Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 28 656 euros.
Par un jugement n° 1604614 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 février 2018 et 4 juillet 2019, M. et Mme D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 décembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 28 656 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'article 44 octies du code général des impôts retient l'implantation en zone franche urbaine (ZFU) au regard de l'activité qui y est exercée, sans considération du titre d'occupation du contribuable exerçant son activité dans cette implantation ;
- il n'est pas contesté que M. D... disposait, pour la part sédentaire de son activité, d'un cabinet à sa disposition en ZFU, mis à sa seule disposition, sans partage avec quiconque pour l'exercice de ses consultations ; il ne disposait d'aucune autre implantation pour l'exercice de ses consultations ;
- la circonstance que l'implantation soit rattachée en premier lieu, à la SCM et seulement indirectement au contribuable, est sans incidence dès lors que l'activité exercée par le contribuable et non par la SCM est bien implantée en ZFU ; en application de l'article 36 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 la SCM ne peut juridiquement exercer elle-même une activité ; la SCM qui sert seulement de relais pour la prise en charge des frais professionnels est transparente au regard de l'exercice professionnel et au plan fiscal ;
- le jugement ne pouvait se fonder sur l'absence de preuve de ce que 25 % au moins de ses recettes proviendraient d'une activité déployée dans le périmètre de la ZFU dès lors que l'administration ne lui a à aucun moment demandé d'apporter cette preuve alors en outre qu'ils produisent les relevés d'honoraires SNIF et relevés d'activité interne des années concernées faisant apparaître que les consultations ainsi que les visites auprès de patients résidant en ZFU représentent 38,80 % du chiffre d'affaires pour 2012, 30,19 % du chiffre d'affaires pour 2013 et 47,26 % du chiffre d'affaires pour 2014 ;
- en basant sa décision sur un motif totalement étranger à celui présenté par l'administration, le tribunal a procédé d'office à une substitution de motif sans les mettre à même d'apporter la preuve du contraire et a porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 juin 2019 et 23 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 octobre 2020 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour M. et Mme D... a été enregistré le 24 novembre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
- la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... exerce, la profession de médecin généraliste libéral, depuis le 10 décembre 2001, au sein de la société civile de moyens (SCM) " SOS Médecins Rive droite ", implantée dans la zone franche urbaine de Cenon et dont il détient 20 parts. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur les bénéfices non commerciaux des années 2012, 2013 et 2014, à l'issue de laquelle l'administration a, par une proposition de rectification du 18 novembre 2015, remis en cause, pour la période considérée, le bénéfice du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts en faveur des contribuables créant ou exerçant une activité dans une zone franche urbaine (ZFU). M. et Mme D... ont formé contre les suppléments d'impôt qui en ont résulté une réclamation qui a été rejetée le 18 janvier 2016. Ils relèvent appel du jugement du 13 décembre 2018, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 28 656 euros.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes des dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au I de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de la délimitation de la zone pour les contribuables qui y exercent déjà leur activité ou, dans le cas contraire, celui de leur début d'activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 40 %,60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. Cependant pour les entreprises de moins de cinq salariés, ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 40 %,60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. (...) / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais exercée en tout ou partie en dehors des zones franches urbaines, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein, ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. (...) / V-. Les dispositions des I à IV sont applicables aux contribuables qui créent des activités entre le 1er janvier 2002 et la date de publication de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances dans les zones franches urbaines visées au premier alinéa du I. Toutefois, pour les contribuables qui créent des activités dans ces zones en 2002, le point de départ de la période d'application des allégements est fixé au 1er janvier 2003. / L'exonération ne s'applique pas aux contribuables qui créent une activité dans le cadre d'un transfert, d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes exercées dans les zones franches urbaines ou qui reprennent de telles activités, sauf pour la durée restant à courir, si l'activité reprise ou transférée bénéficie ou a bénéficié du régime d'exonération prévu au présent article. (...). ".
