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19/10/2021 | FRANCE | N°19BX03464

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 19BX03464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Jean-Baptiste Audy a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes du 7 avril 2017 par lequel le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 263 056,53 euros correspondant à une aide indûment perçue, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux contre ce titre de recettes et de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme

de 77 765,20 euros au titre de l'aide lui restant due.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Jean-Baptiste Audy a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes du 7 avril 2017 par lequel le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 263 056,53 euros correspondant à une aide indûment perçue, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux contre ce titre de recettes et de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 77 765,20 euros au titre de l'aide lui restant due.

Par un jugement n° 1704466 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions, déchargé la SAS Jean-Baptiste Audy de l'obligation de payer la somme de 263 056,53 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2019, un mémoire enregistré le 12 février 2021, un mémoire non communiqué enregistré le 6 avril 2021 et un mémoire en production de pièces non communiqué enregistré le 12 avril 2021, l'établissement FranceAgriMer, représenté par Me Alibert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande de la SAS Jean-Baptiste Audy ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Jean-Baptiste Audy la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, il ne vise pas les moyens de FranceAgriMer ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la demande de reversement était entachée d'erreur de droit en ce que le directeur général de FranceAgriMer a ajouté une nouvelle condition d'attribution de l'aide non prévue par les textes en prévoyant que les travaux devaient être réalisés dans un délai de deux ans ; les États membres sont compétents pour définir les conditions concrètes de mise en œuvre des programmes nationaux, au nombre desquelles peut figurer un délai de réalisation des investissements dès lors qu'un tel délai n'apparaît nullement incompatible avec la réglementation communautaire ou de nature, au regard de sa durée par exemple, à rendre impossible l'application des textes communautaires ; le directeur de FranceAgriMer est ainsi habilité à fixer un délai en application de l'article 103 decies et duovicies du règlement (CE) n° 1234/2007 et de l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 ; ce délai a été régulièrement fixé par une circulaire n° 2009-07 du 26 mai 2009, puis par la décision FILIERES/SEM/D 2010-05 du 17 février 2010 ; dès lors que FranceAgriMer avait la qualité d'organisme payeur, au sens du règlement (CE) n° 1209/2005 du Conseil du 21 juin 2005, son directeur avait, en vertu des dispositions de l'article R. 621-27 du code rural et de la pêche maritime, compétence pour fixer la condition litigieuse ;

- en tout état de cause, le dépassement de ce délai n'est pas le seul motif de la demande de reversement ; la décision du 7 avril 2017 est également fondée sur la présentation de faux documents, pour un montant de dépenses inéligibles de 304 957,42 euros et, en conséquence d'une aide indue de 121 982,97 euros, auquel il convient d'ajouter la " sanction intentionnelle " de 24 396,59 euros ; de même, la présentation de dépenses non éligibles (goudronnage de la cour) a été constatée à hauteur de 26 449,50 euros HT ; enfin, il a également été relevé des avoirs non déduits pour un montant de 4 217,55 euros HT ;

- par la voie de l'effet dévolutif, les autres moyens soulevés par la société doivent être écartés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er décembre 2019 et 23 mars 2021, la SAS Jean-Baptiste Audy, représentée par Me Borgia, conclut au rejet de la requête et à ce que FranceAgriMer soit condamnée à lui verser la somme de 77 765, 20 euros au titre du solde de l'aide, et que soit mise à la charge de l'Etablissement FranceAgriMer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement est régulier ;

- le motif d'annulation est fondé ;

- la circulaire du 26 mai 2009 et la décision du 17 février 2010 sont illégales, dans la mesure où le directeur général de FranceAgriMer n'a pas compétence pour restreindre les investissements éligibles ou pour fixer un délai de réalisation des travaux ;

- l'article 103 duovicies du règlement (CE) n° 1234/207 du 22 octobre 2007 portant organisation commune du marché dans le secteur agricole a pour objet de fixer les seules dépenses non éligibles mentionnées précisément et limitativement à l'article 71, paragraphe 3, points a), b) et c) du règlement (CE) n°1698/2005 ;

- le délai de réalisation des travaux qui ne figure pas dans la décision accordant la subvention ne pouvait légalement lui être opposé ;

