12/2023 | FRANCE | N°22MA00312

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 22 décembre 2023, 22MA00312


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions des 15 et 28 janvier 2020 du directeur du centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis l'affectant au service de la restauration à compter du 27 janvier 2020 et le réintégrant en position d'activité à 100 % à compter du 26 janvier 2020.



Par un jugement n° 2003691 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 janvier 2022, le 6 o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions des 15 et 28 janvier 2020 du directeur du centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis l'affectant au service de la restauration à compter du 27 janvier 2020 et le réintégrant en position d'activité à 100 % à compter du 26 janvier 2020.

Par un jugement n° 2003691 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 janvier 2022, le 6 octobre 2022 et le 11 mai 2023, M. A..., représenté par Me Goldmann, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 novembre 2021 ;

2°) d'annuler les décisions des 15 et 28 janvier 2020 par lesquelles le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis a respectivement décidé sa réintégration au sein du service de restauration à compter du 27 janvier 2020 et sa réintégration en position d'activité à 100 % à compter du 26 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis de le réintégrer dans ses fonctions d'agent de sécurité à compter du 26 janvier 2020 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions du 15 janvier 2020 et du 28 janvier 2020 sont des décisions faisant grief susceptibles de recours ;

- sa demande de première instance n'est pas tardive ;

- le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis a méconnu l'article 30 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 dès lors qu'au terme de la mesure de suspension il a été affecté au sein du service de restauration alors qu'il est agent de sécurité ;

- le changement d'affectation constitue une sanction disciplinaire déguisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2023, le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis, représenté par Me Michel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de première instance est tardive ;

- elle est irrecevable dès lors qu'elle est dirigée contre deux décisions devant s'analyser pour l'une comme une mesure d'ordre intérieur, pour l'autre comme ne faisant pas grief ;

- subsidiairement, les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n°2007-1188 du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;

- et les observations de Me Goldmann, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent des services hospitaliers qualifiés de classe supérieure, exerçait depuis le 24 février 2014 les fonctions d'agent de sécurité de nuit au sein du centre Roger Duquesne, établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes rattaché au centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis. Le 26 septembre 2019, le directeur du centre hospitalier a suspendu M. A... de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois. Par deux décisions du 15 janvier 2020 et du 28 janvier 2020, le directeur du centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis l'a, d'une part, affecté, à compter du 27 janvier 2020, au sein du service de la restauration et l'a, d'autre part, réintégré en position d'activité à 100 % à compter du 26 janvier 2020. M. A... relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. La décision en litige du 28 janvier 2020 se borne à prononcer la réintégration de M. A... en position d'activité à 100 % au sein de l'établissement à l'issue de la mesure de suspension dont il a fait l'objet, le 26 janvier 2020. Cette décision, qui n'a pas, contrairement à ce que soutient le requérant, pour objet de prononcer son changement d'affectation, ne lui fait pas grief et n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du 28 janvier 2020 comme étant irrecevables.

3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 4 du décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière alors applicable et dont relève la situation de M. A... : " (...) Les agents des services hospitaliers qualifiés sont chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins et participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils effectuent également les travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses et assurent, à ce titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l'hygiène hospitalière. ".

5. M. A..., qui exerçait les fonctions d'agent de sécurité de nuit au sein du centre Roger Duquesne, a été affecté, par la décision en litige du 15 janvier 2020, au sein du service de la restauration sur l'emploi d'assembleur livreur de plats à compter du 27 janvier 2020. Si les nouvelles fonctions exercées par M. A... au sein du service la restauration sont par nature différentes de celles qu'il exerçait au sein du service de sécurité incendie, cette nouvelle affectation n'apparait pas incompatible avec les fonctions des agents des services hospitaliers qualifiés telles que définies par l'article 4 du décret précité. Il ressort toutefois des pièces du dossier et, notamment des bulletins de paie versés au débat devant la cour, que la mesure de changement d'affectation litigieuse a eu pour effet de priver M. A... du bénéfice de l'indemnité horaire pour travail normal de nuit d'un montant mensuel de 132,15 euros par mois et a ainsi eu une incidence défavorable sur sa situation en le privant de la possibilité de percevoir des primes afférentes au service de nuit. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a qualifié cette décision de mesure d'ordre intérieur et a rejeté les conclusions dirigées contre cette décision comme étant irrecevables. Par suite, le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 29 novembre 2021 doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 janvier 2020.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande de M. A... dirigée contre la décision du 15 janvier 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision du 15 janvier 2020 :

7. Aux termes de l'article 30 de loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...). / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le directeur du centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis a prononcé, par la décision en litige du 15 janvier 2020 le changement d'affectation de M. A... dans le service de la restauration au motif que sa réintégration au sein du service de sécurité incendie du centre Roger Duquesne n'était pas envisageable dans la mesure où la procédure engagée suite aux évènements ayant motivé sa suspension était encore en cours d'instruction et que son retour dans ce service n'était pas compatible avec les impératifs d'un fonctionnement serein du service. L'affectation de M. A... au sein d'un nouveau service, dans des fonctions correspondant au statut de M. A... conformément aux dispositions précitées au point 4 du présent arrêt de l'article 4 du décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière, ne méconnaît pas les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983.

9. Un changement d'affectation revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le changement d'affectation de M. A... a été motivé, ainsi qu'il a été exposé au point 8 du présent arrêt, par l'intérêt du service, celui-ci étant intervenu à la fin de la suspension à titre conservatoire de l'agent, alors qu'une enquête administrative était diligentée à l'encontre de l'intéressé au motif qu'il aurait eu une relation sexuelle avec une résidente placée sous régime de tutelle. S'il ressort des écritures du requérant que ces faits ont été sanctionnés d'une exclusion de fonctions pour une durée de deux ans par une décision du directeur du centre hospitalier du 31 août 2021 et que cette mesure a été annulée par le tribunal administratif de Marseille par un jugement du 24 octobre 2022, il apparait que ce changement d'affectation a été décidé par le directeur hospitalier dans l'intérêt du service et non dans l'intention de sanctionner l'intéressé. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce changement d'affectation constituerait une sanction déguisée. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2020 portant changement d'affectation et de la décision du 28 janvier 2020 portant réintégration en position d'activité doivent être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction doivent également, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elles ont exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003691 du 29 novembre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 janvier 2020 présentées par M. A....

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,

- Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.

2

N° 22MA00312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00312
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Affectation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL GOLDMANN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;22ma00312 ?
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