Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré a refusé d'abroger le règlement intérieur de l'établissement en tant qu'il prévoit une période d'enfermement nocturne supérieure à douze heures.
Par un jugement n° 1702377 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à sa demande, a enjoint au chef d'établissement de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré de modifier le règlement intérieur pour limiter à douze heures la durée d'enfermement nocturne dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par mois, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'administration admettait une durée d'enfermement nocturne supérieure à douze heures alors que les portes des cellules ne sont fermées, conformément au règlement intérieur, que de 19h30 à 7h quand bien même les détenus sont invités à regagner leur cellule à compter de 18h30 pour la distribution du repas et dès lors qu'il leur est possible, sur demande, de se rendre à un endroit précis de la détention entre 18h30 et 19h30.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2020, M. D..., représenté par la AARPI Themis conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par la garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé ;
- le règlement intérieur méconnaît l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale en ce qu'il prévoit une durée d'enfermement nocturne qui excède douze heures ;
- la possibilité pour le directeur d'un établissement pénitentiaire d'adapter le règlement intérieur, prévue par l'article R. 57-6-19 du code de procédure pénale, est conditionnée par la nécessité d'une telle adaptation au vu des spécificités de l'établissement et à une consultation des personnels de l'établissement, conditions non satisfaites en l'espèce.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 1er juin 2017, M. D..., détenu à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, a adressé au directeur de cet établissement une demande tendant à l'abrogation partielle du règlement intérieur en tant qu'il prévoit un enfermement nocturne en cellule des personnes détenues d'une durée supérieure à douze heures. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande. Par un jugement du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, enjoint au chef d'établissement de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré de modifier le règlement intérieur pour limiter à douze heures la durée d'enfermement nocturne dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par mois, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. La garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " Le règlement intérieur type pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires, comprenant des dispositions communes et des dispositions spécifiques à chaque catégorie, est annexé au présent titre. / Le chef d'établissement adapte le règlement intérieur type applicable à la catégorie dont relève l'établissement qu'il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier. Il recueille l'avis des personnels. " Aux termes de l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " (...) La durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule la nuit ne peut excéder douze heures. (...) ".
3. Pour annuler la décision contestée, les premiers juges ont retenu que la durée maximale d'enfermement de nuit de douze heures mentionnée à l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires n'était pas respectée à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des emplois du temps des quartiers " Citadelle " et " Caserne " de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, et des explications non contestées de la ministre de la justice, que les détenus sont invités à regagner leur cellule à 18h30, heure à laquelle l'ensemble des activités s'achèvent, à l'exception de la promenade dans le quartier Caserne dont le retour est prévu au plus tard à 18h40. Une première fermeture des cellules est réalisée le soir, au retour des personnes détenues, par les surveillants de l'équipe de jour. Les cellules sont ensuite momentanément rouvertes pour la distribution des repas à 19h. Entre 18h30 et 19h30, les détenus peuvent solliciter du surveillant d'étage, bien que pour des motifs limités et afin de se rendre à un endroit précis de la détention, la réouverture de leur cellule. Ce n'est qu'à compter de 19h30, heure à laquelle débute le service de nuit, que l'ouverture des portes n'est plus possible, sauf urgence et sur ordre d'un membre du personnel d'encadrement, jusqu'au lendemain matin où les cellules sont rouvertes par l'équipe de jour à 7h. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir, ainsi que le soutient la ministre de la justice, que la période d'enfermement nocturne débute à 19h30 et s'achève à 7h. Elle n'excède donc pas une durée de douze heures et ne méconnait pas, par suite, les dispositions précitées du code de procédure pénale. La garde des sceaux, ministre de la justice est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli un tel moyen.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif et devant la cour.
6. Ainsi qu'il vient d'être exposé, la période d'enfermement nocturne à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré n'excède pas douze heures. Par suite, M. D... ne saurait utilement soutenir que la décision litigieuse serait illégale faute pour le directeur de cet établissement, d'une part, de justifier des spécificités lui permettant de déroger à la règle fixée par l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale et, d'autre part, d'avoir consulté le personnel de l'établissement préalablement à une adaptation du règlement intérieur.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision implicite par laquelle le directeur de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré a refusé d'abroger partiellement le règlement intérieur de cet établissement, lui a enjoint de modifier ce règlement et a mis à la charge de l'Etat une somme au bénéfice de l'avocat de M. D....
8. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. D... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702377 du 24 janvier 2019 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Poitiers ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. C... D... et à la AARPI Themis.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme A... B..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 avril 2021.
La présidente,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01285