Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de police lui a retiré la carte de séjour pluriannuelle valable du 15 avril 2022 au 14 avril 2026 qui lui avait été précédemment délivrée.
Par un jugement n° 2226488 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2023, M. A..., représenté par Me Assor-Doukhan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2022 par laquelle le préfet de police lui a retiré son titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît le principe de sécurité juridique dès lors qu'il se fonde sur des condamnations antérieures à la délivrance du titre de séjour dont il était titulaire ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lorin a entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 27 juillet 1994, a été mis en possession d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 15 avril 2022 au 14 avril 2026. Par un arrêté du 21 novembre 2022, le préfet de police lui a retiré ce titre de séjour sur le fondement de l'article
L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement du 26 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".
3. Pour justifier la réalité et la gravité de la menace à l'ordre public que constitue la présence en France de M. A... à l'origine de la décision en litige, le préfet de police a retenu qu'il s'était rendu coupable de faits délictueux répétés sanctionnés par deux condamnations prononcées le 13 février 2017 et le 2 février 2022, l'intéressé ayant été condamné à une amende de 150 euros pour conduite d'un véhicule sans assurance et à une peine de trois ans d'emprisonnement dont un avec sursis pour détention, offre ou cession, acquisition, détention et transport de stupéfiants, détention et transport de marchandise dangereuse pour la santé (stupéfiant), fait réputé d'importation en contrebande et participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a rejoint sa mère sur le territoire français où il a été scolarisé à compter du mois de septembre 2000, soit depuis l'âge de six ans. Il a été mis en possession d'un document de circulation pour étranger mineur au mois de juillet 2003, régulièrement renouvelé jusqu'à sa majorité, puis a obtenu un titre de séjour sur le fondement des dispositions désormais codifiées à l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'au mois de février 2017, avant que M. A... n'obtienne une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " valable du 2 août 2017 au 1er août 2021 et renouvelée au cours de sa détention pour la période comprise entre le 15 avril 2022 et le 14 avril 2026. M. A... a suivi en France l'ensemble de sa scolarité et obtenu deux brevets d'études professionnelles en 2012 et 2013 en logistique et transport et en électrotechnique avant d'obtenir un baccalauréat dans cette même spécialité en 2014. Il a, parallèlement et postérieurement à ses études, exercé une activité professionnelle de chauffeur-livreur ou coursier, entre les mois de décembre 2012 et février 2013, au cours de la période des mois de novembre 2015 à juillet 2016, puis entre les mois de mai et octobre 2018. Il est constant que le père de M. A... est décédé en 2003, qu'il vit chez sa mère de nationalité française depuis son arrivée en France et que son frère et sa sœur résident régulièrement sur le territoire français sous couvert de cartes de séjour pluriannuelles. Il ressort par ailleurs du jugement du 13 avril 2022 prononçant sa détention à domicile sous surveillance électronique que l'ancrage dans la délinquance de M. A... apparaît relativement faible et que sa prise de conscience des faits pour lesquels il a été incarcéré, a été considéré comme étant de nature à réduire le risque de récidive d'un nouveau passage à l'acte. Il ressort de l'ensemble de ces circonstances que compte tenu de l'ancienneté et de l'intensité des liens familiaux dont il peut se prévaloir en France, des dates espacées dans le temps des actes délictueux dont il s'est rendu responsable et en dépit de la gravité des actes à l'origine de sa détention, en prononçant le retrait de la carte de séjour de M. A..., le préfet de police a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard de l'objectif d'ordre public poursuivi.
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police procède au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2226488 du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Soyez, président,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 12 janvier 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
J.-E. SOYEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02656