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16/02/2021 | FRANCE | N°19BX00320

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2021, 19BX00320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement Agricole d'Exploitation en Commune (GAEC) Viguié a demandé le 21 décembre 2016 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Bozouls a délivré à M. A... et Mme B... un permis de construire autorisant la transformation de locaux annexes en habitation et la rénovation d'une habitation existante sur les parcelles cadastrées G 50 et 52, situées sur le territoire communal au lieu-dit Coudournac.

Par un jugement n° 160575

7 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement Agricole d'Exploitation en Commune (GAEC) Viguié a demandé le 21 décembre 2016 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Bozouls a délivré à M. A... et Mme B... un permis de construire autorisant la transformation de locaux annexes en habitation et la rénovation d'une habitation existante sur les parcelles cadastrées G 50 et 52, situées sur le territoire communal au lieu-dit Coudournac.

Par un jugement n° 1605757 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 22 janvier et 5 février 2019, et 18 décembre 2020 le GAEC Viguié, représenté par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Bozouls a délivré à M. A... et Mme B... un permis de construire portant sur la transformation de locaux annexes en habitation et la rénovation d'une habitation existante sur les parcelles cadastrées G 50 et 52, situées sur le territoire communal au lieu-dit Coudournac ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bozouls une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il ne rapportait pas la preuve de son intérêt à agir dès lors qu'il justifie d'un intérêt suffisant à agir en sa qualité de voisin immédiat, d'ailleurs reconnue par le tribunal, qui exploite une installation classée pour la protection de l'environnement ; la transformation du bâtiment en habitation va impacter les conditions d'exploitation de son activité ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de forme substantiel dès lors qu'il ne mentionne pas l'obligation pour le demandeur de respecter l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation concernant les nuisances agricoles contrairement à ce qu'indique l'avis de la chambre d'agriculture de l'Aveyron ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural ; l'extension autorisée n'est pas située à une distance suffisante de leur exploitation puisqu'elle est implantée à moins de 100 mètres du hangar de stabulation ; son exploitation d'élevage de 80 vaches laitières est autorisée depuis le 25 juin 1999.

La requête a été communiquée à la commune de Bozouls qui, malgré les demandes qui lui ont été adressées par le greffe, n'a pas régularisé par avocat le mémoire présenté par elle devant la cour.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques nos 2101-1, 2101-2, 2101-3, 2102 et 2111 ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... G...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me I..., représentant le GAEC Viguié.

Une note en délibéré présentée par Me I... a été enregistrée le 25 janvier 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 juillet 2016, le maire de Bozouls a délivré à M. A... et Mme B... un permis de construire concernant la transformation d'une annexe en habitation et la rénovation d'une habitation existante sur les parcelles cadastrées G 50 et 52, situées sur le territoire communal au lieu-dit " Coudournac ". Le 26 septembre 2016, le GAEC Viguié, qui exploite un élevage de 80 vaches laitières en stabulation et un stockage de paille et fourrage sur la parcelle voisine de ce projet, a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, implicitement rejeté par le maire. Le GAEC Viguié relève appel du jugement en date du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. D'autre part, en application de 2.1 de l'annexe I de l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques nos 2101-1, 2101-2, 2101-3, 2102 et 2111 : " Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à une distance minimale de : 100 mètres des habitations ou locaux habituellement occupés par des tiers (à l'exception des logements occupés par des personnels de l'installation, des hébergements et locations dont l'exploitant a la jouissance et des logements occupés par les anciens exploitants) (...) ".

5. Dans sa demande de première instance comme en appel, pour justifier de son intérêt pour agir à l'encontre du permis délivré, le GAEC Viguié expose que le projet de rénovation et d'extension d'une maison à usage d'habitation située à moins de 100 mètres des bâtiments au sein desquels il exploite une stabulation abritant 80 bovins, qui constitue une installation classée pour la protection de l'environnement va nécessairement impacter son exploitation.

