Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet de la Dordogne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours.
Par un jugement n° 2105014 du 1er octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il interdit à Mme B... un retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Kaoula demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2021 en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet de la Dordogne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui restituer son passeport ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne, de réexaminer sa demande de délivrance d'un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à rendre, sous astreinte de 150 euros par jour retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant des moyens communs aux décisions attaquées :
- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît son droit d'être entendu, au sens de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français:
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet n'a pas pris en considération d'autres éléments que ceux afférents à la décision de l'OFPRA ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est entachée d'erreur de droit ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 744-9-1 du même code en ce qu'elle n'est ni nécessaire ni proportionnée, alors d'ailleurs que son passeport fait l'objet d'une rétention administrative ; l'obligation de se présenter chaque jour à 09h00 ne respecte pas sa vie privée et familiale ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à sa liberté fondamentale d'aller et venir protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2022 à 12 heures.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 novembre 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. C... D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née en 1976 à Kutaisi (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), déclare être entrée en France le 6 avril 2021. La demande d'asile qu'elle a formée le 12 avril 2021 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 août 2021. Par un arrêté du 13 septembre 2021, le préfet de la Dordogne a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours. Mme B... relève appel du jugement du 1er octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux, après avoir annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation des autres décisions contenues dans cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. Mme B... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision en litige, du défaut d'examen particulier de sa situation et de la méconnaissance du droit d'être entendu résultant de l'article 41§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... ne résidait en France que depuis 5 mois alors qu'elle a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où résident encore ses deux enfants. Si l'intéressée se prévaut de la présence en France de son concubin, ce dernier séjourne également en situation irrégulière sur le territoire français. Dans ces conditions, nonobstant ses efforts d'apprentissage de la langue française et d'intégration par ses actions de bénévolat au sein de la banque alimentaire, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale, et cette dernière n'est donc pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
6. Mme B... dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 août 2021 et qui se borne à soutenir que la Géorgie est un pays où chaque année le nombre de victimes de violence armée ne cesse d'augmenter, n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et le caractère personnel des risques qu'elle encourt en cas retour dans son pays d'origine.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article [...] d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ". Aux termes de l'article L. 542-5 du même code " Lorsque le droit au maintien de l'étranger a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qu'une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre, l'autorité administrative peut l'assigner à résidence dans les conditions prévues aux articles L. 752-1 à L. 752-4. ". Aux termes de l'article L. 752-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande d'asile, l'étranger dont le droit au maintien a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ".
8. De première part, il résulte des dispositions précitées que Mme B... dont la demande d'asile a été rejetée sur le fondement du d du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, pouvait se voir régulièrement notifier une assignation à résidence alors même qu'elle disposait d'un délai de départ volontaire de trente jours pour quitter la France. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit doit être écarté.
9. De deuxième part, l'objet de son assignation à résidence tendant uniquement au traitement rapide et au suivi efficace de sa demande d'asile, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle ne présenterait pas de risque de fuite en ce que son passeport est retenu par les autorités françaises. Par suite, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doit être écarté.
10. De troisième part, la décision contestée, qui assigne à résidence Mme B... dans le département de la Dordogne pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, prévoit une obligation de présentation de l'intéressée au commissariat de police de Périgueux, tous les jours sauf les dimanches et jours fériés, entre 9h00 et 10h00. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de pointage et les limites géographiques fixées dans l'arrêté ne seraient pas adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elle poursuit dans la mesure où Mme B... réside à Périgueux. Cette assignation à résidence ne porte donc ni une atteinte illégale à sa liberté d'aller et venir de la requérante ni une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale personnelle et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
11. En second lieu, si Mme B... soutient que la décision portant assignation à résidence porte une atteinte disproportionnée à sa liberté fondamentale d'aller et venir protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, cette décision est toutefois fondée sur les dispositions légales précitées mentionnées au point 6 du présent arrêt dont il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de la conformité aux normes de valeur constitutionnelle invoquées par la requérante.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
Le rapporteur,
Nicolas D...
La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04650