- l'espace extérieur utilisé pour l'embouteillage à l'aide d'équipements itinérants, et ses réseaux reliés à la cuverie, pour permettre les mises en bouteilles sont éligibles à l'aide ;

- les factures de ses fournisseurs sont de nature à révéler que les travaux envisagés ont été réalisés dans le délai imparti ; le rapport établi le 24 juillet 2013 après un premier contrôle révèle qu'elle n'a commis aucun manquement ; la décision remet en cause un droit acquis ;

- elle a demandé et obtenu, par un courrier de FranceAgriMer du 1er juin 2012, la prorogation du délai de deux ans; ce constat est corroboré par un responsable du dossier qui dit qu'elle est " bénéficiaire notifiée d'une date de fin de travaux postérieure au 1er janvier 2013 " ;

- la décision de retrait de l'aide, qui est tardive, méconnait l'article 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il n'y a pas d'écart entre le montant de l'aide établi sur la demande de paiement et le montant de l'aide calculé après contrôle de cette demande ;

- l'arrêt du Conseil d'État du 12 octobre 2020 dont se prévaut la requérante n'est pas transposable ;

- FranceAgriMer ne pouvait légalement se fonder sur l'article 8 bis de l'arrêté du 17 avril 2009 pour opérer une réfaction car les dépenses éligibles ne sont pas inférieures au montant indiqué aux justificatifs ; il n'y a ni " sous-réalisation de dépenses de plus de 20% ", ni " surdéclaration intentionnelle " et la demande de paiement fut transmise dans les délais ;

- les agents de la mission " contrôle des opérations dans le secteur agricole " n'étaient pas compétents pour exercer le contrôle.

Par une ordonnance du 25 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 avril 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 ;

- le règlement (CE) n° 1234/207 du 22 octobre 2007 ;

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 ;

- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté des ministres de l'agriculture et de la pêche et du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- l'arrêté du 7 février 2012 portant suppression d'un service à compétence nationale et création de la mission " contrôle des opérations dans le secteur agricole " du service du contrôle général économique et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Capdebos, représentant l'Etablissement FranceAgriMer

- et les observations de Me Borgia, représentant la SAS Jean-Baptiste Audy.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Jean-Baptiste Audy a déposé, le 13 novembre 2009, une demande d'aide à l'investissement vitivinicole au titre du fonds européen agricole de garantie (FEAGA), dont FranceAgriMer a accusé réception le 18 novembre 2009, pour la réhabilitation d'un cuvier et d'un chai de stockage. Cet accusé de réception valait autorisation de démarrer les travaux à compter du 19 novembre 2009. Par une décision du 13 décembre 2010, réceptionnée le 16 décembre 2010, FranceAgriMer a attribué à la SAS Jean-Baptiste Audy une aide de 433 869,48 euros correspondant à 1 084 673,71 euros de dépenses éligibles. La SAS Jean-Baptiste Audy a bénéficié du versement d'une avance de 216 934,74 euros le 29 septembre 2011 puis, à l'issue d'un contrôle sur place dont le rapport a été établi le 24 juillet 2013, du versement du solde d'un montant de 139 169,54 euros le 26 août 2013. Toutefois, à la suite d'un nouveau contrôle sur place ayant eu lieu du 26 au 28 juin 2015, dont le rapport a été établi le 17 août 2015, et d'une procédure contradictoire, le directeur général de FranceAgriMer, par une décision du 7 avril 2017 valant titre exécutoire, a demandé à la SAS Jean-Baptiste Audy de reverser la somme de 263 056,53 euros correspondant à 217 934,47 euros d'aide indûment perçue ainsi qu'à 20 725,47 euros et 24 396,59 euros de sanctions. L'établissement FranceAgriMer relève appel du jugement du 3 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de la SAS Jean-Baptiste Audy, le titre de recettes du 7 avril 2017, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux contre ce titre de recettes, a déchargé cette société de l'obligation de payer la somme de 263 056,53 euros et rejeté le surplus de sa demande. La SAS Jean-Baptiste Audy demande, pour sa part, à ce que l'établissement FranceAgriMer soit condamné à lui verser la somme de 77 765,20 euros au titre du solde de l'aide.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administration : " La décision [...] contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".