6. Il ressort des pièces du dossier que la maison à usage d'habitation rénovée est située, à son point le plus proche, à environ 75 mètres des installations du groupement requérant et que l'agrandissement de cette maison, par le changement de destination et l'aménagement d'un bâtiment annexe situé entre cette maison et les bâtiments de stabulation, aura pour effet de placer son point le plus proche à environ 65 mètres de ces bâtiments. Le GAEC Viguié est donc fondé à soutenir que, compte tenu des prescriptions lui imposant de placer toute nouvelle installation à plus de 100 mètres d'une maison à usage d'habitation, le changement de destination de cette annexe aura nécessairement pour effet d'aggraver les servitudes pesant sur son exploitation et, par voie de conséquence, les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Par suite, c'est à tort que le tribunal, qui a admis que l'exploitation agricole était située à proximité immédiate du projet, a considéré qu'il ne justifiait pas d'un intérêt pour agir et a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement en date du 13 novembre 2018 doit, dès lors, être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le GAEC Viguié devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 juillet 2016 :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. ". Aux termes de l'article R. 431-8 de ce code : " " Le projet architectural comprend une notice précisant : c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 dudit code : " Le projet architectural comprend également : c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. "

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, ne serait susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire comportait notamment une notice descriptive précisant que " les toitures seront entièrement reprises et légèrement rehaussées, pour recevoir l'isolation sur la volige existante " et que " les murs seront repris en pierre apparentes rejointoyées " ainsi que trois documents graphiques permettant d'apprécier l'insertion du bâtiment dans l'environnement et son impact visuel. D'une part, si la notice descriptive ne précise effectivement pas la couleur des façades et les matériaux utilisés pour la toiture, le maire de Bozouls a pu déterminer sans difficulté l'aspect extérieur de la construction à partir des trois documents graphiques produits. D'autre part, compte tenu de la nature du projet autorisé, à savoir la rénovation d'un bâtiment existant et son agrandissement par le changement de destination d'un bâtiment adjacent, et de l'absence de modification majeure de l'apparence globale des constructions par rapport aux bâtiments existants, l'absence de document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement lointain n'a pas non plus été de nature à fausser l'appréciation portée par le maire sur la conformité du projet à la règlementation applicable. Le moyen tiré de l'incomplétude de la demande de permis de construire doit donc être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. (...) ".

12. Il résulte de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, pour l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. S'il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature, les dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime exemptent expressément les opérations d'extension de constructions existantes du respect de ces règles de distance. Compte tenu de l'objet du projet autorisé, soit l'extension d'une maison à usage d'habitation par le changement de destination et la rénovation d'un bâtiment annexe contigu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 2.1 de l'annexe I de l'arrêté du 27 décembre 2013 doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article Ncd 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable : " Occupations et utilisations de sol soumises a conditions particulières - En zone Ncd, sont autorisées sous conditions : (...) - Les opérations, d'aménagement, d'entretien, et de changement de destination des constructions existantes, dans la mesure où elles n'entraînent pas de gênes supplémentaires à l'activité agricole (...) ".

14. Si le GAEC Viguié est fondé à soutenir que l'extension prévue de la maison d'habitation va nécessairement déplacer d'une dizaine de mètres au sein de sa propriété le périmètre de cent mètres prévu par les prescriptions générales qui lui sont applicables, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, ainsi que l'a retenu la chambre d'agriculture dans un avis du 10 décembre 2015, que ce nouveau périmètre apportera une gêne supplémentaire à son activité. Le moyen doit donc être écarté.

15. En dernier lieu, les dispositions de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation sont relatives à la responsabilité et à l'indemnisation en cas de troubles de voisinage et ne font pas partie des dispositions à prendre en compte pour la délivrance d'un permis de construire. Le moyen tiré de ce que le permis contesté ne mentionne pas l'obligation pour le pétitionnaire de les respecter est donc inopérant.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC Viguié n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Bozouls en date du 28 juillet 2016. Ses conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1605757 en date du 13 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le GAEC Viguié devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Viguié, à la commune de Bozouls, à M. F... A... et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... D..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. H... G..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

La présidente,

Evelyne D...

La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00320
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Champ d'application de la législation - Indépendance à l'égard d'autres législations.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Diverses dispositions législatives ou réglementaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET VFT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-16;19bx00320 ?
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