Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme F... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1802818 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2020 et un mémoire enregistré le 29 mars 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Lacombe, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 décembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité en ce que le service a insuffisamment répondu aux observations des acquéreurs concernant la prise en compte de termes de comparaison au regard d'un prix au m² habitable, méconnaissant de la sorte les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'avantage occulte n'est pas démontré ; la SCCV Estival a effectué la vente des lots immobiliers concernés dans des conditions de délai et de prix qui non seulement n'ont en rien préjudicié à ses intérêts mais au contraire lui ont permis de trouver rapidement un acquéreur et ce moyennant un prix supérieur au prix de revient total des éléments de construction en cause ; la vente effectuée à M. et Mme F... A... a permis de dégager une marge positive très significative (34 %) dans la mesure où le prix de vente au m² habitable est largement supérieur au prix de revient pour la société, ainsi que cela résulte du prix de revient détaillé ; les cessions immobilières effectuées par la SCCV Estival font partie d'un lot non éligible aux dispositifs fiscaux incitatifs et ont permis à la société de dégager des marges confortables ; le seul fait que ces cessions aient été réalisées au bénéfice de personnes en liens directs ou indirects, familiaux ou professionnels, avec la SCCV, ne constitue pas une preuve d'anormalité ; les cessions incriminées concernaient des lots bruts de finition justifiant une réduction du prix ; le jugement attaqué n'a que très partiellement pris en compte l'absence totale de frais de commercialisation des ventes immobilières en cause ; l'absence de commission à verser sur les ventes à l'associé-gérant de la SCCV Estival et à certains de ses proches, relations d'affaires ou salariés, légitime parfaitement et à lui seul, la réduction de prix apparente qui leur aurait été consentie compte tenu des taux de commissions pratiqués dans ce domaine (qui sont de l'ordre de 20 %) ; le service vérificateur a cru devoir calculer la valeur vénale des biens immobiliers ainsi cédés en retenant un prix au m² pondéré, alors que la SCCV applique une méthode de vente affichant un prix au m² habitable et ne tenant pas compte de l'éventuelle pondération de la surface des balcons et des terrasses de sorte que le comparatif doit impérativement s'effectuer au regard d'un prix au m² habitable ; le service prend en considération des m² de terrasse et balcons qui ne sont pas des surfaces privatives pour survaloriser les lots aliénés ; la méthodologie du service consistant à valoriser ces surfaces à hauteur de 50 % du prix du m² habitable, procède d'une inexacte appréciation des faits ; le prix de vente HT au m² habitable excède celui de Mme G... pour l'acquisition du lot 18, vente de référence sélectionnée pourtant par le vérificateur ; le raisonnement tenu dans le cadre de la cession aux époux C... devrait s'appliquer également aux cessions consenties à M et Mme F... A... ;
- les pénalités sont infondées ; l'existence d'une sous-évaluation ne suffit pas à établir, par elle-même, la mauvaise foi ; l'administration ne fait la démonstration ni d'une sous-évaluation manifeste ni de l'implication personnelle du bénéficiaire de la transaction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... E...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) JD Promotion, dont le siège social est situé à Toulouse, exerce une activité de promotion immobilière et détient des participations dans plusieurs sociétés civiles immobilières de construction vente pour lesquelles elle assure la gestion administrative et comptable ainsi que la gestion du programme immobilier. Elle est gérée par M. B... A... et détient 99,90 % de la société civile de construction vente Estival, également gérée par ce dernier. La société Estival qui a été créée pour réaliser une opération de construction-vente portant sur 121 logements à Toulouse, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 et 2010 en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011. A l'issue des opérations de vérification, le vérificateur a estimé que le prix de plusieurs cessions d'appartements acquis par des personnes en lien direct ou indirect avec la société Estival était minoré par rapport à leurs valeurs vénales réelles, situation constitutive d'un acte anormal de gestion. L'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 31 mai 2012, notifié à la société Estival des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011 et des rehaussements d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2010. Une seconde proposition de rectification adressée le 12 juillet 2012 lui a notifié des rehaussements d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux portant sur l'année 2011. La société civile immobilière (SCI) J.F.D Immo qui avait acquis le 20 décembre 2010 un appartement dans l'ensemble immobilier précité a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel le vérificateur a estimé que la minoration du prix de vente que lui avait accordée la société Estival constituait un avantage imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de M. F... A... pour la quote-part de ses droits dans la société. Par une proposition de rectification du 13 août 2012, des rehaussements d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010 et 2011, ainsi que les pénalités correspondantes, ont été notifiés à M. et Mme F... A.... M. et Mme F... A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 décembre 2019 ayant rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
3. A supposer même que les requérants soulèvent le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité en ce que le service a insuffisamment répondu à leurs observations concernant la prise en compte de termes de comparaison au regard d'un prix au m² habitable, il résulte de l'instruction qu'en leur répondant que la demande de prise en compte d'un prix au m² habitable qui aurait été celui de la SCI Estival lors de la phase de commercialisation, en lieu et place d'un prix au m² pondéré retenu par le service n'a pas été avancé par cette société lors de ses propres réponses aux propositions de rectifications n° 3924 du 31 mai 2012 et 2120 du 12 juillet 2012 adressées par le service et qui concernaient la même problématique, l'administration a suffisamment répondu aux observations formulées, sur ce point précis, par les requérants.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