3. Il résulte de l'instruction que l'activité de M. D... comporte, d'une part, la réalisation de consultations en cabinet, selon un système de garde auquel participent les autres médecins associés, d'autre part, de nombreuses visites de patients à domicile. Par suite, l'activité du requérant présente un caractère non sédentaire au sens des dispositions précitées de l'article 44 octies du code général des impôts. L'intéressé peut se prévaloir du dispositif fiscal de faveur prévu par les dispositions précitées, sous réserve de justifier, d'une part, que son activité était réellement implantée dans une zone franche urbaine et, d'autre part, qu'il employait au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent ou qu'il réalisait au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans une telle zone.
4. M. D... exerce son activité professionnelle de médecin généraliste dans le cadre de la SCM " SOS Médecins Rive droite " dont les locaux sont situés au 19 avenue Georges Clémenceau à Cenon (33150) dans l'une des ZFU définies par la loi du 4 février 1995 et dont la liste figure en annexe à la loi du 14 novembre 1996. Ces locaux comportent un cabinet de consultation loué par la SCM " SOS Médecins Rive droite " laquelle emploie une personne à temps plein, chargée de diverses tâches administratives. M. D... soutient sans être valablement contredit, disposer d'une implantation matérielle et de moyens d'exploitation propres et notamment d'un cabinet individuel, meublé et équipé, sans partage avec les autres médecins pour l'exercice de son activité au sein des locaux mis à sa disposition par la SCM et que toute la partie administrative de son activité comportant notamment les correspondances, les liaisons avec les administrations et les organismes de santé ainsi que l'établissement des plannings, était gérée dans les locaux situés en ZFU. Par conséquent, et alors même que son activité était exercée dans le cadre d'une société civile de moyens et qu'il était par ailleurs associé d'une autre SCM chargée de la gestion des appels téléphoniques, M. D... doit être regardé comme justifiant d'une implantation réelle de son activité en zone franche urbaine. Il résulte également de l'instruction, et notamment de l'analyse du relevé des honoraires du requérant, issu du Système National Inter Régime (SNIR), que M. D... a réalisé, au titre de l'année 2012, en zone franche urbaine, 38,8% de son chiffre d'affaires, qu'il s'agisse de consultations sur place en cabinet ou de consultations à domicile chez des patients résidant en zone franche urbaine, que la part de son chiffres d'affaires en ZFU s'élève 39,19 % pour l'année 2013 et à 47,36 % pour l'année 2014. Au regard de ces éléments, la condition tendant à la réalisation d'au moins 25 % du chiffre d'affaires auprès de clients situés dans la zone franche urbaine est satisfaite, ce que ne conteste pas l'administration. Dès lors, c'est à tort que l'administration fiscale a estimé que M. D... n'était pas éligible à l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts.
5. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la substitution de motif demandée par l'administration en première instance.
6. Aux termes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la Cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction. ". Il en résulte que l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, à condition qu'une telle substitution n'ait pas pour effet de priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues par les textes.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que M. D... qui a créé son activité en zone urbaine franche en 2001 remplissait à titre personnel les conditions d'implantation requises par l'article 44 octies du code général des impôts pour prétendre au bénéfice de l'exonération prévue par ces dispositions. Si devant le tribunal administratif, l'administration a invoqué un nouveau motif tiré de ce qu'en application du V du même article, M. D... ne pouvait bénéficier de l'exonération au-delà du terme du cinquante-neuvième mois suivant le début de l'activité dans la zone, toutefois, les dispositions du V de l'article 44 octies du code général des impôts, qui sont applicables aux contribuables qui créent des activités entre le 1er janvier 2002 et le 2 avril 2006, ne lui étaient pas applicables. Il ne résulte pas de l'instruction que la modification de la domiciliation de la SCM à deux reprises à l'intérieur de la même ZFU le 1er février 2006 puis le 11 janvier 2013, aurait constitué un transfert ou une restructuration d'une activité préexistante au sens du V de ces dispositions. Par suite, l'administration n'est pas fondée à soutenir que ce motif pouvait régulièrement fonder la remise en cause de la réduction d'impôt pratiquée par M. D....
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme D... sont fondés à demander la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de M. et Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1604614 du 13 décembre 2018 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : M. et Mme D... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 2013 et 2014, pour un montant total de 28 656 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 1erdécembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,
Rendu public par mise à la disposition du greffe le 15 décembre 2020.
La présidente,
Elisabeth B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00476