Vu la requête, enregistrée par télécopie le 30 août 2013 et régularisée le 4 septembre 2013, présentée pour la société du parc éolien (SOCPE) de Cermelles, dont le siège est Zone Aéroparc Saint Martin, 12 rue de Caulet, bâtiment A11 à Toulouse (31300), représentée par son dirigeant en exercice, par Me Cambus, avocat ;
La SOPCE de Cermelles demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1101916, 1102084, 1102085, 1102086 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé, à la demande de M. et MmeA..., quatre arrêtés du 28 septembre 2011 du préfet de la région Centre l'autorisant à construire un parc éolien constitué de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur la commune de Luçay-le-Libre ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme A...tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de ces derniers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 2015 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lebrun, avocat de la SOCPE de Cermelles et celles de Me Vielh, avocat de M. et Mme A...;
1. Considérant qu'à la suite de l'annulation par la cour, dans un arrêt n° 08BX02400 du 10 juin 2010, devenu définitif, de cinq permis de construire délivrés le 6 février 2007 à la SOCPE de Cermelles pour l'édification d'éoliennes sur le territoire de la commune de Luçay-le-Libre en raison de l'irrégularité de l'enquête publique intervenue en 2006, le préfet de la région Centre a délivré, après avoir organisé une nouvelle enquête publique, des permis de construire quatre éoliennes et deux postes de livraison sur cette même commune, par des arrêtés du 28 septembre 2011 ; que la SOCPE de Cermelles relève appel du jugement n°s 1101916, 1102084, 1102085, 1102086 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé ces quatre arrêtés, à la demande de M. et MmeA..., propriétaires voisins du projet ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, pour retenir le moyen tiré de ce que l'avis rendu par le commissaire-enquêteur ne répondait pas aux exigences des articles L. 123-10 et R. 123-22 du code de l'environnement, le tribunal administratif a cité ces dispositions et a relevé, en reprenant les considérations qualifiées de " générales " ayant conduit le commissaire-enquêteur à écarter les observations émises par le public concernant les risques en matière de pollution sonore et visuelle induits par le projet et à émettre un avis favorable sur celui-ci, qu'une telle motivation ne traduisait aucune analyse personnelle et ne comportait pas d'avis personnel circonstancié sur le projet ; que le tribunal, qui n'a pas, contrairement à ce que soutient la pétitionnaire, reproduit à l'identique la motivation retenue par la Cour en 2010, a ainsi suffisamment exposé les motifs de fait et de droit l'ayant amené à retenir le moyen tiré de l'insuffisante motivation des conclusions du commissaire-enquêteur ; que, par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité de ce fait ;
Sur la légalité des arrêtés :
3. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 553-2 du code de l'environnement, en vigueur lors de l'instruction des demandes de permis de construire déposées par la SOCPE de Cermelles : " L'implantation d'une ou plusieurs installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent dont la hauteur du mât dépasse 50 mètres est subordonnée à la réalisation préalable : a) de l'étude d'impact définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du présent code ; b) d'une enquête publique soumise aux prescriptions du chapitre III du titre II du livre Ier du présent code " ; qu'aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " Le rapport et les conclusions motivées du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont rendus publics. Le rapport doit faire état des contre-propositions qui ont été produites durant l'enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage, notamment aux demandes de communication de documents qui lui ont été adressées. " ; que l'article R. 123-22 du même code prévoit que : " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que le maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. (...) " ;
4. Considérant qu'il a été décidé, par arrêté préfectoral du 16 février 2011, de confier à une commission d'enquête les quatre enquêtes publiques conjointes préalables à la délivrance des permis de construire quatre parcs éoliens et cinq postes de livraison sur les communes de Fontenay, Giroux et Luçay-le-Libre, situées au sein de la Champagne berrichonne ; qu'afin de répartir l'étude de ces quatre projets, cette commission d'enquête a confié à chacun des commissaires-enquêteurs la composant le soin d'analyser les observations émises par le public sur l'un de ces projets, de l'analyser et d'émettre un avis sur celui-ci ; qu'ainsi, s'agissant du projet de parc éolien de Luçay-le-Libre, la commission d'enquête a rappelé brièvement, dans le rapport commun qu'elle a élaboré, les réponses succinctes aux observations du public qu'avait émises le commissaire- enquêteur désigné pour suivre l'enquête publique dans ce secteur, après les avoir regroupées par thème dans le cadre d'un document distinct ; que cependant, la commission d'enquête, dans son rapport qui seul a une valeur juridique, ne s'est pas référée à la motivation de l'avis émis par ce commissaire, contrairement à la manière dont elle a procédé s'agissant des autres projets d'éoliennes concernés par cette même enquête, pour lesquels elle a repris les avis motivés émis par les commissaires-enquêteurs ; que, dans ces conditions, en se bornant à conclure à un avis favorable, la commission d'enquête ne peut être regardée comme ayant émis un avis motivé conformément aux exigences de l'article R.123-22 du code de l'environnement ;