5. En cas de cession par une société à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions, citées ci-dessus, du c de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
6. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a estimé que l'appartement de type T2 vendu en 2010 à la société J.F.D Immo, dont M. A... était associé, pour un prix de 110 368 euros avait été cédé à un prix inférieur au prix de vente moyen constaté pour l'ensemble des biens cédés dans l'ensemble immobilier construit par la SCCV Estival. Le service a réévalué le prix de cet appartement à 139 948 euros ce qui représente un écart entre le prix d'achat et la valeur vénale du bien de 30 %. L'administration a également estimé que cette cession réalisée au profit de personnes ou de sociétés en lien d'affaires avec le gérant de la société Estival ou avec cette société, à un prix largement inférieur à leur valeur vénale, était constitutive pour la société Estival d'une minoration de la production en cours étrangère à ses intérêts. Elle a ainsi regardé la différence de prix comme un revenu distribué au sens du 1 de l'article 109 et de l'article 111 c du code général des impôts, imposable au titre des années 2010 et 2011 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
7. En premier lieu, il résulte des constatations de fait précitées que l'écart de prix retenu par l'administration est substantiel. C'est à cet égard, sans portée utile que les requérants affirment que le produit de cette cession a dégagé une marge pour la SCCV Estival. Il en va de même de leur affirmation selon laquelle M et Mme C... ont bénéficié, pour l'acquisition d'un appartement dans ce même ensemble immobilier, d'une décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge dès lors qu'en ce qui les concerne, le tribunal administratif de Toulouse a relevé dans un jugement n° 1802816 du 10 décembre 2019 devenu définitif que l'écart entre le prix de vente convenu et la valeur vénale du bien cédé à M. et Mme C... retenue par l'administration est de moins de 20 %.
8. Les requérants contestent il est vrai, de première part, la méthode à laquelle a eu recours l'administration pour établir la minoration du prix de vente des cessions litigieuses, consistant à comparer le prix au m² de l'appartement en litige déterminé à partir de sa surface pondérée avec le prix au m² des autres appartements vendus dans l'ensemble immobilier en cause également déterminé à partir de leur surface pondérée déduction faite, toutefois, d'une commission de 10 % correspondant à des frais de commercialisation non supportés par M. et Mme A.... Les requérants se bornent toutefois à affirmer que le prix de vente HT au m² habitable excède celui de Mme G... pour l'acquisition du lot 18, vente de référence sélectionnée par le vérificateur alors que les termes de comparaison retenus par le service portant sur les ventes Miot du 9/10/10, Schmitt du 15/12/10 et Lescure du 13/12/10 sont sans lien avec la vente faite à Mme G.... Ils affirment aussi que les ventes faites à des tiers subissent un commissionnement de 20 % qu'ils n'ont pas supporté mais n'apportent aucun élément de nature à établir que la commission de 10 % admise par le service au regard des usages de la profession de vendeur de bien en l'état futur d'achèvement serait insuffisante. Ils critiquent encore le recours à la méthode en ce qu'elle évalue le prix au m² des biens vendus à partir de leur surface pondérée. Toutefois, la prise en compte, pour un coefficient de 0,5, des surfaces de terrasses, balcons et jardins privatifs, est conforme aux usages de la profession en ce que ces éléments valorisent les biens vendus. Ils affirment enfin que la cession en cause concernait des lots bruts de finition justifiant une réduction du prix mais n'apportent pas d'éléments de nature à établir qu'ils ont supporté personnellement les frais d'aménagement de l'appartement acquis.
9. Les requérants font valoir, de deuxième part, que le prix d'achat de l'appartement était déprécié en ce que l'intervention de la loi de finances pour 2010 a subordonné l'avantage fiscal de la loi Scellier à un paramètre écologique en maintenant la réduction d'impôts de 25 % pour les seuls logements labellisés " BBC 2005 ". Toutefois, sur les 121 lots proposés à la vente, 81 ont fait l'objet d'un acte authentique de vente entre le 10 juin et le 31 décembre 2010 et 11 biens ont été vendus du 1er janvier au 30 septembre 2011 sans pour autant bénéficier de la remise de prix dont ont bénéficié les requérants. Il suit de là que l'intervention de la loi précitée n'a pas eu pour effet de diminuer la valeur vénale du bien vendu aux requérants.
10. En second lieu, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal dont il y a lieu d'adopter les motifs " l'administration a relevé l'existence d'une communauté d'intérêts entre M. A... et la société Estival. Il est constant que M. F... A... était, au jour de la cession litigieuse, associé de la société J.F.D Immo à parts égales avec son frère, M. B... A..., dirigeant de la société cédante Estival. Eu égard aux liens familiaux unissant M. F... A... au gérant de la société cédante, renforcés par les liens nés de la détention de la société J.F.D Immo, l'intention, pour la société Estival, d'octroyer et, pour le bénéficiaire, la société J.F.D Immo, de recevoir une libéralité est établie par l'administration. Par de tels éléments, ajoutés à l'importance du rabais accordé par la société Estival à la société cessionnaire et par ricochet à M. et Mme A... lors de la cession de l'immeuble sans que celui-ci ne puisse être expliqué par des éléments objectifs, l'administration apporte la preuve que la société Estival a consenti à la société cessionnaire et par ricochet à M. A... une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts. ".
Sur les pénalités :
11. Les requérants reprennent en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration pour manquement délibéré ne serait pas justifié. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M et Mme F... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M et Mme F... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
Le rapporteur,
Nicolas E... La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Fabrice Phalippon
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00647