3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement que celui-ci comporte l'analyse des moyens des mémoires échangés entre les parties. La circonstance que cette analyse ne figurait pas dans l'expédition de ce jugement adressée à FranceAgriMer est sans effet sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. La décision du directeur général de FranceAgriMer du 7 avril 2017 qui a pour objet de tirer les conséquences du contrôle de l'aide versée à la SAS Jean-Baptiste Audy est justifiée par le fait que le délai impératif de réalisation des travaux dans les deux années suivant la date de notification de la décision d'octroi de l'aide prévue par la circulaire n° 2009-07 du 26 mai 2009 relative à la mise en place par FranceAgriMer de l'aide aux programmes d'investissements des entreprises, soit au plus tard le 13 décembre 2012, n'a pas été respecté. La somme totale remise en cause pour les travaux réalisés hors délais s'élève à 209 211,69 euros. Cette décision se fonde également sur la circonstance que l'opérateur a d'une part, présenté de faux documents, pour un montant de dépenses inéligibles de 304 957,42 euros, d'autre part a présenté des dépenses non éligibles (goudronnage de la cour) à hauteur de 26 449,50 euros et enfin n'a pas déduit des avoirs pour un montant de 4 217,55 euros.

5. D'une part, les aides au secteur vitivinicole financées par le FEAGA étaient régies, à la date des faits en litige, par les règlements (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 et n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et, en droit interne, par le décret du 16 février 2009 définissant, conformément au règlement n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008, les modalités de mise en œuvre des mesures retenues au titre du plan national d'aide au secteur vitivinicole financé par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2008, qui dispose, dans sa version alors en vigueur, à son article 1er, que le programme d'aide est mis en œuvre par FranceAgriMer et, à son article 2, que " des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et du budget précisent les conditions et les modalités d'attribution des aides ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 pris sur ce fondement : " La liste des investissements éligibles est fixée par la circulaire du directeur " de FranceAgriMer. L'article 6 du même arrêté définit plusieurs conditions et modalités de mise en œuvre de la mesure d'aide et dispose à son dernier alinéa que " l'ensemble des dispositions du présent article sont précisées par la circulaire du directeur " de FranceAgriMer.

6. D'autre part, le premier alinéa de l'article R. 621-4 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur, dispose que FranceAgriMer " peut être agréé comme organisme payeur au sens du règlement (CE) n° 1290 / 2005 du Conseil, par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et du budget ". Par un arrêté du 30 mars 2009, ces ministres ont agréé FranceAgriMer pour une durée d'un an comme organisme payeur de dépenses financées par les fonds de financement des dépenses agricoles, dont le FEAGA. Enfin, aux termes du douzième alinéa de l'article R. 621-27 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'exécution des missions d'organisme payeur, le directeur général prend, si nécessaire, les décisions visant à préciser les conditions de gestion et d'attribution des aides instaurées par les règlements communautaires, après avis du conseil spécialisé intéressé ou du conseil d'administration ".

7. Il ne résulte d'aucune disposition des règlements européens susmentionnés ni d'aucune autre disposition du droit de l'Union européenne ayant effet direct et applicable aux aides en cause que le bénéfice de ces aides serait subordonné à la réalisation des travaux dans un délai de deux ans. Aucune disposition du droit de l'Union ne faisait cependant obstacle à ce qu'une disposition en ce sens soit prise par les autorités françaises pour assurer l'application de ces règlements, dans le respect des règles de répartition des compétences applicables en droit interne.

8. Ainsi, dès lors que FranceAgriMer avait la qualité d'organisme payeur, son directeur avait, en vertu des dispositions de l'article R. 621-27 du code rural et de la pêche maritime citées ci-dessus, compétence pour fixer la condition litigieuse dans la circulaire n° 2009-07 du 26 mai 2009 puis dans la décision FILIERES/SEM/D 2010-05 du 17 février 2010.