5. Considérant que, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
6. Considérant que l'irrégularité ainsi commise, résultant de l'absence d'avis motivé sur le projet d'implantation d'éoliennes sur le site de Luçay-le-Libre, a été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises par le préfet de la région Centre et a privé le public de la garantie qui s'attache à l'expression d'une position personnelle de la commission d'enquête ; que cette irrégularité a, par suite, vicié la légalité des arrêtés du 28 septembre 2011 faisant droit à ces demandes de permis de construire ;
7. Considérant en outre, qu'aux termes de l'article R.122-3 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 123-6 de ce code alors en vigueur : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces suivantes, qui peuvent être regroupées en tant que de besoin : / I. - Lorsque l'opération n'est pas soumise à décision d'autorisation ou d'approbation : (...) 8° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire, les avis émis par une autorité administrative sur le projet d'opération. /II. - Lorsque l'opération est soumise à décision d'autorisation ou d'approbation : (...) / 2° Les pièces visées aux 2°, 7° et 8° du I ci-dessus. " ; que selon l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. " ; qu'aux termes de l'article R.244-1 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction alors applicable : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. / Le silence gardé à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d'autorisation vaut accord. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les permis de construire des éoliennes tiennent lieu de l'autorisation spéciale prévue par l'article R.244-1 du code de l'aviation civile si les ministres chargés de l'aviation civile et de la défense ont donné leur accord tacite ou exprès au projet et que cet accord, ou les lettres de saisine de ces autorités en cas d'accord tacite, ont été annexés au dossier d'enquête publique ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que depuis la réalisation de l'étude d'impact de ce projet d'éoliennes en 2005, d'autres permis de construire des parcs éoliens ont été délivrés dans le même secteur, notamment un permis de construire dix-sept aérogénérateurs à Ménétréols sous Vatan en 2009 ; qu'en outre, le projet en litige ne porte plus que sur la réalisation de six éoliennes alors qu'il prévoyait initialement d'en édifier huit ; que compte tenu de ces changements, les époux A...sont fondés à soutenir que la délivrance des permis en litige aurait dû être précédée d'une mise à jour de l'étude d'impact dans le cadre d'une nouvelle instruction, au cours de laquelle auraient dû être consultés l'architecte des bâtiments de France, la direction générale de l'aviation civile et le ministre de la défense ; qu'en effet, si la direction régionale de l'aviation civile Nord a indiqué, dans une lettre datée du 22 avril 2004, que la commune de Luçay-le-Libre se situait hors des zones intéressées par des servitudes aéronautiques, cette lettre ne saurait être regardée comme un avis au sens des dispositions précitées dès lors qu'à la date à laquelle elle a été rédigée, ni le nombre ni le positionnement exact des éoliennes n'avait été arrêté ; que d'autre part, l'avis du ministre de la défense joint à l'étude d'impact et daté du 15 juillet 2004 n'évoque que le projet sur le territoire communal de Vatan et non celui de Luçay-Le-Libre ; que l'avis du 9 juin 2006 porte sur le parc éolien de Luçay-Le-Libre, auquel il émet un avis favorable, mais impose une nouvelle consultation en cas de changement du projet ; qu'eu égard aux changements précédemment indiqués, et en particulier à l'autorisation d'autres parcs éoliens dans le même secteur, la direction générale de l'aviation civile et le ministère de la défense auraient dû être consultés à nouveau ; qu'en application des dispositions précitées, les accords des ministres chargés de l'aviation civile et de la défense ne constituent pas de simples avis techniques mais des actes à défaut desquels l'autorité administrative ne peut légalement délivrer un permis de construire sans entacher sa décision d'un vice d'incompétence ; que le défaut d'avis ou de consultation de ces autorités constitue un vice substantiel ; que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, ce vice n'est pas régularisable ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCPE de Cermelles n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé les arrêtés du préfet de la région Centre du 28 septembre 2011 autorisant la construction de quatre éoliennes et deux postes de livraison sur la commune de Luçay-le-Libre ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la SOCPE de Cermelles une somme de 750 euros chacun à verser à M. et Mme A...en application de ces dispositions ;
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SOCPE de Cermelles sur leur fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCPE de Cermelles est rejetée.
Article 2 : L'Etat et la SOCPE de Cermelles verseront chacun une somme de 750 euros à M. et Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 13BX02501