Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2100322 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021, Mme B... épouse C..., représentée par Me Roux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2020 du préfet de la Haute-Vienne ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à défaut de procéder, dans les mêmes conditions de délai, au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les deux sommes de 1 794 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation et de fait quant à sa santé ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2021, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2021 à 12h00.
Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et son préambule ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dominique Ferrari, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., ressortissante albanaise née le 6 septembre 1966, est entrée en France le 11 février 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 7 août 2018 et ce rejet a été confirmé par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 27 février 2019. Puis, Mme C... a obtenu un titre de séjour en qualité d'étrangère malade valable du 13 septembre 2019 au 12 septembre 2020. Cependant, par arrêté du 8 décembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 20 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme C..., sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Vienne, qui s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 16 novembre 2020, a considéré que Mme C... ne justifiait pas que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
5. Pour contredire la décision attaquée, Mme C... produit un certificat médical établi par un psychiatre le 23 décembre 2020 indiquant, que la requérante souffre d'un trouble anxiodépressif pour lequel elle a été hospitalisée en psychiatrie du 23 mai au 19 juin 2019 et que le " défaut de prise en charge psychiatrique avec prise en charge psychothérapeutique et pharmacologique pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, à savoir une aggravation de son état dépressif avec risque de passage à l'acte auto-agressif ". Toutefois, ce document, d'ailleurs établi postérieurement à la décision attaquée, ne saurait à lui seul remettre en cause l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de fait ou une erreur " manifeste " d'appréciation de sa situation.
6. En second lieu, aux termes du dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La Nation assure à 1 'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ". Aux termes de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " 1. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat. (....) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
7. Mme C... fait valoir qu'elle est depuis trois ans en France, où elle a fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Elle invoque à cet égard, la présence sur le territoire français de son époux, de son fils majeur, D..., qui est scolarisé en classe de terminale, ainsi que la présence sur le territoire national de ses parents et de son frère, qui sont tous en situation régulière. Cependant, il ressort des pièces du dossier que si Mme C... est entrée en France en 2018, la durée de son séjour a été rendu possible par l'instruction de sa demande d'asile et elle n'a ensuite bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étrangère malade que durant un an. Il n'est pas contesté que son époux fait lui aussi l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, si Mme C... se prévaut de la présence sur le territoire national de son fils, titulaire d'une carte de séjour en qualité d'étudiant, d'une part, ce titre de séjour ne confère pas vocation à son titulaire à rester sur le territoire français, et, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que le fils A... la requérante est scolarisé en internat et ne vit pas avec ses parents. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que Mme C..., qui ne se prévaut d'aucune intégration particulière sur le territoire français, n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, l'Albanie, où résident notamment ses deux filles et dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 51 ans. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis au sens des stipulations et dispositions citées au point 6 ci-dessus. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur " manifeste " d'appréciation de sa situation personnelle doit aussi être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi seraient entachées d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elles sont fondées doit être écarté.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 4 et 5, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En troisième lieu, alors que la demande d'asile de Mme C... a fait l'objet d'une décision de rejet par l'OFPRA, le 7 août 2018, et que ce rejet a été confirmé par décision de la CNDA du 27 février 2019, la requérante n'apporte pas d'élément probant de nature à établir qu'elle serait personnellement et actuellement exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 8 décembre 2020. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.
Le rapporteur,
Dominique Ferrari
La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
André Gauchon
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03063