9. Enfin, contrairement à ce que soutient la SAS Jean-Baptiste Audy, l'article 103 duovicies du règlement (CE) n° 1234/207 du 22 octobre 2007 portant organisation commune du marché dans le secteur agricole n'a pas pour objet de fixer les seules dépenses non éligibles mentionnées précisément et limitativement à l'article 71, paragraphe 3, points a), b) et c) du règlement (CE) n° 1698/2005. En effet, cet article se borne à prévoir, en son paragraphe 3, que " les dépenses éligibles excluent les éléments visés à l'article 71, paragraphe 3, points a), b) et c) du règlement (CE) n° 1698/2005 ", sans que ces dispositions ne puissent, pour autant, être interprétées comme fixant une liste limitative des dépenses non éligibles. Cette condition a d'ailleurs été rappelée dans la décision attribuant l'aide. Par ailleurs, ni le décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissement ni l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme ne font obstacle à ce que le directeur de FranceAgriMer ajoute la condition précitée.

10. Il résulte de ce qui précède, que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler le titre de recettes du 7 avril 2017 et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux, et décharger la SAS Jean-Baptiste Audy de la somme de 263 056,53 euros le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le directeur général de FranceAgriMer n'avait pu légalement fonder la récupération de l'aide accordée à la SAS Jean-Baptiste Audy sur la circonstance que celle-ci n'avait pas terminé les travaux de réalisation des investissements avant le 13 décembre 2012.

11. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Jean-Baptiste Audy devant le tribunal administratif et la cour à l'encontre de la décision du 7 avril 2017.

En ce qui concerne la procédure de recouvrement des aides :

12. En premier lieu, aux termes de l'article R. 622-46 du code rural, dans sa version applicable : " Des agents placés sous l'autorité du ministre chargé de l'économie contrôlent la réalité et la régularité des opérations faisant directement ou indirectement partie du système de financement par les fonds européens de financement de la politique agricole commune. Ils sont assermentés à cet effet dans les conditions prévues à l'article R. 622-47. Ce contrôle peut porter sur toutes opérations pour lesquelles la poursuite d'éventuelles irrégularités n'est pas prescrite en application des dispositions de l'article 3 du règlement (CE) du Conseil du 18 décembre 1995 susvisé. Il s'exerce auprès des bénéficiaires et des redevables des fonds communautaires. Des justifications peuvent être demandées à toute personne détenant des informations utiles au contrôle. " Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 7 février 2012 portant suppression d'un service à compétence nationale et création de la mission " contrôle des opérations dans le secteur agricole " du service du contrôle général économique et financier, les attributions ainsi définies par l'article R. 622-46 précité sont : " (...) II - Les attributions dévolues au service de contrôle de la régularité des opérations dans le secteur agricole sont reprises par le service du contrôle général économique et financier. ", et aux termes de l'article 2 de ce même arrêté : " Est créée au sein du service du contrôle général économique et financier une mission " contrôle des opérations dans le secteur agricole ", qui exerce les activités mentionnées au II de l'article 1er. "

13. Il résulte des dispositions précitées qu'à la date du contrôle, effectué du 26 au 28 juin 2015, les agents de la mission " contrôle des opérations dans le secteur agricole " qui ont procédé au contrôle étaient habilités à l'exercer. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de ce contrôle doit être écarté.

14. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 8 du présent arrêt, le directeur général de FranceAgriMer était compétent pour exclure des dépenses éligibles, le goudronnage de la cour servant à la réception des livraisons de vin en vrac et, au moins provisoirement, à 1'embouteillage. Ni l 'article 12 du décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissement, ni l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme ne font obstacle à ce que le directeur de FranceAgriMer exclut les dépenses précitées du régime de l'aide.

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision :

