Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 5 mai 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a assigné à résidence et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Par un jugement n° 2000690 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Hatchi, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 24 juin 2021 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 5 mai 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait qu'il a reconnu en 2017 un mineur haïtien ayant acquis la nationalité française en 2019, dans la vie duquel il s'est impliqué, notamment par des versements de sommes d'argent et des dépenses d'entretien ; c'est à tort que le tribunal a retenu sa reconnaissance de paternité tardive comme un critère d'exclusion du titre de séjour sollicité ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est arrivé en France en 1993, déclare ses impôts depuis 2002 et que le préfet ne démontre pas qu'il aurait quitté le territoire depuis ; il entretient des liens avec son enfant depuis plus de deux ans ; il a passé l'essentiel de sa vie loin de son pays d'origine ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 alinéa 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2022 le préfet de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun moyen soulevé n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/022021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 4 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Evelyne Balzamo a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant haïtien, est entré en France, selon ses déclarations, en 1993. Il a fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire français le 24 juillet 2003, puis d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière le 9 octobre 2009. Le 13 octobre 2009, il a déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a rejeté sa demande le 15 octobre 2009. Il a sollicité le 25 novembre 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 mai 2020, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a assigné à résidence et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. M. B... relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/022021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 4 novembre 2021. Par suite, les conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 611-3 alinéa 5 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
4. M. B... fait valoir qu'il est le père d'un enfant né le 20 novembre 2005, ressortissant haïtien ayant acquis la nationalité française par déclaration du 27 septembre 2019 du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre, et qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci depuis qu'il l'a reconnu par acte du 31 août 2017. Alors qu'il est constant que M. B... n'a jamais résidé avec son enfant et sa mère, il ne produit, au titre de sa participation effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant, que des factures, toutes établies au nom et à l'adresse de son fils, ainsi que des récépissés de versements d'espèces non nominatifs sur le livret A de son enfant, dont, au demeurant, deux seulement sont antérieurs à l'arrêté contesté. Les autres pièces produites ne sont, de même, pas de nature à établir que M. B... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, et ce depuis au moins deux ans. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement, commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait, en édictant l'obligation de quitter le territoire français contestée, méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Aux termes de l'article R. 313-21 du même code, alors en vigueur : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ".
7. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. B... fait valoir qu'il est entré sur le territoire français le 8 juillet 1993, à l'âge de dix-sept ans, et qu'il s'y est maintenu depuis. Toutefois, les pièces versées à l'appui de ses conclusions, constituées d'avis d'imposition sur les revenus, dont le plus ancien date de 2003 et concerne les revenus de 2002, et d'une attestation d'hébergement pour la période allant de 2015 à 2021, ne permettent aucunement d'établir tant l'ancienneté revendiquée que la continuité du séjour de l'intéressé en France. Par ailleurs, M. B... se prévaut de la présence sur le territoire de son enfant français, alors âgé de quinze ans au jour de l'arrêté contesté. Cependant, M. B... n'a reconnu sa paternité que près de douze ans après la naissance de son enfant, dont il dit ne pas avoir eu connaissance antérieurement, et ainsi qu'il résulte de ce qui a été exposé au point 4 du présent arrêt, il ne justifie pas avoir depuis noué des liens d'une particulière intensité avec lui. Enfin, le requérant ne justifie d'aucune insertion sur le territoire national. Dans ces conditions, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté, eu égard aux buts qu'elles poursuivent, une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le préfet de la Guadeloupe n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni n'a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Au regard de ce qui précède, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'un an ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par cette décision des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a assigné à résidence et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Doivent être rejetées par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. B....
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition le 5 avril 2022.
L'assesseur le plus ancien,
Nicolas NormandLa présidente-rapporteure,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03781