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13/10/2020 | FRANCE | N°20BX01963

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 octobre 2020, 20BX01963


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 17 mai 2019 lui refusant le renouvellement d'un certificat de résidence d'algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1905986 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistré

es le 23 juin 2020 et le 14 septembre 2020 Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 17 mai 2019 lui refusant le renouvellement d'un certificat de résidence d'algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1905986 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 23 juin 2020 et le 14 septembre 2020 Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Haute-Garonne du 17 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- il est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- elle justifie du caractère réel et sérieux de ses études au sens de l'article III du Protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- ce refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale eu égard à l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le délai de départ aurait dû être prolongé compte tenu de la nécessité de se préparer pour elle en application de l'article 7-2 de la directive du 16 décembre 2008 ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par décision du 28 mai 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité algérienne, est entrée en France le 27 septembre 2010 sous couvert d'un visa de long séjour " mineur scolarisé " et a bénéficié de certificats de résidence algériens mention " étudiant " renouvelés jusqu'au 17 octobre 2018. Elle a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence algérien en qualité d'étudiant, le 17 octobre 2018. Le préfet de la Haute-Garonne a pris un arrêté en date du 17 mai 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des termes du jugement attaqué qu'il répond de façon suffisamment claire et précise aux moyens soulevés en première instance. Par suite, il est suffisamment motivé.

Sur le refus de délivrance d'un certificat de résidence :

3. La décision portant refus de titre de séjour vise les textes sur lesquels elle se fonde, notamment les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dont elle fait application. Elle énonce également les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de Mme D..., en particulier la date et les circonstances de son entrée en France, sa formation universitaire et relève, compte tenu des informations portées à la connaissance de l'administration, l'absence d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en cas d'éloignement. Le préfet de la Haute-Garonne qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de la requérante, a ainsi énoncé les circonstances de droit et de fait qui fondent la décision en litige. Par suite, le refus de titre de séjour est suffisamment motivé et révèle que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de la requérante.

4. En deuxième lieu, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord francoalgérien : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourse ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire" (...) ". Il résulte de ces stipulations que le renouvellement du certificat de résidence portant la mention " étudiant " est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il déclare poursuivre.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France en septembre 2010 munie d'un visa de long séjour portant la mention " mineur scolarisé ". Pour l'année universitaire 2010/2011, elle s'est inscrite en première année à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Paris, puis s'est réorientée vers une licence d'informatique à l'université de Toulouse, obtenue en 2015 soit après quatre années d'études. Elle a ensuite poursuivi un master 1 d'informatique sans obtenir ce diplôme malgré deux redoublements. En dernier lieu, au titre de l'année universitaire 2018/2019, elle s'est réorientée vers une première année de licence de gestion. Ainsi elle ne justifie de l'obtention d'aucun diplôme depuis sa licence d'informatique obtenue en 2015 et ne justifie pas sérieusement de la cohérence de son choix de réorientation vers un cursus en gestion, au demeurant inférieur à son niveau d'étude, au titre de l'année 2018/2019. Par ailleurs, si elle se prévaut de son état de santé en indiquant qu'elle est atteinte d'hypothyroïdie, d'anémie chronique et de troubles anxio-dépressifs et établit avoir été hospitalisée ou s'être rendue dans un service d'urgences médicales à sept reprises entre 2012 et 2015, ses pathologies ne permettent pas à elles-seules, de justifier de l'absence d'obtention d'un diplôme depuis quatre ans. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

7. Mme D... est entrée en France en 2010, à l'âge de 17 ans, et a été autorisée à y séjourner pour suivre des études. Elle est célibataire et sans enfant. Il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches en Algérie où résident a minima ses parents. Dans ces conditions quand bien même elle a noué des liens amicaux en France, en refusant de renouveler le certificat de résidence de la requérante, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le refus de certificat de résidence qui lui a été opposé ne peut pas non plus être regardé comme méconnaissant les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Dans ces circonstances, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, l'appelante reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée sans critiquer la réponse des premiers juges. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

10. En troisième lieu, dans les circonstances exposées au point 7 du présent arrêt, la décision d'obligation de quitter le territoire ne peut être regardée ni comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelante au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation.

Sur la décision lui accordant un délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) ". Ces dispositions n'imposent pas au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours et que l'étranger n'a pas présenté, comme c'est le cas en l'espèce, de demande afin d'obtenir un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative au " départ volontaire " : " 1° La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2° Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) ". En vertu de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ".

13. L'appelante ne saurait se prévaloir directement de la méconnaissance de l'article 7.2 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée, qui a fait l'objet d'une transposition en droit interne par les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, à supposer que l'appelante puisse être regardée comme invoquant la méconnaissance par le préfet des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code, elle se borne à faire valoir qu'elle ne pourra terminer son année universitaire en cours et qu'elle vit en France depuis plus de 9 ans, et ces circonstances ne sont pas de nature à traduire une erreur manifeste d'appréciation de la part du préfet à ne pas avoir accordé à l'intéressée un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, ce refus d'un délai supérieur à trente jours n'a pas davantage été décidé en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

14. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

Le rapporteur,

Caroline C...

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX01963


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01963
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : DERKAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-13;20bx01963 ?
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