15. Aux termes des dispositions de l'article 97 du règlement (CE) n° 555/2008 : " tout paiement indu est recouvré, avec intérêts, auprès des bénéficiaires concernés.". Aux termes du paragraphe V- 5°/ de la décision du directeur général de FranceAgriMer n° FILIERES/SEM/D 2010-05 du 17 févier 2010 : " Les travaux prévus doivent être réalisés dans les 2 années suivant la date de notification de la décision d'octroi de l'aide, ou suivant la date de notification au bénéficiaire de la convention signée par FranceAgriMer, prorogeables d'une année sur demande justifiée du porteur de projet. ". Aux termes du paragraphe V- 7°/ de cette même décision : " Chaque versement est réalisé sur présentation : d'un tableau récapitulatif des factures signé du demandeur (...) des copies des factures certifiées acquittées par le fournisseur ou des copies des factures accompagnées d'un extrait de relevé de compte démontrant l'acquittement de la facture, ou bien encore des copies des factures accompagnées de l'état récapitulatif mentionné ci-dessus certifié conforme à la comptabilité par le commissaire aux comptes de l'entreprise ou par l'expert comptable, lorsque la réglementation n'impose pas l'obligation de la certification des comptes par un commissaire aux comptes. ". Aux termes du paragraphe V- 7°/ de cette même décision : " Un contrôle sur pièces et sur place est effectué par FranceAgriMer après réception de la demande de versement d'un acompte ou d'un solde d'aide, pour vérifier la réalisation des travaux et le montant des dépenses éligibles effectivement acquittées. L'assiette de l'aide est égale au montant de dépenses éligibles établi après contrôle. Des réfactions peuvent être effectuées comme indiqué ci-dessous : 1°/ Ecart après contrôle [...] 2°/ Sous réalisation des dépenses prévues de plus de 20 % [...] 3°/ Non-respect du délai de transmission de la demande de paiement [...] 4°/ Retard de dépôt des déclarations obligatoires de stocks ou de récolte et de production [...] 5°/ Contrôles a posteriori L'aide étant financée par des fonds d'origine communautaire, les services de l'Union européenne pourront procéder à des contrôles ultérieur ". Enfin, l'article 8 bis § 1 de l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 prévoit que " des réfactions sont effectuées sur le montant de l'aide si les dépenses éligibles retenues après contrôle sont inférieures au montant pour lequel des justificatifs ont été fournis ;- en cas de sous-réalisation des dépenses prévues de plus de 20 % ;- en cas de non-respect du délai de transmission de la demande de paiement ; - en cas de retard de dépôt des déclarations obligatoires de stocks ou de récolte et de production ".

16. En premier lieu, les décisions par lesquelles l'administration déclare éligible à l'aide financière communautaire un fonds opérationnel et agrée les dépenses prévisionnelles qui s'y rattachent ne sont susceptibles de créer un droit au versement de l'aide que dans la mesure où les bénéficiaires de celle-ci justifient avoir réalisé effectivement des actions conformes au programme agréé, dans le respect de l'ensemble des règles et procédures communautaires qui leur sont applicables. En application des dispositions précitées, FranceAgriMer pouvait légalement, contrairement à ce que soutient la société Jean-Baptiste Audy, remettre en cause l'aide déjà versée, après réalisation d'un contrôle sur place. C'est donc à tort que la requérante soutient que le retrait de l'aide serait tardif.

17. En deuxième lieu, dès lors que la condition tenant au délai de deux ans pour réaliser les travaux courant à compter de la notification de la décision d'aide a été fixée dans la décision FILIERES/SEM/D 2010-05 du 17 février 2010, que cette condition ainsi que les conséquences qui s'attachent à sa méconnaissance (réductions appliquées sur le montant de l'aide) ont été indiquées dans la décision attribuant l'aide et que le décompte de ce délai n'est encadré par aucune disposition législative ou réglementaire, c'est à tort que la requérante soutient que ce délai devrait être écarté en ce qu'il serait insuffisamment précis et non formalisé.

18. En troisième lieu, il ne ressort pas du courrier de FranceAgriMer du 1er juin 2012 dont se prévaut la société Jean-Baptiste Audy, qui se borne à mettre en garde tout opérateur sur les conséquences qui s'attachent au non-respect du délai de réalisation des travaux dans un délai de deux ans suivant la notification de l'aide précité, qu'une prorogation dudit délai aurait été accordée à la société. Cette dernière n'établit pas davantage qu'elle ait adressé à FranceAgriMer une demande de prorogation du délai de réalisation des travaux.

