Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Me Vincent Aussel, liquidateur judiciaire de la société Aquamarine, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société Aquamarine a été assujettie au titre de l'année 2013 et des périodes courant du 1er octobre au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2016 au 30 juin 2016, correspondant à la somme de 231 843 euros.
Par un jugement n° 1800029 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a conclu au non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 14 189 euros correspondant aux pénalités et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, Me Vincent Aussel, liquidateur judiciaire de la société Aquamarine, représenté par Me Frances, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société Aquamarine reste assujettie au titre de l'année 2013 et des périodes courant du 1er octobre au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2016 au 30 juin 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que l'administration a maintenu les rappels de TVA résultant d'une insuffisance de TVA déclarée ou d'une insuffisance de TVA déclarée mais non réglée dès lors qu'elle a rencontré des difficultés de paiement de ses créances par ses clients empêchant la collecte de la taxe ; les formalités de l'article 272 du code général des impôts ont été réalisées dans le délai légal mais les archives de la société Aquamarine ont été détruites par le repreneur de sorte qu'elle se trouve dans l'incapacité matérielle de communiquer au tribunal la preuve du respect de ce formalisme ; sur l'exercice 2016, parmi les clients défaillants, se retrouvent des sociétés en liquidation judiciaire ; elle n'a généré frauduleusement aucune trésorerie au détriment du Trésor public en ne reversant pas la TVA ; les partenaires commerciaux défaillants ne disposaient pas de la trésorerie suffisante pour régler les sommes dues ;
- ce n'est que dans le cas où les sociétés clientes auraient exercé leur droit à déduction que le principe général de neutralité du système TVA aurait été remis en cause ce que l'administration fiscale ne démontre pas ;
- l'application stricte de l'exigence du formalisme prévu par l'article 272 du code général des impôts se heurte au respect du principe de proportionnalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 octobre 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Guignard, représentant Me Vincent Aussel, liquidateur judiciaire de la société Aquamarine.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Aquamarine, qui a une activité de fabrication de spas à usage familial, a fait l'objet, au titre de l'exercice 2013, d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel, par une proposition de rectification du 20 novembre 2015, l'administration fiscale lui a notifié un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) résultant d'une insuffisance de TVA déclarée. A la suite de ses déclarations de TVA portant sur les périodes courant des mois d'octobre à décembre 2014 et de janvier à juin 2016, la société ne s'est pas acquittée des sommes dues et s'est vue adresser des avis de mise en recouvrement par le pôle de recouvrement spécialisé de Lot-et-Garonne. La société Aquamarine a été déclarée en liquidation judiciaire le 10 juin 2016. Me Aussel, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Aquamarine, relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2019 en tant qu'après avoir conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions de Me Aussel, liquidateur de la société Aquamarine, à concurrence de la somme de 14 189 euros correspondant aux pénalités, il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2013 et des périodes courant du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2016 au 30 juin 2016.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 272 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. / Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale. (...) ".
3. D'une part, l'article 272 1 précité du code général des impôts, permettant à un redevable de se prévaloir du caractère définitivement irrécouvrable de sa créance détenue sur une société en raison de la liquidation judiciaire de celle-ci, ne fixe aucun délai pour la production à l'administration de la facture rectificative requise pour obtenir l'imputation ou le remboursement de la TVA perçue à l'occasion de ventes ou de services. Lorsque la société cliente est en liquidation judiciaire, la facture rectificative n'a pas à être communiquée à l'administration fiscale avant la clôture de la liquidation. Dans une telle hypothèse, le contribuable dispose, en vertu de l'article R. 196-1 c du livre des procédures fiscales, pour former une demande d'imputation ou de restitution de la taxe, d'un délai expirant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle est prononcée la clôture de la liquidation judiciaire.
4. D'autre part, lorsqu'un contribuable fait valoir que des créances définitivement irrécouvrables doivent venir en déduction des bases des impositions auxquelles il a été assujetti, il lui revient d'apporter, à l'appui de sa demande de compensation, la justification des sommes à raison desquelles il aurait été, selon lui, surtaxé. La circonstance que les pièces justificatives auraient été détruites n'exonère pas l'intéressé de la charge de la preuve qui lui incombe.
5. En premier lieu, Me Aussel, en sa qualité de liquidateur judiciaire fait valoir qu'alors que le bilan comptable de l'exercice clos au 31 décembre 2013 de la société Aquamarine fait apparaître un poste client de 543 256 euros TTC soit 452 713 euros HT et 90 543 euros de TVA, que le bilan comptable de l'exercice clos au 31 décembre 2014 fait apparaître un poste client de 196 995 euros TTC soit 164 163 euros HT et 32 832 euros de TVA et que cette société a comptabilisée sur son exercice 2016 des créances pour un montant de 70 980 euros TTC soit 59 150 euros HT et 11 830 euros de TVA, la TVA afférente n'a toutefois jamais été collectée soit en raison de difficultés de paiements de ses clients sur les exercices 2013 et 2014, soit en raison de la liquidation judiciaire de ses clients sur l'exercice 2016. Me Aussel précise que les formalités de l'article 272 du code général des impôts ont été réalisées dans le délai légal. Il ne produit toutefois pas les factures rectificatives légalement exigées, se bornant à indiquer que les archives de la société Aquamarine ont été détruites par le repreneur et que celle-ci est ainsi dans l'incapacité matérielle de communiquer la preuve du respect de ce formalisme alors qu'une telle circonstance ne peut être utilement invoquée. Au surplus, s'agissant des créances concernant des clients pour lesquels aucune procédure collective n'a été ouverte, l'appelant ne produit aucun élément, tel que des lettres de relance, de nature à établir leur caractère irrécouvrable.
6. En second lieu, si Me Aussel soutient que l'application stricte de l'exigence du formalisme prévu par l'article 272 du code général des impôts se heurte aux principes de neutralité et de proportionnalité du " système TVA " en ce que les droits du Trésor sont sauvegardés dans la mesure où l'administration fiscale n'établit pas que les sociétés débitrices auraient exercé leur droit à déduction, la Cour de Justice de l'Union Européenne a toutefois jugé le 6 décembre 2018 dans l'affaire 672/17 Tratave - Tratamento de Àguas Residuais do Ave que le principe de neutralité ainsi que les articles 90 et 273 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit que la réduction de la base d'imposition à la TVA, en cas de non-paiement, ne peut être effectuée par l'assujetti tant que celui-ci n'a pas communiqué, préalablement, son intention d'annuler une partie ou la totalité de la TVA à l'acquéreur du bien ou du service, si celui-ci est un assujetti, aux fins de la rectification de la déduction du montant de TVA que ce dernier a pu effectuer. L'exigence légale de production d'une facture rectificative qui contribue à assurer l'exacte perception de la TVA, à éviter la fraude, et à éliminer le risque de perte de recettes fiscales est donc compatible avec le respect du principe de neutralité et de proportionnalité du " système TVA ".
7. Il résulte de tout ce qui précède que Me Aussel, liquidateur de la société Aquamarine, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Me Aussel, liquidateur de la société Aquamarine, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Aussel, liquidateur de la société Aquamarine et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.
Le rapporteur,
Nicolas B...
La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00148