19. En quatrième lieu, la SAS Jean-Baptiste Audy remet en cause l'inéligibilité des aides à raison de la production de fausses factures. Toutefois, si les factures de ses fournisseurs Daney, Mazurie-Cotrabois, D2D, Bruneteau et Hexagone et de l'architecte P. Rigaud qu'elle produit sont, au moins pour partie, de nature à révéler que les travaux envisagés ont été réalisés, les factures présentées pour obtenir le paiement des acomptes et du solde n'en étaient pas moins, ainsi qu'il ressort des investigations conduites par la Mission de Contrôle de la régularité des Opérations dans le Secteur Agricole (M-COSA), des faux matériels soit parce qu'elles n'ont pas la même forme, et ne mentionnent ni le même montant, ni la même date que les factures authentiques, soit que ces factures n'existent pas chez les fournisseurs. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de la M-COSA que ces fausses factures, qui pour la plupart n'étaient que des devis, ont, de fait, été produites pour dissimuler la circonstance que les travaux relatifs à la charpente métallique du nouveau bâtiment n'ont démarré qu'à partir de janvier 2013 et que, les fournisseurs devant intervenir sur ce chantier postérieurement à la pose de la charpente métallique, n'ont pu le faire qu'après la date limite de réalisation, fixée au 13 décembre 2012. La société Jean-Baptiste Audy n'a d'ailleurs signé la déclaration d'achèvement des travaux que le 23 janvier 2015 et elle n'établit pas que les fournisseurs auraient modifié dans leur propre comptabilité, les numéros de factures des originaux. La circonstance que les travaux ont pris du retard à raison de la modification du projet qui a imposé la délivrance d'un permis de construire en cours de réalisation, et que la société aurait ignoré les conséquences de la méconnaissance des règles relatives à la mise en œuvre de l'aide aux programmes d'investissement est inopérante. Enfin, la société ne peut utilement se prévaloir du rapport établi le 24 juillet 2013 après un premier contrôle dès lors qu'il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire que la M-MOSA, ne peut régulièrement procéder à un deuxième contrôle. Au demeurant, il ressort des résultats de ce premier contrôle que les constatations faites lors de celui-ci l'ont été " sans préjudice d'investigations complémentaires qui pourraient être diligentées à l'avenir ".

20. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses de goudronnage de la cour, qui ont pour objet la " réfection de voirie ", ont été valorisées au poste " gros œuvre intérieur " et ne sont pas en lien direct avec la réhabilitation du cuvier et d'un chai de stockage. Si la société requérante fait valoir que ce parking sert à la réception des livraisons de vin en vrac, accueille des chaînes mobiles d'un prestataire d'embouteillage et que ses réseaux sont directement reliés à la cuverie, toutefois la décision n° FILIERES/SEM/D 2010-05 du 17 févier 2010 précitée indique que les " investissements matériels " effectués sur des " terrains " sont " non éligibles ". Il s'en suit que c'est à juste titre que FranceAgriMer a estimé que ces dépenses n'étaient pas éligibles.

21. En sixième lieu, il résulte des termes de l'article 8 bis § 1 de l'arrêté susvisé du 17 avril 2009 que des réfactions peuvent être effectuées sur le montant de l'aide si les dépenses éligibles retenues après contrôle sont inférieures au montant pour lequel des justificatifs ont été fournis. La société Jean-Baptiste Audy, qui se trouve dans cette situation, n'est donc pas fondée à soutenir que FranceAgriMer a fait une application erronée de ces dispositions.

22. En septième lieu, le détournement de procédure allégué n'est pas établi.

23. Il résulte de tout ce qui précède, que l'Etablissement FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre de recettes du 7 avril 2017 par lequel le directeur général de l'Etablissement FranceAgriMer a demandé à la SAS Jean-Baptiste Audy de reverser la somme de 263 056,53 euros correspondant à une aide indûment perçue, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux contre ce titre de recettes et a déchargé cette société de l'obligation de payer la somme de 263 056,53 euros. Il résulte également de ce qui précède que la SAS Jean-Baptiste Audy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 77 765, 20 euros au titre du solde de l'aide.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

24. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la SAS Jean-Baptiste Audy et non compris dans les dépens.

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Jean-Baptiste Audy une somme de 1 500 euros à verser à FranceAgriMer en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2019 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par la SAS Jean-Baptiste Audy devant le tribunal administratif de Bordeaux sont rejetées et la somme de 263 056,53 euros est remise à la charge de la SAS Jean-Baptiste Audy.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SAS Jean-Baptiste Audy est rejeté.

Article 4 : La SAS Jean-Baptiste Audy versera à l'Etablissement FranceAgriMer une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement FranceAgriMer et à la SAS Jean-Baptiste Audy.

Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

10

N°19BX03464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03464
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET BORGIA et CO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-19;19bx03464 ?
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